L'égalité hommes-femmes mise à mal par le projet de loi sur le dialogue social
Une centaine de personnalités emmenées par Yvette Roudy lancent une pétition contre ce texte qui dispense les entreprises d'établir des diagnostics de l'égalité hommes-femmes.
"C'est tellement énorme qu'on dirait presque un canular", s'étrangle Yvette Roudy dans les colonnes du Parisien, lundi 11 mai. Si la première ministre des Droits de la femme, nommée par François Mitterrand en 1981, monte au créneau, c'est à cause des reculs en matière d'égalité professionnelle hommes-femmes que contient le projet de loi sur le dialogue social.
Le texte du ministre du Travail, François Rebsamen, doit être examiné à l'Assemblée nationale fin mai. Il prévoit notamment la suppression du "rapport de situation comparée" (RSC), institué par la loi Roudy de 1983 et qui oblige les entreprises à établir un diagnostic de l'égalité (sur la base des salaires, accès à la formation, déroulement de carrière...). Autrement dit, c'est le thermomètre permettant de mesurer les inégalités hommes-femmes au travail qui risque de disparaître sur l'autel de la simplification.
"L'égalité ? C'est réglé, circulez, il n'y a rien à voir"
Une campagne contre ce projet de loi a été lancée par le biais d'une pétition en ligne, disponible sur le site Change.org. "Avec ce texte de loi, le gouvernement envoie un message clair : 'L'égalité ? C'est réglé, circulez, il n'y a rien à voir'", proteste Yvette Roudy et une centaine de personnalités. La pétition est signée par des responsables d'associations féministes (MachoLand, Osez le Féminisme, La Barbe, le Planning familial, Femmes solidaires, Elus contre les violences faites aux femmes...), le numéro un de la CGT, Philippe Martinez, des chercheurs et sociologues (Réjane Sénac, Eric Fassin, Rachel Silvera...), l'élu EELV Julien Bayou, l'actrice Eva Darlan ou encore l'écrivain Geneviève Brisac.
Les initiatrices de la campagne, parmi lesquelles Caroline de Haas, ancienne conseillère de Najat Vallaud-Belkacem au ministère des Droits des femmes, vont aussi interpeller le ministre du Travail sur les réseaux sociaux. Elles prévoient de rassembler toutes leurs actions sur le site egalite.paritemaintenant.fr.
Elles craignent que la suppression du RSC rende impossible l'application de la pénalité financière (allant jusqu'à 1% de la masse salariale) instaurée par un décret de la fin 2012 à l'encontre des entreprises ne respectant pas leurs obligations en matière d'égalité (48 sanctionnées à fin mars).
"Une suppression inadmissible", selon un rapport confidentiel
Elles s'appuient sur un avis encore confidentiel du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle (CSEP), qui doit être remis lundi après-midi à la secrétaire d'Etat aux Droits des femmes, Pascale Boistard. Selon Le Parisien, qui se l'est procuré, le rapport évoque "une suppression inadmissible". "Enlever cet instrument reviendrait à demander à un médecin de soigner son patient sans aucune consultation !" poursuit le CSEP.
Les signataires s'élèvent aussi contre l'intégration de la négociation annuelle sur l'égalité professionnelle, datant de 2001, à la négociation "qualité de vie au travail", et contre la suppression de la commission égalité professionnelle, obligatoire dans les entreprises de plus de 200 salariés.
Le salaire horaire net des femmes était, en moyenne nationale, inférieur de 18,4% à celui des hommes en 2010, selon une récente étude du ministère du Travail. A postes et caractéristiques de salariés (âge, qualifications...) identiques, l'écart moyen est réduit de moitié, à 8,6%.
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