Les enseignants qui avaient usé de leur "droit de retrait" dénoncent les retenues de salaires qui leur ont été notifiées
Les professeurs, qui avaient cessé les cours le 3 février après l'agression d'un élève, ont repris les cours mercredi. Ils ont trouvé dans leur casier un avis du proviseur les informant de "retenues sur salaires" pour jours non-travaillés et "absences pour service non-fait".
Ils se mobilisent pour faire reconnaître "l'exercice du droit de retrait".
Le nombre des jours concernés par la retenue n'a pas été pas précisé.
Les enseignants appelaient à un rassemblement jeudi à la mi-journée devant leur établissement pour faire reconnaître "l'exercice du droit de retrait " qu'ils ont invoqué depuis le début de leur mobilisation, récusant être en grève, selon un tract transmis à l'AFP.
En vertu de ce droit, un salarié ayant "un motif raisonnable de penser qu'il se trouve en situation de danger grave et imminent" peut cesser le travail et même quitter les lieux sans s'exposer à des sanctions ou à des retenues sur salaires. "On s'y attendait mais ça met en colère. Ils veulent dissuader d'autres établissements de se lancer à leur tour", a déclaré à l'AFP, Christine Lichtenauer, enseignante à Chérioux.
Au début du mouvement, le ministère de l'Education avait fait savoir que seuls les deux premier jours d'arrêt de travail à Chérioux seraient assimilés à un droit de retrait. Mardi, le ministre du Travail, Xavier Darcos, avait estimé que les enseignants de Chérioux excerçaient leur droit de retrait , près de deux semaines après l'arrêt des cours.
Les cours étaient suspendus depuis le 3 février après l'agression d'un élève au couteau. Une autre agression a eu lieu lundi au lycée Guillaume-Apollinaire de Thiais (Val-de-Marne). Six personnes extérieures à l'établissement ont blessé un lycéen avec un cutter.
Des postes de surveillants demandés
Dans la contestation lancée par les professeurs après l'agression survenue au lycée Adolphe-Chérioux, une nouvelle offre avait été faite aux enseignants du lycée au cours du week-end - la nomination de quatre surveillants supplémentaires contre trois proposés jusque-là -, mais elle a été rejetée lundi par une majorité des quelque 60 enseignants présents en assemblée générale. Bien qu'ils aient repris le travail, ils réclament toujours la création des 11 postes de surveillants. Ils demandent aussi l'application dans leur établissement du "droit fondamental" à la sécurité. De son côté, l'Education nationale les considère comme grévistes et les appelle à reprendre les cours.
Luc Chatel leur a proposé la création de neuf postes pour renforcer l'encadrement: trois assistants d'éducation et six "médiateurs de réussite scolaire". Il s'agit là de contrats précaires, mal payés et peu efficaces, rétorquent les enseignants de l'établissement.
La rencontre des enseignants avec le ministre, puis avec les groupes politiques de l'Assemblée générale, ainsi que leur manifestation à Paris la semaine dernière ne leur ont pas permis d'obtenir satisfaction.
Plus de neuf personnes interrogées sur dix (93%) sont favorables au renforcement du personnel de surveillance dans les écoles pour lutter contre la violence, selon un sondage Harris Interactive pour RTL publié mercredi.
Elles sont majoritairement opposées (70%) à la présence de policiers dans les établissements mais se prononcent à 75% pour une présence policière autour des écoles. Les sondés estiment à 90% que la violence à l'école a augmenté au cours des dix dernières années. Pour plus de 52% d'entre eux la violence en milieu scolaire a même "fortement augmenté".
Plus de six personnes interrogées sur dix (61%) se disent inquiètes pour la sécurité de leur enfant ou de leur petit-enfant à l'école. Le sondage a été réalisé en ligne les 15 et 16 février auprès d'un échantillon de 1.004 personnes.
Ils évoquent leur droit de retrait
Une partie de la gauche reproche au gouvernement de réduire les effectifs dans l'Education nationale alors même que la violence se banalise dans les établissements scolaires. Les syndicats estiment que les mesures proposées par la droite, comme l'installation de portiques de sécurité, sont des "gadgets" qui ne peuvent pas remplacer la présence humaine.
"Si le mouvement est si fort, c'est que beaucoup de collègues, qui avec le temps s'étaient résignés et ne parlaient plus de problèmes de violence, cette fois ont dit 'stop' ", a témoigné dans le Journal du Dimanche une porte-parole des enseignants en grève. "Quitter ce lycée ? A quoi bon. Nous sommes plus utiles ici que dans les beaux quartiers de Paris".
L'intersyndicale de l'Education nationale "demande instamment aux pouvoirs publics de ne pas confondre le 'droit de retrait', exercé par exemple par nos collègues du lycée Chérioux de Vitry, cri d'alerte légitime d'une profession au bord de l'explosion, avec une action de grève", selon un communiqué.
Dans le même temps, les syndicats réaffirment leur opposition à la réforme du lycée, à celle de la formation des enseignants et aux suppressions de postes d'enseignants. Ils dénoncent en outre "le caractère de totale improvisation dans laquelle se préparent l'accueil et la formation des professeurs stagiaires dans les établissements".
Grèves dans la banlieue-est de Paris
A Saint-Denis, en Seine-Saint-Denis, quelque 500 enseignants, mais aussi élèves et parents d'élèves ont manifesté mardi après-midi, se félicitant d'un mouvement qui s'étend. "On est passé en une semaine de 12 établissements en grève à 38 aujourd'hui", a affirmé Clément Birson du Snes-FSU 93. L'inspection d'académie en compte pour sa part une vingtaine pour un total de 184 dans ce département.
"Dégradation des conditions de travail", sentiment d'insécurité, suppression de postes, réforme du lycée: la tension monte chez les enseignants dans la banlieue est de Paris, où la grève gagne du terrain.
Cette académie, la deuxième de France par le nombre d'élèves, après celle de Versailles, et l'une des plus défavorisées, est proie à de fortes tensions depuis quelques jours.
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