Procès des attentats du 13-Novembre : se constituer partie civile, assister aux audiences, témoigner... de nombreuses victimes hésitent
Le procès va s'ouvrir en septembre et durer sept mois. Certaines victimes, pour se préserver, se demandent si elles souhaitent ou non y participer .
Dans un peu moins de trois mois, le 8 septembre, un procès hors norme s'ouvrira à Paris, celui des attentats du 13 novembre 2015. Un drame qui a fait 131 morts et près de 400 blessés. Le procès doit durer sept mois devant la Cour d'assises spéciale dans le Palais de Justice situé sur l'île de la Cité. Vingt accusés seront présents dont le seul survivant des commandos, Salah Abdeslam. Face à eux : 330 avocats et des centaines de parties civiles, proches des personnes décédées et victimes blessées physiquement et psychologiquement.
Des victimes qui sont nombreuses à ne s'être toujours pas constituées parties civiles, elles seraient près de 30 % à ne l'avoir pas fait. De plus, 10 % d'entre elles seulement ont fait connaître leur souhait de témoigner. Beaucoup ne parviennent pas encore à se décider : vont-elles se constituer ou non parties civiles, assister ou non aux audiences, témoigner ou non ?
"Est-ce que je veux témoigner pour me libérer d'un poids ?"
Il y a la peur, l'appréhension, la volonté de se préserver et d'un autre côté, l'envie de comprendre, peut-être se soulager, tourner une page. Pas simple de se décider. C'est seulement cinq ans et demi après les faits que Bertrand, la trentaine, vient ces derniers jours de prendre un avocat à qui il a demandé d'organiser sa constitution de partie civile à l'ouverture du procès. Venir au tribunal ? Témoigner à la barre de ses séquelles psychologiques après le Bataclan ? Sur ces deux questions, il hésite encore.
"Je pèse le pour et le contre", confie-t-il, "Est-ce que j'ai envie d'y aller ? Oui, ça se dessine peu à peu. J'ai la chance d'avoir un employeur qui m'a dit que tous les moments que je voudrais prendre pour assister au procès ne me seraient pas décomptés. Donc j'aurai la possibilité de vivre plutôt sereinement ce moment difficile. Mais en termes de témoignage, je ne sais pas si j'aurai quelque chose à apporter. Est-ce que je veux témoigner pour me libérer d'un poids ou bien pour apporter quelque chose à la compréhension du procès ? Ce sont des grandes questions dont les réponses vont s'affiner."
L'inquiétude des avocats
Se porter partie civile comme Bertrand, c'est aussi le seul moyen de se faire remettre des codes sécurisés pour suivre à distance le procès grâce à une web radio créée spécialement. La bande son de l'audience y sera retransmise avec une heure de décalage. Il y aura également un numéro vert avec des psychologues au bout du fil. Malgré cela, cette retransmission audio inquiète les avocats de parties civiles comme Frédéric Bibal qui représente une cinquantaine de victimes.
"C'est quelque chose de tout à fait nouveau", explique-t-il, "On peut être assez inquiets sur le retentissement que ça peut avoir sur certaines personnes. On craint surtout qu'une personne soit renvoyée à des scènes traumatisantes par le récit d'une autre victime, et qu'elle ne puisse pas s'exprimer parce qu'elle sera chez elle. C'est quelque chose qu'on peut gérer quand on est à l'audience près de son client : on peut s'entretenir avec lui, sortir quelques instants s'il le faut, mais qu'on ne pourra pas du tout maîtriser quand les personnes seront à distance."
Le président de la Cour d'assises spéciale a d'ors et déjà prévu 25 jours d'auditions de parties civiles. 25 jours de récits forcément douloureux autour de 30 minutes par témoignage. Ce sera de fin septembre à fin octobre.
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