Les dossiers judiciaires de Nicolas Sarkozy
Une affaire en moins... ?
De quoi s'agit-il ? La justice cherche à savoir si Nicolas Sarkozy a pu bénéficier, comme d'autres, des largesses de l'héritière de l'Oréal, Liliane Bettencourt, reconnue comme affaiblie psychologiquement, lorsqu'il était en campagne pour la présidentielle de 2007. Deux retraits de 400.000 euros en espèces début 2007 sur les comptes suisses de la milliardaire ont notamment éveillé les soupçons des juges. D'autant que le personnel de maison des Bettencourt a affirmé lors d'auditions avoir vu l'ancien chef de l'État à plusieurs reprises au domicile du couple à cette période. Lui cependant ne reconnaît qu'une seule visite le 24 février 2007 et affirme n'y avoir vu qu'André Bettencourt.
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Où en est-on ? Mis en examen pour "abus de faiblesse" le 21 mars 2013, Nicolas Sarkozy a finalement obtenu un non-lieu, lundi 7 octobre. Les juges d'instruction, Jean-Michel Gentil en tête, ont estimé que les charges étaient trop ténues pour renvoyer l'ancien Président de la République en correctionnelle.
En marge de son cas, 10 des 11 personnalités mises en examen n'ont eux pas bénéficié d'un non-lieu. Éric Woerth, son trésorier de campagne, puis son ministre du Budget et du Travail, n'échappera pas à un procès. Il est renvoyé devant le tribunal, contre l'avis du parquet général de Bordeaux qui avait requis le non-lieu.
Il avait été mis en examen en février 2012 pour trafic d'influence passif et recel de financement illicite de parti politique. L'ex-comptable des Bettencourt, Claire Thibout, a affirmé avoir remis 50.000 euros en liquide à Patrice de Maistre censé les remettre à Éric Woerth.
Les quatres affaires restantes
De quoi s'agit-il ? Les soupçons portent sur l'irrégularité présumée de contrats conclus entre l'Elysée et neuf instituts de sondage, sous la présidence Sarkozy (de 2007 à 2012). C'est la Cour des comptes, la première, en 2009, qui s'étonne des dépenses somptuaires de l'Élysée pour la commande de ces enquêtes d'opinion et surtout de la signature d'une convention, sans aucun appel d'offre, avec l'institut de sondages Publifact de Patrick Buisson, alors conseiller de Nicolas Sarkozy.
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L'association Anticor porte ensuite l'affaire en justice. Car selon son avocat, ces enquêtes grassement payées continuent depuis l'avertissement de la Cour des comptes. Une première plainte est déposée contre Nicolas Sarkozy pour favoritisme en 2010, bloquée par la cour d'appel de Paris, en raison de l'immunité pénale du chef de l'État. Mais Anticor revient à la charge et dépose une nouvelle plainte contre X pour détournements de fonds publics en octobre 2012 : Anticor estime que 300 sondages ont été commandés par l'Élysée en cinq ans pour 9,4 millions d'euros.
Où en est-on ? Après presque trois ans de plaintes, d'invalidation, d'enquête préliminaire, le dossier est désormais dans les mains d'un juge, Serge Tournaire, depuis le 19 décembre dernier. L'information judiciaire a été relancée pour de bon par la Cour de cassation, puis élargie en janvier par le parquet de Paris. Mais elle ne vise qu'indirectement Nicolas Sarkozy pour le moment, puisqu'il bénéficie toujours de l'immunité dûe à sa fonction au moment des faits.
En revanche, son entourage peut être poursuivi, selon la Cour de cassation. C'est donc Emmanuelle Mignon, son ex-directrice de cabinet, qui a principalement été visée par l'instruction, pour avoir signé la convention avec l'institut de sondage de Patrick Buisson. L'ex-conseiller présidentiel de Nicolas Sarokzy, a lui vu son bureau et son domicile parisien être perquisitionnés début avril. Il a accusé le pouvoir de vouloir détourner l'attention de l'affaire Cahuzac, qui sévissait au même moment.
De quoi s'agit-il ? Comme l'affaire Bettencourt, celle-ci trouve son origine dans la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007. A-t-elle été financée par le régime libyen ? C'est ce que laisse entendre la publication par Mediapart d'un document attribué à un ex-dignitaire libyen : il fait état d'un accord de principe conclu avec Tripoli en 2006 pour apporter 50 millions d'euros à la campagne de Nicolas Sarkozy.
Soupçons corroborés depuis par l'ex-Premier ministre libyen, Al-Baghdadi Al-Mahmoudi, par le fils aîné de Kadhafi Saïf al-Islam, et plus récemment par l'intermédiaire en armements, Ziad Takieddine (lui-même mis en examen dans l'affaire Karachi, voir ci-dessous), interpellé en 2011 au Bourget, à la sortie de son jet privé, en provenance de Tripoli, avec une valise contenant un million et demi d'euros. Ziad Takieddine a affirmé le 19 décembre 2012 au juge Van Ruymbeke, détenir des "preuves " de ce versement d'argent, sans toutefois les fournir.
Où en est-on ? Il y a deux procédures en cours qui portent sur cette affaire. La première est une information judiciaire ouverte en novembre 2012 par le parquet de Paris pour "manquement à l'obligation déclarative, blanchiment, corruption et recel". L'enquête a été confiée au juge Renaud Van Ruymbeke, qui enquête également sur l'affaire Karachi.
