Ce que l'on sait de l'agression transphobe survenue dimanche à Paris
La scène, très violente, s'est déroulée en marge d'un rassemblement contre le président algérien Abdelaziz Bouteflika.
"Le plus difficile ce n'est pas les coups, c'est l'humiliation." Julia, une femme transgenre de 31 ans, a été victime dimanche 31 mars, à Paris, d'une violente agression dont les images ont provoqué l'indignation sur les réseaux sociaux. Une enquête a été ouverte. Franceinfo revient sur ce que l'on sait de l'affaire.
Une scène violente filmée par un amateur
Sur une vidéo diffusée mardi sur les réseaux sociaux par Lyes Alouane, militant et délégué francilien de l'association Stop Homophobie, on voit Julia être prise à partie par plusieurs personnes à l'entrée du métro, sur la place de la République, à Paris. La scène, très violente, s'est déroulée en marge d'un rassemblement contre le président algérien Abdelaziz Bouteflika.
Les cheveux de Julia sont ébouriffés et un chant humiliant est entonné par les hommes qui l'entourent. "Le groupe d'hommes chante en arabe. Les paroles de cette chanson signifient 'Tu es une friandise', 'Tiens voilà le gâteau ou le bonbon, le chocolat'. Cela la réduit à un objet sexuel", explique à franceinfo Lyes Alouane.
L'auteur de la vidéo a assuré au militant qu'un jeune avait auparavant craché sur la jeune femme. Julia remonte ensuite quelques marches avant de se faire frapper durant quelques secondes, puis le service de sécurité de la RATP intervient pour la mettre à l'écart.
Agression transphobe.
— Lyes Alouane (@Lyes_Alouane) 2 avril 2019
Nous sommes bien en plein @Paris, à République.
Une honte pour notre pays.
Une honte pour le drapeau auquel vous pensiez faire honneur.
#Transphobies
@stop_homophobie
@FVauglin@ACORDEBARD@Prefet75_IDF pic.twitter.com/GbD6bBG5dt
D'autres agressions avant et après la scène
Les images ne montrent toutefois pas tout, a expliqué la victime à différents médias. D'après elle, l'agression a eu lieu entre 19 et 20 heures dimanche, alors qu'elle se dirigeait vers le métro pour rentrer chez elle après avoir passé un moment dans le secteur du canal Saint-Martin situé non loin de là.
Alors qu'elle s'apprête à entrer dans la station République, trois hommes lui barrent la route. "Un d'eux me dit : 'Mais en fait toi, tu es un homme et de toute façon tu ne passeras pas !' Un des trois individus me dit : 'Mais tu as des seins, est-ce que je peux toucher ?' Et là, il a porté sa main sur ma poitrine", a expliqué la jeune femme à France Inter.
Je commençais à me rendre compte que j'étais dans une situation assez compliquée.
Juliaà France Inter
La suite est tout aussi violente. "Je me suis retrouvée face à un homme qui a sorti son sexe devant moi et m'a dit que je devais lui faire plaisir", raconte-t-elle. "Les hommes qui étaient au-dessus m'ont jeté de la bière. Et la personne qui m'a touché la poitrine est revenue vers moi et m'a mis une gifle et la suite vous l'avez vue sur la vidéo", ajoute la jeune femme.
Julia raconte enfin au HuffPost avoir subi des propos dégradants de la part des agents de la RATP venus lui porter secours. "Même avec eux, j'ai été humiliée. Ils m'ont appelée 'Monsieur', puis m'ont demandé pourquoi j'étais sur la place de la République pendant cette manifestation, vu les dangers que cela pouvait comporter pour moi", rapporte-t-elle. "Ils m'ont ensuite dit : 'Il ne faut pas s'habiller comme ça, Monsieur', sous-entendant que si je n'avais pas mis ce short, je n'aurais pas été agressée."
Une enquête est ouverte
Le parquet de Paris a ouvert une enquête dès dimanche pour "violences commises à raison de l'orientation sexuelle et de l'identité de genre", a précisé une source judiciaire à franceinfo, ajoutant qu'une personne avait été placée en garde à vue avant d'être relâchée. Les investigations ont été confiées à la police du 3e arrondissement.
Julia a de son côté annoncé à France Inter son intention de déposer plainte mercredi pour "agressions sexuelles". Rappelons que le nombre d'agressions à caractère transphobe a fait un bond de 54% en 2017 avec 186 signalements recueillis cette année-là, selon le rapport annuel 2018 de l'association SOS Homophobie (PDF).
Les réactions sont nombreuses
L'agression de Julia a été unanimement condamnée. "Chacun devrait pouvoir se déplacer librement dans l'espace public quel que soit son sexe ou son genre. Cette vidéo montre que ce n'est pas le cas et qu'il y a encore beaucoup de progrès à faire", a réagi Joël Deumier, président de l'association SOS Homophobie.
Cette agression a également été condamnée par la maire de Paris. "Les coupables de cet acte intolérable doivent être identifiés et poursuivis", a affirmé Anne Hidalgo sur Twitter, se disant "indignée".
Indignée par cette agression transphobe, que je condamne avec la plus grande fermeté. Je tiens à assurer la victime de tout mon soutien. Les coupables de cet acte intolérable doivent être identifiés et poursuivis. https://t.co/w2gdNeiwaG
— Anne Hidalgo (@Anne_Hidalgo) 2 avril 2019
Côté gouvernement, Marlène Schiappa, la secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations, a dénoncé une scène "inadmissible", rappelant que les agressions homophobes et transphobes "ne sont pas des opinions mais de la bêtise et de la haine".
Cette agression manifestement transphobe en plein Paris est inadmissible !
— MarleneSchiappa (@MarleneSchiappa) April 2, 2019
Que les auteurs soient identifiés et poursuivis en justice.
Les #LGBT+ phobies ne sont pas des opinions mais de la bêtise et de la haine.
Elles agressent et tuent. https://t.co/vbSL2h6kIH
De nombreux internautes ont en outre dénoncé l'agression de Julia en effectuant des allusions racistes au sujet de l'origine algérienne de ses agresseurs. Un comportement dénoncé par la victime elle-même, jeudi sur le plateau de BFM Paris. "Il faut arrêter les amalgames. (...) Certains m'ont envoyé des messages de soutien. Je veux leur dire qu'ils ont le même comportement [que celui qu'ils dénoncent, Abdelaziz Bouteflika]. Je veux envoyer un message de tolérance."
Julia revient sur son agression transphobe: "on est à Paris en 2019, ce genre d'agression ne peut pas se produire" pic.twitter.com/OwrEKzv8KI
— BFM Paris (@BFMParis) 3 avril 2019
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