Société générale : que peut attendre Jérôme Kerviel aux prud'hommes ?
L'ex-trader conteste son licenciement pour "faute lourde". Il réclame 4,9 milliards d'euros de dommages et intérêts à son ancien employeur. L'audience de conciliation aux prud'hommes débute jeudi.
Jérôme Kerviel, condamné en appel à trois ans de prison et 4,9 milliards d'euros de dommages et intérêts, mène encore plusieurs batailles judiciaires de front. En attendant l'examen de son cas par la Cour de cassation, probablement à l'automne, le trader est à nouveau confronté à la Société générale, jeudi 4 juillet. Cette fois, l'ancien salarié de la banque conteste, devant les prud'hommes de Paris, son licenciement pour "faute lourde" et réclame 4,9 milliards d'euros à son ancien employeur.
L'audience de conciliation prévue jeudi a pour objectif de trouver un accord financier entre les deux parties et d'éviter un jugement. Un arrangement peu probable, au vu des exigences de Jérôme Kerviel et des relations tendues avec la Société générale. Que peut réellement attendre le trader de cette procédure ?
Une expertise sur les pertes de la Société générale
Ce qu'il souhaite. Jérôme Kerviel s'est toujours présenté comme le bouc émissaire de la Société générale. Il assure ne représenter qu'un fusible que la banque aurait fait sauter après lui avoir imputé des milliards d'euros de pertes dues à la crise des subprimes. "J'attends de l'expertise qu'elle démontre qu'il n'y a pas eu de pertes", déclare l'ancien trader, "je veux que ce chiffre soit vérifié, car je maintiens que ce chiffre n'est pas une perte Kerviel".
Ce que les prud'hommes peuvent faire. De lui-même ou à la demande d'une des parties, le conseil de prud'hommes peut en effet désigner un expert chargé de mener des investigations. Si c'est le cas, il s'agirait de la première expertise conduite sur les pertes de la SoGé. Aucune enquête de justice, indépendante des déclarations de la banque, n'a expliqué les sommes perdues.
Une requalification de son licenciement
Ce qu'il demande. Jérôme Kerviel refuse le motif de "faute lourde" invoqué par la Société générale pour le licencier, en février 2008, alors qu'il était en prison. Son recours repose sur un arrêt de la Cour de cassation de novembre 1990, qui définit la "faute lourde" comme une une faute "commise avec l'intention de nuire à l'employeur". "Ce qui n'a jamais été le cas et ce qui est établi dans le dossier", rappelle l'ex-trader, qui a toujours affirmé vouloir faire gagner de l'argent à la Société générale.
Ce qu'il peut espérer. Les tribunaux confirment rarement les fautes lourdes, mais "on ne peut jamais préjuger d'une décision de justice", explique Etienne Pujol, avocat en droit social, contacté par francetv info. L'intention de nuire n'ayant jamais été reprochée à Jérôme Kerviel, le simple motif de "faute grave", dont la définition est plus large, pourrait être retenu. Il concerne simplement une faute qui "rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise".
Des indemnités
Ce qu'il réclame. Le trader demande 4,9 milliards d'euros de dommages et intérêts à son ancien employeur. Soit la somme qu'il a été condamné, en appel, à lui verser. Jérôme Kerviel a d'ailleurs reconnu avoir formulé au conseil de prud'hommes une demande "un peu ironique".
Ce qu'il peut obtenir. En cas de requalification du motif de son licenciement pour "faute lourde" en "faute grave", l'ancien salarié pourra toucher l'indemnité compensatrice de congés payés, dont l'a privé la faute lourde. Dans le cas où son licenciement serait jugé "sans cause réelle et sérieuse", le trader pourrait prétendre à des dommages et intérêts. "C'est peu probable, étant donné que le comportement fautif a été prouvé au pénal", estime l'avocat Etienne Pujol.
De nouveaux soutiens… surprenants
Ce qu'il espère. Jérôme Kerviel ne veut pas rester "seul contre tous". En multipliant les recours contre la Société générale, il espère rassembler des soutiens pour mener son combat contre le "système" qu'il dénonce. Pour devenir un accusateur de poids, et non plus le seul accusé. Mais à part un comité de soutien composé d'anonymes, ceux qui prennent la défense du trader étaient encore rares et discrets, jusqu'à cette procédure aux prud'hommes.
Ce qu'il a obtenu. A quelques jours de l'audience de conciliation, le trader s'est attiré l'étonnante sympathie de la gauche. Dans un post de blog intitulé "Kerviel est innocent !", Jean-Luc Mélenchon annonce qu'il sera au côté du plaignant jeudi. "Je n'ai aucune raison personnelle d’agir comme je suis en train de le faire. Je m'attends même à soulever de l’incompréhension et peut-être des reproches venant de mon camp", écrit le coprésident du Parti de gauche. Dans la foulée, Julien Bayou, conseiller régional (EELV) d’Ile-de-France et Clémentine Autain, membre du Front de gauche, ont aussi pris le parti de Jérôme Kerviel.
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