Soupçon de biens mal acquis: le cousin de Bachar al-Assad parle
Le patrimoine de Rifaat al-Assad en France
peut donner le vertige : un immeuble de sept étages avenue Foch à Paris,
estimé à 90 millions d'euros ; une dizaine d'appartements et de maisons dans
les quartiers les plus chics de la capitale ; une propriété et un haras dans le
Val-d'Oise ; un terrain de 800 m², rue Jasmin,
dans le XVIème arrondissement de Paris, non construit pour le moment. "Sans doute le terrain vague le plus cher de la capitale ", commente
amèrement un élu.
En tout, selon le journal Le Monde , Rifaat al-Assad
aurait investi 160 millions d'euros dans l'immobilier en France. Deux
associations, Sherpa et Transparency International, soupçonnent Rifaat al-Assad,
76 ans, d'avoir financé ses investissements immobiliers avec de l'argent sale -
ce que l'on appellerait alors des "biens mal acquis".
Pour la première fois, la famille répond aux
accusations des deux associations qui ont porté plainte, par la voix de Siwar,
l'un des fils de Rifaat. Ce jeune homme élégant vit entre la France et
l'Angleterre. Il nous a reçus dans l'un des immeubles de la famille, situé,
avenue du Président Kennedy, face à la Seine. C'est ici que son père, Rifaat, a
installé le siège de son parti politique d'opposition au régime, l'Union
nationale démocratique unie.
"Tout est légal" selon Siwar al-Assad
"Nous sommes complètement
transparents dans nos investissements, rien n'a été fait dans le secret,
l'origine de nos fonds est complètement légale. Nous sommes prêts à fournir
toutes les preuves à la justice" , affirme Siwar
dans un français parfait. Selon lui, son père Rifaat al-Assad n'aurait pas bâti
sa fortune en Syrie. Condamné à l'exil après avoir tenté de prendre le pouvoir
contre son propre frère, il pose ses valises en France en 1984. "Lorsqu'il
arrive à Paris, sur invitation de François Mitterrand, il n'a pas de
fortune" , raconte Siwar. Mais pour continuer son mouvement d'opposition,
"il a été financé par des États, des dirigeants et des amis à
l'étranger" .
Siwar soutient que son père s'est fait offrir
plusieurs biens immobiliers. Son ami le roi d'Arabie Saoudite lui aurait cédé,
par exemple, la propriété de 45 hectares et le haras
dans le Val-d'Oise. Rifaat al-Assad aurait ensuite "simplement fait
fructifier" ses avoirs pour se constituer sa fortune.
Des élus demandent le gel des avoirs
Une version qui ne convainc pas du tout le
président de Sherpa – par ailleurs avocat – William Bourdon : "Cet
homme n'a jamais exercé la moindre activité professionnelle, affirme-t-il. Il
était commandant des Brigades de défense syrienne, il a ordonné le massacre de
plusieurs milliers de prisonniers. Et même après son exil, il est resté
vice-président de la Syrie jusqu'en 1998."
Pour le président de Sherpa, les indices de
corruption et de blanchiment sont importants. Rifaat Al-Assad ne fait pas
l'objet de sanctions internationales, il ne figure pas sur la liste noire des
179 personnes proches du pouvoir syrien dont les avoirs sont considérés comme
des biens mal acquis par l'Union européenne. Ce que regrette David Alphand,
conseiller de la ville de Paris. L'élu UMP du XVIème arrondissement a écrit cet
été à François Hollande pour lui demander le gel des avoirs français du
"clan Al-Assad".
"Délit patronymique"
L'amalgame entre le dictateur Bachar et son
oncle Rifaat choque profondément l'avocat de ce dernier. Marcel Ceccaldi
dénonce un "délit patronymique". "Rifaat est un opposant en
exil depuis 1984 ! Il ne s'est pas réveillé au moment du soulèvement il y a
deux ans. Dire qu'on est forcément méchant parce qu'on porte le nom
d'"Assad", c'est faire preuve d'un sens politique assez
primaire" , lâche Me Ceccaldi, pour qui les prochaines échéances
électorales à Paris ne sont pas étrangères à cette polémique naissante sur les
biens de son client. Rifaat al-Assad, par le biais de son avocat, devrait
déposer la semaine prochaine une plainte pour dénonciation calomnieuse.
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