Pride des banlieues : "Une personne racisée peut attendre jusqu'à dix ans pour avoir accès à la PMA", dénonce la communauté queer de Seine-Saint-Denis
"Je vous invite à venir à la Pride des banlieues samedi 3 juin au départ de Saint-Denis, on se voit là bas!", lance Adèle Haenel dans une vidéo postée sur le compte Instagram du collectif organisateur de cette marche des fiertés des quartiers populaires. L'actrice, qui a récemment médiatisé son "arrêt du cinéma", appelle aussi à signer la pétition de la pride pour l'accès à la PMA "pour toustes".
Adèle Haenel est "une personnalité qui a une place importante dans les milieux militants", explique Yanis Khames, co-coordinateur de l'évènement. À l'occasion de cette troisième Pride des banlieues – qui avait réuni près de 10 000 personnes en 2022 – il publie Les marges au centre de la lutte : théorie et pratique de la pride des banlieues, une sorte de manifeste du mouvement.
franceinfo : cette année, la pride des banlieues a comme revendication principale l'accès à la PMA "pour toustes". Selon vous, la loi de 2021 qui a ouvert la procréation médicalement assistée aux couples de femmes et aux femmes seules n'est pas allée assez loin ?
Yanis Khames : Malheureusement, elle a exclu les personnes trans parce que les personnes qui ont la civilité d'homme ne peuvent pas avoir accès à la PMA selon cette loi. Donc cela veut dire que si on est en capacité de procréer mais qu'on a la civilité homme, comme beaucoup d'hommes trans, on n'a pas accès à la PMA. C'est un premier point. Mais en plus de ça, il y a aussi dans les faits, une pratique qui existe, qui a été interdite par une circulaire, qui s'appelle l'appariement. Elle consiste à exiger que les donneurs et donneuses d'ovocytes aient la même couleur de peau que les receveurs et receveuses. Ce qui veut dire qu'une personne noire qui bénéficie d'un don d'ovocytes doit avoir une donneuse noire.
"Le problème c'est qu'il y a une pénurie de gamètes et notamment une pénurie de gamètes des personnes racisées parce que les campagnes de prévention pour inciter au don de gamètes visent spécifiquement les personnes blanches."
Yanis Khames, co-coordinateur de la Pride des banlieuesà franceinfo
Et donc dans les faits, une personne racisée peut attendre jusqu'à dix ans, selon l'agence de biomédecine [citée par Libération], quand une personne blanche doit attendre deux ans en moyenne pour avoir accès à la PMA. C'est d'autant plus problématique que le pic de fertilité est à 25 ans et ensuite le temps est compté pour pouvoir être parent.
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franceinfo : Parmi les soutiens de la Pride, on compte l'actrice Adèle Haenel. Dans une vidéo, elle appelle à signer votre pétition pour un accès élargi à la PMA. Ce message a été partagé quelques jours après l'annonce fracassante de sa décision de ne plus faire de cinéma. Pourquoi l'avoir sollicitée ?
C'est une personnalité qui, dans les milieux militants, a une place importante depuis ses prises de position fermes durant la cérémonie des César [en 2022]. On a aussi besoin des personnes aliées à nos luttes et qui ont de la visibilité pour pouvoir donner de l'écho au mouvement, que nos revendications touchent un maximum de personnes. Adèle Haenel, on est trop content qu'elle ait accepté, ça faisait un moment qu'on était en contact avec elle et c'est quelque chose sur lequel on travaillait depuis un peu plus longtemps [que l'annonce de son "arrêt du cinéma"]. Adèle Haenel représente le "non !". C'est-à-dire : "Tous les espaces légitimes que vous imposez et dans lequel vous décidez dans un entre-soi de personnes qui sont en position de domination, ce n'est pas acceptable". Elle est vraiment le symbole de ça.
franceinfo : l'année dernière, vous espériez pouvoir sensibiliser les agents des services publics à l'accueil des personnes LGBTQ+. Les administrations vous ont-elles ouvert leurs portes ?
C'est très poussif. Il y a des localités qui ont des initiatives ponctuelles mais il n'y a pour l'instant d'obligation que dans très peu de domaines. Et quand ça existe, c'est des sensibilisations de une à deux heures, quand des formations d'au moins trois jours sont nécessaires. On a une formation qui a été organisée à la mairie de Saint-Denis jeudi 1er juin. On travaille aussi avec le département à l'organisation d'une formation mais ça prend du temps. Pour moi, il y a un manque de volonté politique. On sent que cela reste un sujet secondaire.
franceinfo : À quelles situations ces formations permettraient-elles de mettre un terme ?
Dans le cadre d'une école, si on a des profs qui sont formés, cela veut dire qu'ils vont créer un climat qui va être plus propice pour les personnes LGBT+. Ils vont organiser des temps de sensibilisation, mettre en place des outils pour que les personnes concernées puissent avoir des informations sur les identités, savoir à qui parler si besoin. Cela peut être aussi, s'il y a une situation de violence, avoir, d'une part, les bons mots et, d'autre part, les bonnes pratiques pour accompagner la victime. Par exemple, une insulte LGBTphobe, ne passera pas. Cela peut être aussi une personne trans qui arrive à un guichet, par exemple de l'état-civil, et qu'on ne va pas mégenrer. On va l'appeler par le pronom auquel elle s'identifie. C'est créer un climat dans lequel les violences ne sont pas acceptées et dans lequel les victimes sont accompagnées et enfin dans lequel chacun et chacune peut s'épanouir. C'est aussi, rien qu'à la machine à café, pouvoir être à l'aise de parler de son copain, si on est un mec, et qu'il n'y ait pas de problème. C'est aussi des trucs tout simples.
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