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Quinze hommes assignent l'Etat en justice pour des contrôles au faciès

Noirs ou d'origine maghrébine, ils réclament 10 000 euros de dommages et intérêts en guise de condamnation pour ces pratiques illégales. 

Article rédigé par franceinfo
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Des policiers de la brigade anticriminalité (BAC) contrôlent l'identité et les téléphones portables d'un groupe de jeunes hommes, le 9 mars 2007, à Lyon (Rhône). (JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP)

L'action civile est inédite en France. Une quinzaine d'hommes noirs et arabes, âgés de 16 à 47 ans et se disant victimes de contrôles au faciès, ont assigné le ministre de l'Intérieur et l'Etat en justice, mercredi 11 avril. Objectif : obtenir une condamnation "pour cette pratique illégale et discriminatoire".

D'après Le Monde.fr (article payant), les plaignants réclament 10 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi. Tous ont recueilli l'attestation d'un témoin de la scène pour étayer leurs propos, précise le quotidien. L'action, qui pourrait aboutir à un procès dans un ou deux ans, est soutenue par le Syndicat des avocats de France (SAF) et le Collectif contre le contrôle au faciès.  

• Que dénoncent les victimes ? 

Les plaignants demandent réparation pour avoir été victimes de contrôles jugés abusifs. L'un de leurs avocats, Me Felix de Belloy, critique "une suspicion policière" du fait de leur couleur de peau et de leur code vestimentaire. "[Ils] sont considérés par la République, par les forces de l'ordre, comme des citoyens de seconde zone", dénonce son collègue, Me Slim Ben Achour, cité par l'Agence France Presse. Certains des plaignants ont été ou font "l'objet de fouilles, de palpations, certains d'insultes et de propos humiliants et même de violences physiques".

C'est le cas de Karim, contrôlé à Besançon (Doubs) en décembre 2011, selon le Bondy Blog. Dans Le Monde.fr, deux autres plaignants racontent. Nadir, Lyonnais de 20 ans, se fait contrôler "jusqu'à dix fois" certains mois. "C'est vraiment très humiliant. (...) On n'a jamais rien trouvé sur moi, je n'ai pas de casier. Je suis sérieux, je suis en licence d'expert-comptable et animateur à la radio."

Mounir, même âge, se souvient d'un contrôle en 2011, dans le métro à Roubaix. "Je suis black. Ils n'en arrêtent qu'un, c'est moi. C'est moi le suspect du wagon. Tous les autres sont blancs", se souvient-il. "Un Black, un Rebeu est forcément une personne malsaine, délinquante, quelqu'un qui a de la drogue ou une arme sur lui."

• Que dit la loi ? 

Invité de France Info mercredi matin, Felix de Belloy a rappelé ce que prévoit le code de procédure pénale concernant cette pratique. En théorie, "seules les personnes ayant un comportement suspect peuvent prêter à un contrôle". Il dénonce ainsi les contrôles au faciès, jugés "abusifs" et "illégaux".

Pour lui, le problème réside dans le fait que "les policiers [ne sont] pas obligés de rendre compte des raisons d'un contrôle" et "ne remettent pas un procès-verbal à l'issue du contrôle. Du coup, personne ne peut contester en justice la validité de l'action policière."

• Une réalité perçue comme "acceptable"

D'après Felix de Belloy, la pratique des contrôles au faciès "se répand" en France. L'avocat se réfère à une étude réalisée par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) entre octobre 2007 et mai 2008. Les conclusions du document avaient fait grand bruit. Et pour cause : selon les scientifiques, les Noirs ont six fois plus de risques d'être contrôlés que les Blancs, et les Arabes environ huit fois plus.

Le porte-parole du Collectif contre le contrôle au faciès, Franco Lollia, cité par l'AFP, explique : "La population perçoit les contrôles au faciès comme une réalité acceptable alors que ce n'est pas du tout acceptable. On prétend qu'on est un peu paranoïaque, que le contrôle au faciès n'existe pas, mais c'est une réalité." 

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