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Loi homophobe en Hongrie : "En proposant ce référendum, Viktor Orban veut mobiliser son électorat et créer un faux débat"

Article rédigé par franceinfo, Rachel Rodrigues
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Le Premier ministre hongrois Viktor Orbán ke 8 juillet 2021 à Belgrade (Serbie).  (DARKO VOJINOVIC / AP)

Le Premier ministre ultraconservateur veut soumettre sa loi interdisant la "promotion" de l'homosexualité au vote populaire. Un moyen de ne pas aborder des problématiques qui lui seront moins favorables à un an des législatives, selon Umut Korkut, expert en politique hongroise.

Un mois après l'adoption au Parlement du texte de loi interdisant la "promotion" de l'homosexualité auprès des mineurs, Viktor Orban a annoncé sa volonté de tenir un référendum concernant la protection de l'enfance, directement liée à ladite loi. Depuis son entrée en fonction en 2010, le Premier ministre hongrois ultraconservateur mène un combat acerbe contre la minorité LGBT.

>> En Hongrie, des citoyens LGBT nous racontent comme le pouvoir les traite en "ennemis"

Une guerre qui s'est intensifiée ces dernières années avec, en décembre 2020, l'interdiction d'adopter pour les couples de même sexe, et une autre réforme rendant impossible la reconnaissance du changement d'identité. En pleine préparation des életions législatives prévues en 2022, Viktor Orban ne chercherait-il pas là à consolider son électorat ? Que cherche-t-il à faire avec ce référendum ? Décryptage avec Umut Korkut, expert en politique hongroise et professeur de politique internationale à la Glasgow Caledonian University. 

Franceinfo : Quelle stratégie politique se cache derrière le référendum qu'a annoncé Viktor Orban concernant sa loi anti-LGBT ?

Umutn Korkut : Viktor Orban veut d'abord mobiliser son électorat, en perspective de l'élection à venir. Le Premier ministre hongrois affirme d'ailleurs lui-même que le résultat du référendum importe peu, puisque la loi a déjà été adoptée. Ainsi, par le biais de ce scrutin, il crée un débat au sein de l'opinion publique, qui, grâce à la propagande, se transforme vite en un "faux débat". Le nom officiel de la loi, "Child Protection Law", et la manière dont le gouvernement et les médias présentent la loi, à savoir un texte qui protégerait les enfants de la pédophilie, entérine un sujet de société auquel il devient presque impossible de s'opposer. De plus, Viktor Orban possède à peu près tous les médias du pays, alors il est très rare pour les citoyens d'entendre une voix dissidente.

Comment se positionne la société hongroise sur ces questions liées à la minorité LGBT ?

La population hongroise est très polarisée. Au sein de la société, il y a bel et bien des manifestations dans la rue et des gens qui se mobilisent. Mais ces mobilisations ne sont pas forcément corrélées à un parti d'opposition ou à un engagement politique quel qu'il soit.

"La communauté LGBT qui voudrait s'élever contre ces décisions politiques préfère parfois quitter le pays et rejoindre un autre pays d'Europe, plutôt que de prendre part à ce 'débat', ce qui arrange d'ailleurs Orban et lui permet de consolider son électorat."

Umut Korkut

à franceinfo

Politiquement, Viktor Orban a réussi à diviser l'opposition en obligeant le parti d'extrême droite, le Jobbik, à voter pour l'adoption de la loi, car elle allait dans leur sens idéologiquement. Mais même si Viktor Orban gagne élection après élection, le taux de participation, lui, reste bas.

Sa gestion du Covid-19, ses mises en accusation... Le référendum est-il aussi un moyen pour lui de détourner l'attention de l'opinion publique des autres problèmes auxquels la Hongrie fait face ? 

C'est effectivement un moyen pour lui de monopoliser l'attention des Hongrois sur le référendum. La propagande du régime se met très vite en marche. Les journaux locaux, encore très importants en Hongrie, choisissent une belle photo de Viktor Orban, qui finit en gros titre, et très rapidement le référendum finit sur la table de cuisine de tous les Hongrois.

"Le 'débat' est partout en un rien de temps, et il est très dur pour les citoyens de s'en détacher.  Il essaie de créer un sujet de société alternatif sur lequel se concentrer."

Umut Korkut

à franceinfo

Les accusations de corruption envers le régime de Viktor Orban sont plutôt fortes. L'article 5 est déja engagé contre la Hongrie, ce qui veut dire que les investigations sont en cours. En outre, dans ce contexte de pandémie mondiale, la Hongrie est le seul pays de l'UE à avoir choisi d'utiliser les vaccins chinois et russe et aujourd'hui ils sont remis en cause sur leur efficacité, notamment contre le variant Delta. Le pays a aussi, dans cette crise, l'un des taux de mortalité les plus hauts du monde. Ainsi, les citoyens pourraient parler de tout ça mais à l'heure actuelle, tout le monde est en train de parler du référendum

Qu'en est-il de sa position envers l'Union européenne à travers ce référendum ?

Cette décision est aussi particulièrement anti-Bruxelles. Avec ce référendum, il entend montrer que Bruxelles constitue une menace pour la Hongrie. Mais lorsqu'il parle de Bruxelles, il ne rejette pas forcément l'Europe, mais bel et bien l'élite "gauchiste" bruxelloise de la Commission européenne. Selon lui, cette élite aurait perdu sa connexion avec les citoyens européens. Il se présente donc, en quelque sorte, comme un "porte-parole" de ces européens incompris par Bruxelles et essaie de se constituer une audience au niveau européen. 

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