Mobilisation des policiers sous les fenêtres de Christiane Taubira
C’est un rassemblement rarissime. L’ensemble des syndicats policiers manifestent ce mercredi midi devant le ministère de la Justice, à Paris. La précédente manifestation place Vendôme elle remonte à 1983 après la mort de deux policiers tués par Action directe. Robert Badinter était alors le garde des Sceaux.
Les policiers, qui manifesteront aussi devant des tribunaux en province, protestent après que l'un des leurs a été grièvement blessé par un malfaiteur en cavale et fiché, lors d'une fusillade en Seine-Saint-Denis la semaine dernière.
Un large rassemblement parisien, vu d'un mauvais oeil
Les syndicats policiers voulaient, coûte que coûte, manifester devant le ministère de la Justice. Ils ont obtenu gain de cause. Trois jours après la fusillade de Saint-Denis, deux organisations syndicales, SGP-FO et l'UNSA-Police, ont déposé en préfecture des déclarations de rassemblement place Vendôme. Les autres syndicats de policiers en uniforme de la CGT à Alliance (plutôt classé à droite) ont emboîté le pas. Les syndicats d'officiers aussi comme Synergie ou le Syndicat des commissaires.
Cette manifestation de policiers sous les fenêtres du ministère de la Justice n'est pas vue d'un bon œil par le gouvernement. L’interdiction du rassemblement a été envisagée mais finalement les policiers en civil ("sans leurs armes" précise un syndicat dans un communiqué) manifesteront bien ce midi contre la maison justice, les juges et leur ministre Christiane Taubira.
Les juges d'applications des peines au coeur des critiques
Si les syndicats de policiers appellent aussi largement à la mobilisation, c'est que la semaine dernière l'un des leurs a été gravement blessé par un détenu fiché, en cavale après une permission. Un évènement qui a relancé le logiciel "anti-juge" des syndicats de police.
Le "JAP", juge d'applications des peines, est dans le viseur. L'idée de faire escorter les détenus dangereux lors des permissions fait bondir certains policiers. Ils ne veulent pas jouer les "nounous" de détenus qui, selon eux, ne devraient pas se voir accorder d'aménagement de peine. Frédéric Lagache, secrétaire-général adjoint du syndicat Alliance, estime qu'on "ne devrait pas aujourd'hui faire sortir de prison, avoir des permissions, des individus considérés comme très dangereux" .
Un symbole fort : police contre justice
Le fossé est de plus en plus grand entre policiers et juges. La réforme pénale n'est pas comprise par les "flics" de la base. "La confiance n'est plus là ", disent des policiers comme Yves Lefèvre, le secrétaire général du syndicat Unité SGP-FO, syndicat classé à gauche sur l'échiquier politique. La justice manque de réalisme, selon Yves Lefebvre.
Cette manifestation renvoie l’image d’une chaîne pénale au bord de la crise de nerfs où policiers et juges manquent de moyens; où policiers et juges ne parviennent plus à s’entendre sur le fond de leur mission commune : "Comment protéger au mieux la société ?"
Les représentants de la justice clairement montrés du doigt
Les juges des applications des peines, qui sont directement visés, vivent mal la critique de leur travail sur la place publique. Laurence Buisson est "JAP" et secrétaire générale du syndicat de la magistrature : "ce n'est pas un juge hors-sol [...] il ne peut pas prédire l'avenir".
Côté justice, autre son de cloche, celui des agents de probation et d'insertion. Ce sont eux qui accompagnent et suivent les détenus dans leur parcours. Olivier Caquineau est secrétaire général du SNEPAP-FSU et représente ces agents et appliquent les décisions des juges. Il se sent lui aussi mis en cause par ces syndicats de police : "Est-ce que les fonctionnaires de police [...] sous-entendent que le ministère de la Justice, ses services et ses fonctionnaires sont mieux traités que le ministère de l'Intérieur, je ne le crois pas ".
Mardi, Bernard Cazeneuve a tenté de calmer le jeu en offrant à ses troupes de nouveaux moyens matériels et humains, en appelant aussi les syndicats à ne pas opposer justice et police. Christiane Taubira, elle, se dit prête à recevoir les représentants policiers dans son ministère pour dialoguer.
Le policier blessé lui est toujours dans le coma. Les médecins, disait un policier mardi, sont toujours très réservés sur ses chances de survie.
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