Le procureur de Toulouse a annoncé vendredi qu'il faisait appel de la relaxe dune filiale de Total et son ex-dirigeant
Jeudi, le tribunal de Toulouse a relaxé au bénéfice du doute la totalité des prévenus poursuivis pour homicides et blessures involontaires, après l'explosion de 2001, qui avait fait 31 morts et des milliers de blessés.
Les sinistrés et familles de victimes sont sortis écoeurés de la salle d'audience, alors que Total saluait la décision.
Tout en dénonçant des "fautes organisationnelles" au sein de l'usine le tribunal n'a donc pas condamné l'ex-directeur de l'usine Serge Biechlin et son propriétaire, Grande Paroisse, filiale de Total.
Par ailleurs, alors que certaines des 3.184 parties civiles avaient demandé que Total et son ancien PDG Thierry Desmarest soient jugés, le tribunal correctionnel de Toulouse a déclaré irrecevables les citations.
Les sinistrés effondrés
Les parties civiles ont été assommées par le jugement, peu avant 17h00, dans l'immense salle polyvalente Jean-Mermoz, transformée en tribunal du 23 février au 30 juin, et qui accueillait près de 750 personnes.
"C'est honteux", lançait une sinistrée, alors que les policiers venaient de faire taire les applaudissements venus des rangs d'anciens salariés d'AZF, qui ont pris fait et cause pour les prévenus, l'ex-directeur de l'usine Serge Biechlin, et Grande Paroisse, la filiale chimie de Total.
"Le tribunal a laissé la porte ouverte à la délinquance industrielle", a dénoncé froidement Gérard Ratier, président de l'Association des familles endeuillées, dont le fils a été tué par la déflagration.
"La commission d'enquête interne, en agissant avant l'enquête judiciaire, a fait disparaître les pièces à conviction, lesquelles ont manqué à ce tribunal pour se positionner", a-t-il affirmé.
Le principal prévenu, Serge Biechlin, s'est éclipsé rapidement après le jugement, sans faire de commentaires.
Pas de lien de causalité, pour le tribunal
Les juges ont estimé qu'il demeure des incertitudes sur le scénario exact de l'accident, même si des fautes d'organisation ont pu être retenues contre la société : "Il demeure une inconnue concernant le processus exact d'initiation de l'explosion (...) Le tribunal ne peut fonder son jugement sur des hypothèses et des probabilités", dit le texte de la décision. Tout en relevé des fautes de Grande Paroisse, comme les stockages anormaux, l'absence de caméras de sécurité, de système de chauffage ou de lutte contre l'incendie dans le hangar incriminé, le tribunal refuse de retenir un "lien de causalité certain entre la faute et les dommages provoqués par une série de dérives organisationnelles".
"Le dommage est patent, les fautes sont toutes en lien avec le croisement de deux produits incompatibles, le DCCNa et le nitrate d'ammonium qui a explosé, mais il manque le dernier maillon, la preuve de la présence de DCCN a dans la benne déversée sur le tas de nitrates une demi-heure avant l'explosion", a détaillé le président du tribunal Thomas Le Monnyer.
Les juges n'ont pas suivi le parquet, qui avait requis la condamnation de la société à 225.000 euros d'amende, peine maximale prévue par la loi pour "homicides et blessures involontaires", et trois ans de prison avec sursis et 45.000 euros d'amende contre Serge Biechlin. Le ministère public avait invoqué "un dysfonctionnement grave dans la gestion des déchets, le recours à la sous-traitance (...) et le croisement de produits incompatibles".
L'explosion de l'usine AZF est la catastrophe industrielle la plus importante depuis la deuxième guerre mondiale en France. Selon l'accusation, elle est due à un accident chimique favorisé par des négligences des responsables de cette usine de Grande Paroisse, filiale du groupe Total. Des matières chlorées et nitratées, explosives quand elles sont combinées, avaient été stockées dans le même hangar. L'explosion avait fait 31 morts, 20.000 blessés, 85.000 sinistrés et des milliers d'euros de dégâts.
La défense a de son côté multiplié les appels à la relaxe, niant toute "faute caractérisée" dans l'organisation de l'usine et assurant qu'on n'avait "trouvé aucune explication crédible" à la catastrophe.
Un procès fleuve de quatre mois (23 février-30 juin)
Le jugement intégral de ce procès hors normes, dont les 400 heures ont été filmées pour la postérité, devrait comporter plusieurs centaines de pages, car le tribunal correctionnel est tenu de motiver ses décisions, à la différence d'un jury d'assises.
Autres réactions
Les Verts se sont déclarés consternés par le jugement: "31 morts, 2500 blessés, 85.000 sinistrés, zéro coupable ?", s'est étonnée Cécile Duflot, secrétaire nationale du mouvement écologique, estimant "regrettable qu'une entreprise qui accumule d'année en année des milliards d'euros de bénéfices records n'assume pas ses responsabilités".
Aurélie Filippetti, secrétaire national PS à l'énergie et députée de la Moselle, a estimé "insupportable que Total ne soit pas jugé malgré la demande des parties civiles". Elle a demandé "combien il faudra encore de morts et de drames pour que Total assume enfin son manque de politique de sécurité sur ses sites".
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