C'est dans ce cadre que Takieddine a été auditionné. Son domicile a été perquisitionné en avril 2013, tout comme l'avait été celui de Claude Guéant, quelques mois mois auparavant. Les enquêteurs avaient alors notamment retrouvé trace d'un versement de 500.000 euros: le paiement de deux tableaux d'un peintre flamand vendus à un avocat malaisien, selon l'ancien secrétaire général de l'Élysée.
En avril 2013, une autre enquête a également été ouverte. Mais celle-ci ne se fonde pas sur les déclarations de Ziad Takieddine. En effet, l'affaire, à proprement parler, n'a éclaté qu'en mars 2012, après des révélations de Mediapart. C'est à ce moment que Nicolas Sarkozy a porté plainte de son côté contre le site d'informations pour "faux et usage de faux". Cette enquête se poursuit, mais celle-ci porte sur les déclarations des anciens dignitaires libyens
De quoi s'agit-il ? L'affaire remonte à 2007, quand Christine Lagarde, ministre de l'Économie sous Nicolas Sarkozy décide de solder le contentieux entre le Crédit lyonnais et Bernard Tapie, autour de la vente d'Adidas. Elle opte alors pour une procédure d'arbitrage, contre l'avis de ses services. La sentence est lourde : l'État est condamné à verser 400 millions d'euros d'indemnités à Bernard Tapie. "Arbitrage truqué ", estiment plusieurs députés socialistes, qui saisissent la justice le 2 avril 2011.
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Où en est-on ? Dans cette affaire, deux procédures avaient été lancées. Une enquête visant, depuis l'été 2011, Christine Lagarde. Enquête ouverte par la Cour de justice de la République pour "complicité de faux et de détournement de fonds publics". L'ancienne ministre et actuelle directrice générale du FMI a été entendue par la Cour de justice de la République et a finalement évité la mise en examen. Après deux ans d'enquête et deux jours d'audition, les magistrats ont donc jugé vendredi qu'ils n'avaient pas assez de matière pour accuser Christine Lagarde.
Le dossier n'est donc pas forcément clos, les magistrats de la Cour de justice de la République poursuivent leurs investigations, et pourraient décider à tout moment de modifier le statut de la patronne du FMI.
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Mais le rôle de l'Élysée intéresse aussi les juges. Aurait-il forcé la main de Bercy ? Selon l'Express , Nicolas sarkozy aurait rencontré Bernard Tapie à 18 reprises entre 2007 et 2010. Pourquoi faire ? Le parquet de Paris a ouvert une information judiciaire contre X en septembre 2012 pour "usage abusif des pouvoirs sociaux et recel de ce délit".
Résultat : après avoir été placé en garde à vue, Bernard Tapie et son avocat ont été mis en examen pour escroquerie en bande organisée, le 28 juin. Depuis, les biens de Bernard Tapie ont été saisis par la justice, début juillet. L'ancien homme d'affaires clame toujours haut et fort qu'il est innocent.
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De quoi s'agit-il ? C'est le dossier le plus ancien mais aussi sans doute le plus périlleux pour l'ancien chef de l'État, car il y a mort d'hommes : 14 personnes tuées, dont 11 Français de la DCN, dans un attentat à Karachi, au Pakistan, en 2002. Or le nom de Nicolas Sarkozy apparaît dans le volet financier de l'enquête ouverte à la suite de ce drame.
Les soupçons portent cette fois sur la campagne présidentielle d'Édouard Balladur en 1995. Nicolas Sarkozy occupe alors les fonctions de porte-parole de campagne et de ministre du Budget. Or, les juges s'interrogent sur le financement de cette campagne, ils soupçonnent des rétrocommissions dans le cadre de contrats d'armement.
Une corruption présumée que Nicolas Sarkozy ne pouvait ignorer, selon les avocats des familles des victimes de l'attentat. La police d'ailleurs, lors d'une perquisition en 2010, met la main sur une note confirmant que celui-ci a validé, en tant que ministre, la création d'une société offshore pour financer la campagne.
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Où en est-on ? Deux personnes ont déjà été mises en examen dans cette affaire : deux proches de l'ancien président, Thierry Gaubert et Nicolas Bazire. Ce dernier, actuellement numéro deux du groupe LVM, a même été mis en examen une seconde fois, en septembre. Ils sont tous deux soupçonnés d'avoir convoyé ou reçu des sommes en espèces provenant de la vente de sous-marins au Pakistan et de frégates à l'Arabie Saoudite dans les années 1990. Dernier rebondissement en date : le juge a affirmé détenir lui aussi la preuve d'un financement occulte de la campagne de Balladur.
En revanche, même si l'étau se resserre, Nicolas Sarkzoy, à ce jour, n'a pas été inquiété. Techniquement, il pourrait être auditionné comme témoin. Mais en cas de poursuite, celles-ci relèveraient de la Cour de justice de la République (seule habilitée à traîter des délits concernant les ministres), puisqu'il était alors ministre du Budget.
C'est pourtant en marge de cette affaire que s'est concrétisé pour lui un nouveau front judiciaire. En septembre 2011, l'Élysée affirmait dans un communiqué que dans "l'affaire dite de Karachi, le nom du chef de l'État n'apparaît dans aucun des éléments du dossier ", laissant supposer qu'il avait pu avoir connaissance de pièces couvertes par le secret de l'instruction. Cela avait outré les familles de victimes de l'attentat.
La chambre de l'instruction a donc autorisé les juges à enquêter sur une éventuelle complicité de violation de ce secret par l'ex-président.
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