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Pourquoi le nom de Michel Fourniret ne cesse de revenir dans l'enquête sur la disparition d'Estelle Mouzin

D'après l'avocat du père d'Estelle Mouzin, Michel Fourniret a fait "des aveux en creux" lors d'une audition début mars. Mais ce n'est pas la première fois que le tueur en série laisse entendre son implication dans la disparition de la fillette. Explications.

Article rédigé par franceinfo
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Michel Fourniret dans une voiture de police, le 21 mai 2008, à Charleville-Mézières (Ardennes). (ALAIN JULIEN / AFP)

Quinze ans après sa disparition, à l'âge de 9 ans à Guermantes (Seine-et-Marne), le sort d'Estelle Mouzin demeure un mystère. Et une hypothèse revient régulièrement : qu'elle ait pu être victime de Michel Fourniret, le tueur en série condamné à la perpétuité en 2008 pour cinq meurtres et deux assassinats.

Mi-février, le "monstre des Ardennes" a déjà avoué deux nouveaux meurtres, ceux de Marie-Angèle Domece et Joanna Parish. Et lors d'une audition le 2 mars, il a fait des "aveux en creux" dans l'affaire Estelle Mouzin, d'après l'avocat de la famille de la fillette. Ce n'est pas la première fois que le tueur en série laisse entendre son implication. Franceinfo résume les différents éléments qui justifient cette hypothèse et ceux qui permettent d'en douter.

Son alibi est mis en cause

Les enquêteurs suspectent Michel Fourniret depuis son arrestation en 2003, cinq mois après la disparition d'Estelle. Le tueur en série a vécu à Gournay-sur-Marne (Seine-Saint-Denis), une commune non loin de Guermantes (Seine-et-Marne) où a disparu la fillette. Après son interpellation, il avoue avoir tué neuf personnes entre 1987 et 2001. Interrogé sur l'affaire Estelle Mouzin, il nie toute implication. 

Sa femme lui fournit un alibi : elle assure que Michel Fourniret se trouvait à leur domicile en Belgique au moment de la disparition de la fillette, le 9 janvier 2003, autour de 18 heures. L'homme affirme aussi avoir appelé son fils depuis son domicile autour de 20 heures ce jour-là, d'après Le FigaroComment aurait-il pu, en deux heures, passer ce coup de fil et enlever la fillette à près de 300 km de là ? 

Ces alibis semblent toutefois très discutables. L'appel passé à son fils n'a pas abouti et il est donc impossible de vérifier que Michel Fourniret en était bien l'auteur. Surtout, son ex-épouse semble avoir menti aux enquêteurs à la demande du tueur. C'est du moins ce qu'elle a affirmé à des codétenues. Entendue à ce propos en 2015, Monique Olivier maintient sa version : son mari se trouvait avec elle le jour de la disparition d'Estelle. 

Des photos et un reportage sur Estelle Mouzin ont été retrouvés sur son ordinateur

En juin 2006, le parquet de Charleville-Mézières (Ardennes) où sont instruits les crimes du tueur en série, prévient la Chancellerie que Michel Fourniret pourrait "raisonnablement être suspecté dans la disparition d'Estelle Mouzin". Quelques semaines plus tard, les enquêteurs retrouvent une série de cassettes vidéo appartenant à Michel Fourniret. Sur l'une d'elles se trouve un reportage de la chaîne belge RTL consacré à la disparition d'Estelle Mouzin. En analysant son ordinateur, les enquêteurs découvrent aussi que Michel Fourniret a consulté des photos de la fillette sur internet. En prison, Fourniret affirme s'être seulement intéressé à l'affaire et nie, encore, toute implication. 

Il s'est lui-même impliqué dans une lettre, en 2007

Retournement de situation. En juin 2007, Michel Fourniret écrit au président de la Chambre d'instruction de la cour d'appel de Reims, comme le racontait L'Express. Le "monstre des Ardennes" demande à ce que le dossier Estelle Mouzin et ceux de deux autres meurtres soient joints aux affaires pour lesquelles il a été renvoyé devant le tribunal. Le parquet considère la requête comme irrecevable pour des raisons de procédure.

Est-ce un aveu ? Une provocation ? "Michel Fourniret ne dit pas qu'il est coupable, mais ce n'est pas banal, un tueur en série qui dit : 'Je veux qu'on me juge aussi pour ces affaires-là'", affirme Didier Seban, l'avocat de la famille Mouzin. De son côté, le père de la fillette reste méfiant. "Fourniret se cherche des distractions en prison, cela doit rompre la monotonie", commente-t-il. 

Il joue régulièrement avec les enquêteurs

Michel Fourniret a la réputation d'être un manipulateur qui n'hésite pas à se jouer des enquêteurs. Lors d'une audition, organisée le 2 mars dernier, les formules du tueur sont alambiquées. D'après une source citée par Le Parisien, le tueur n'avoue pas mais "ne nie pas être impliqué dans l'affaire Estelle Mouzin". "Il continue dans la lignée d'il y a dix ans en disant 'je mérite d'être jugé' dans l'affaire Mouzin. Pour moi, ce sont des aveux en creux", affirme à France 2 Me Didier Seban, l'avocat du père d'Estelle.

"Attention aux faux espoirs", prévient dans Le Parisien Dominique Laurens, la procureure de Meaux (Seine-et-Marne) en charge de l'affaire Mouzin. "La piste de ce tueur n'a jamais été refermée complètement. Mais la prudence s'impose car, là, nous avons du Fourniret dans le texte", affirme la magistrate. "Ce sont des propos très elliptiques. Il n'y a pas le début d'une once d'aveux sur Estelle Mouzin. Il n'a rien reconnu au sens juridique du terme. On n'est pas loin d'une manipulation. Il joue avec les magistrats", ajoute une source judiciaire auprès du journal. 

Les recherches effectuées n'ont rien donné de concluant

En 2010, des milliers de prélèvements de cheveux, poils et autres fibres de vêtements retrouvés dans la fourgonnette de Michel Fourniret ont été analysés. Le véhicule correspond au signalement de la camionnette vue le jour de la disparition d'Estelle à Guermantes. Mais en 2013, les résultats se sont révélés négatifs.

Cinq ans plus tard, les avocats d'Eric Mouzin ont finalement demandé le dessaisissement de la police judiciaire de Versailles qui suivait jusqu'ici l'affaire. D'après eux, les enquêteurs ont trop négligé la piste Fourniret. "Ils ont dit à plusieurs reprises, y compris publiquement, ce que ce n'était pas lui pour Estelle alors que beaucoup d'éléments nous font penser le contraire", indique Didier Seban à franceinfo. 

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