Reportage Paris 2024 : comment les tribunaux se préparent-ils aux JO ?

Article rédigé par Mathilde Lemaire
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Le tribunal de Bobigny, en Seine-Saint-Denis. (HAJERA MOHAMMAD / RADIOFRANCE)
Les Jeux olympiques vont provoquer l'afflux de 15 millions de visiteurs supplémentaires, rien qu'à Paris. La justice doit se préparer à davantage d’infractions, notamment en Seine-Saint-Denis, où se tiendront de nombreuses épreuves.

Près de la moitié des épreuves olympiques se dérouleront en Seine-Saint-Denis. Le département accueille quatre sites de compétition, dont le Stade de France mais aussi le village des athlètes. Au tribunal de Bobigny, d'ordinaire l'un des plus surchargés de France, les responsables ont tiré la sonnette d'alarme il y a plus de deux ans déjà, en décembre 2022, voyant arriver de loin l'obstacle olympique.

Une alerte qui a permis de faire débloquer des moyens humains et financiers afin de déstocker les affaires en cours et de ne renvoyer aucun procès sur la période des Jeux. Par ailleurs, fin juillet, des renforts arriveront en provenance du parquet général et de la cour d'appel de Paris. Les plannings de l'été ont également été organisés de façon à augmenter de 50% le nombre de magistrats et greffiers par rapport à un été habituel. "Il y avait un enthousiasme important. Nous n'avons pas eu de problème pour établir les tableaux de service", explique Peimane Ghaleh-Marzban, président du tribunal de Bobigny, qui tient à saluer l'engagement et l'enthousiasme des professionnels.

"Les volontaires ne manquaient pas pour être là, à l’occasion de cet évènement mondial exceptionnel."

Peimane Ghaleh-Marzban, président du tribunal de Bobigny

à franceinfo

"Nous serons en capacité de juger en comparution immédiate jusqu'à 45 personnes par jour devant trois chambres correctionnelles. C'est l'équivalent de ce que nous avons pu faire pendant 3 journées au moment des émeutes de l'été 2023. Cette fois, nous pourrons tenir ce rythme en volume d'audience pendant toute la durée des compétitions", ajoute Peimane Ghaleh-Marzban. Il y aura aussi un triplement du nombre de juges des enfants, juges des libertés et de la détention et juges d'instruction de permanence.

"Il y aura tellement de policiers sur le terrain - jusqu'à 4 000 par jour en Seine-Saint-Denis -, qu'il est possible qu'en réalité la délinquance n'augmente pas tant que cela malgré l'énorme afflux de population, mais nous devons nous tenir prêt à faire face, au cas où, à l'exceptionnel. C'est l'image de notre justice et donc l'image de la France qui est en jeu", conclut le président du tribunal.

Faire juger le plus vite possible les infractions

"Les yeux du monde entier seront tournés vers notre département. Évidemment, il faut être à la hauteur et avoir une juridiction qui soit capable de fonctionner à plein régime", abonde Éric Mathais, procureur de la République de Bobigny, qui a travaillé en bonne intelligence avec son collègue du siège.

Les procureurs et substituts s'attendent à tous types d'infractions. Il y aura, à n'en pas douter, des dégradations ou violences en état d'ivresse, des vols à l’arraché, notamment dans les transports ou des fraudes à l'hébergement sur les locations courte durée.

Pour gérer au mieux toutes ces situations, un procureur sera posté en permanence au PC sécurité du Stade de France. Certains de ses collègues feront, eux, la tournée des commissariats. Le mot d'ordre du parquet ? Faire juger le plus vite possible les infractions, sans porter atteinte toutefois aux droits de la défense. Il sera impossible de renvoyer à septembre, par exemple, le traitement de violences entre supporters étrangers. À cette échéance-là, ils seront tous repartis dans leurs pays. "Très clairement en termes de politique pénale, je vais privilégier le jugement immédiat que ce soit – réponse la plus haute – la comparution immédiate, que ce soit le plaider-coupable avec déferrement, l'ordonnance pénale ou même les alternatives aux poursuites pénales", commente Éric Mathais.

Des renforts d'interprètes et d'avocats polyglottes

La cour d'appel de Paris a passé un contrat avec la chambre des interprètes et une école de traduction afin de disposer, sept jours sur sept pendant les JO, d'interprètes dans un maximum de langues possibles.

Du côté des avocats, on a mobilisé aussi les professionnels. "À vrai dire, ça n'a pas été si compliqué, car beaucoup de mes confrères tenaient à être présents pour cette occasion exceptionnelle. Nous privilégions évidemment pour les renforts de permanence les avocats qui maîtrisent l'anglais, voire idéalement une autre langue", confie Vanessa Bousardo, vice-bâtonnière de Paris. Rien que pour les gardes à vue, le volume des astreintes d'avocats commis d'office a été augmenté pour la quinzaine olympique de 30%.

Le barreau mettra aussi en place à compter de la mi-juillet un numéro de téléphone unique, gratuit, accessible 24 heures sur 24, avec au bout du fil des avocats capables d'aiguiller et d'aider des visiteurs en difficulté, qu'ils soient athlètes ou supporters, qu'ils se retrouvent mis en cause ou victimes. Il s'agira du 0806 142 142.

Du côté de la chancellerie, on estime que s'il y a un regain d'activité judiciaire au moment des Jeux, cela n'aura pas d'impact particulier en termes de détentions supplémentaires. Il n'a donc pas été fait de place pour l'occasion dans les prisons franciliennes, actuellement suroccupées.

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