Procès de Monique Olivier : ce sera "l'une des dernières fois qu'on pourra l'entendre dans la longueur'', selon l'avocat de familles de victimes

L’ex-compagne de Michel Fourniret est jugée à partir de mardi devant la cour d'assises de Nanterre, pour complicité dans trois affaires d'enlèvement, dont celui d'Estelle Mouzin en 2003.
Article rédigé par Margaux Stive
Radio France
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Monique Olivier au tribunal de Charleville-Mézières, dans les Ardennes, en mai 2008. (FRANCOIS NASCIMBENI / AFP)

Elle est la dernière voix du couple le plus meurtrier de l’histoire criminelle française. Le procès de Monique Olivier s’ouvre mardi 28 novembre devant la cour d’assises de Nanterre, dans les Hauts-de-Seine. L’ex-compagne de Michel Fourniret, qui purge actuellement une peine de prison à perpétuité pour complicité de crimes, comparait seule, le tueur en série étant mort en mai 2021.

Pendant trois semaines, Monique Olivier va être jugée pour complicité dans trois affaires d'enlèvement et séquestration suivi de mort, ceux de Marie-Angèle Domece en 1988, de Joanna Parrish en 1990 et de la petite Estelle Mouzin en 2003. À ce jour, le couple Fourniret-Olivier a été mis en cause par la justice pour 12 meurtres de jeune filles et d'enfants, mais Michel Fourniret n'en a reconnu que huit. Il pourrait y avoir beaucoup plus de crimes et, désormais, Monique Olivier est la seule à pouvoir en parler.

À 75 ans, Monique Olivier est la seule à détenir les secrets du parcours meurtrier de son couple. Ce "duo maléfique" se noue en 1987. Depuis la prison où il est incarcéré pour des agressions sexuelles, Michel Fourniret passe une petite annonce dans le journal Le Pèlerin : "Prisonnier aimerait correspondre avec personne de tout âge pour oublier solitude", écrit-il. Monique Olivier lui répond et ainsi débute leur union, doublée d'un pacte criminel, qui durera 16 ans. Monique Olivier demande à "son fauve" comme elle le surnomme, de tuer son ex-mari violent. Michel Fourniret, qui ne le fera pas finalement, exige en échange qu'elle l’aide à "chasser des vierges", c'est ainsi qu'il qualifie les jeunes filles qu’il va violer et tuer jusqu’à son arrestation en 2003 en Belgique.

Un décompte macabre

En 2004, après une centaine d'interrogatoires, Monique Olivier craque et avoue devant les enquêteurs six, huit puis dix meurtres de son mari. Quinze ans plus tard, en 2019, Monique Olivier reconnaît aussi l'implication de son compagnon dans la mort de la petite Estelle Mouzin, puis dans celle de Lydie Logé. Ce décompte macabre fait encore aujourd'hui de Michel Fourniret et Monique Olivier, le couple le plus meurtrier de l'histoire judiciaire française.

"On est persuadé, et moi j'en suis certain, qu'il y a encore 15 ou 20 victimes, au bas mot et peut-être même encore plus."

Francis Nachbar, ancien procureur de Charleville-Mézières

à franceinfo

Une période inquiète particulièrement les enquêteurs, une décennie blanche, entre 1990 et 2000, pendant laquelle aucun meurtre n’a pu être formellement attribué au couple. Pourtant Michel Fourniret a bien tué pendant ces dix années, affirme Francis Nachbar, ancien procureur à Charleville-Mézières. Il vient d’écrire un livre intitulé "Ma rencontre avec le mal" sur ce couple qu’il a très bien connu. "Fourniret me l'a dit : 'moi, Monsieur le procureur, vous savez quand je partais à la chasse, c'était une à deux fois par an, c'était plutôt deux fois qu'une même. Et quand je partais à la chasse, c'était très très rare que je revienne bredouille. C'était un faisan ou un garenne', c'est comme ça qu'il parlait des jeunes filles, il y avait toujours quelque chose", relate l'ancien procureur.

Dans plusieurs affaires non élucidées, l’ombre du couple plane 

Le profil hors norme de Michel Fourniret a inspiré, selon une source proche du dossier à franceinfo, la création des parcours criminels. Il s'agit d'un nouveau mode d'enquête initié par le pôle "cold case" de Nanterre, pour étudier la vie des tueurs en série et découvrir de possibles crimes passés sous les radars. Pour résoudre ces enquêtes, la parole de Monique Olivier, notamment pendant ce nouveau procès, pourrait tout changer. À chaque fois, c'est elle qui est d'abord passée aux aveux.

Pour Didier Seban, avocat de plusieurs familles de victimes, ce procès peut donc être l’occasion d’avancer sur ces dossiers non élucidés : "On aura un certain nombre de questions à poser, puisque c'est certainement l'une des dernières fois qu'on pourra entendre dans la longueur Monique Olivier, sur la fameuse baby-sitter qu'on a jamais retrouvée, qui a disparu à leur domicile. On s'interrogera sur les 20 traces d'ADN féminin trouvées dans les affaires des Fourniret. Évidemment, ce sont ces questions auxquelles il faudra répondre", estime Me Didier Seban.

"On est là pour faire juger Monique Olivier pour ce qu'elle a fait. Toute considération autre que cella-là sera vouée à l'échec et chacun doit rester à sa place."

Me Richard Delgenès, avocat de Monique Olivier

à franceinfo

Hors de question d'aller sur ce terrain, réplique pour sa part l'avocat de Monique Olivier, Me Richard Delgenès : "Ce n'est ni le lieu, ni l'endroit pour essayer d'aborder d'autres affaires, ça n'aura pas lieu et en tout cas je vous garantis que moi présent ça ne se produira pas."

Les corps des victimes toujours introuvables

Parmi les questions encore en suspens, l'emplacement des corps d'Estelle Mouzin et de Marie-Angèle Domece qui n'ont jamais pu être retrouvés. Leurs familles ont là encore l'espoir d'obtenir une réponse au cours des trois semaines d'audience. Mais sur ce sujet non plus il n'y a rien à attendre de Monique Olivier, prévient son avocat, car elle a déjà dévoilé tout ce qu'elle savait, estime Richard Delgenès.

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