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"Mon fils nous a laissé un mot en disant qu'il n'en pouvait plus" : les policiers et leurs familles manifestent pour alerter sur leur mal-être

Une journée de mobilisation est organisée par tous les syndicats de police, pour dénoncer leurs conditions de travail. Plus d'une cinquantaine d'agents se sont déjà suicidés depuis le début de l'année 2019.

Article rédigé par David Di Giacomo - Édité par Noémie Bonnin
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le portrait de Jean-François, le fils de Dominique, qui s'est suicidé le 4 avril 2019. (DOMINIQUE CID-CHABOT)

"Plusieurs fois, j'ai songé à mettre fin à mes jours", lâche Olivier. Policier depuis 27 ans, il est en dépression et n'est plus retourné sur le terrain depuis de longs mois. Mauvaises conditions de travail, défense du régime de retraite et fléau des suicides, c'est pour tout cela qu'une intersyndicale inédite depuis 2001 appelle à manifester mercredi 2 octobre.

Âgé de 46 ans, Olivier ne supportait plus son quotidien au travail. Une situation qui l'a détruit à petit feu, au point donc de penser au suicide. "J'ai tenu, parce que je me suis raccroché à ma famille, surtout à mes enfants", raconte Olivier.

Mon fils, âgé de 8 ans, a dit à sa maman qu'il avait peur que son papa se suicide à cause du travail. Je me suis dit que j'allais me prendre en main, voilà.

Olivier, policier

à franceinfo

Ils sont nombreux comme lui, affirment les syndicats de police, qui s'attendent à une très forte mobilisation pour cette manifestation. Les policiers sont au bout du rouleau : 52 agents ont mis fin à leurs jours depuis le début de l'année.

"Le policier n'est pas qu'un matricule"

Olivier espère reprendre au début de l'année prochaine. En attendant, il ne sort pas beaucoup de son petit pavillon du nord de la France. Il repense à toutes ses années de souffrance au travail. Pour lui, si autant de policiers sont à bout aujourd'hui, c'est à cause d'une mauvaise gestion des ressources humaines.

"Quand on vous appelle pour effectuer votre vacation, en fait vous n'avez pas envie d'y aller. Vous vous forcez à y aller, parce que vous n'avez pas le choix. Vous vous masquez pour ne pas pleurer, ou vous vous éloignez quand vous pleurez, pour ne pas qu'on puisse le voir. Et puis après vous attendez que la journée se passe", se souvient douloureusement le père de famille.

Il faudrait qu'on puisse appliquer non pas un management de résultats et de chiffres qui ne veulent rien dire, mais il faudrait un management qui soit bienveillant.

Olivier, policier

à franceinfo

Après ce burnout, impossible pour Olivier de retourner au travail comme si de rien n'était : "Je ne me vois pas retourner à l'endroit où je travaillais précédemment. Le fonctionnaire de police n'est pas qu'un matricule. En termes de management, il faudrait qu'il y ait un peu plus de contrôle."

Dans l'attente de mesures fortes

Si les policiers sont dans la rue mercredi, leurs proches aussi vont manifester. C'est le cas de cette mère de famille, qui a perdu son fils cette année. Jean-François, 38 ans, a mis fin à ses jours en avril dernier. Il avait quatre enfants. C'était le 24e suicide de policier depuis janvier.

Dominique, sa maman, met en cause les conditions de travail dans la police : "Mon fils avait 18 ans de police nationale, dont 13 ans à la Bac de nuit. Réfléchissons bien à comment 13 ans de nuit peuvent détruire une personne, moralement, physiquement."

Dominique sait de quoi elle parle : son ancien compagnon était policier, son père était policier. "Dans le groupe de mon fils, ils avaient un week-end sur sept. Pour lui et ses collègues, c'est épuisant. Il était contre cette politique du chiffre. Mon fils nous a laissé un petit mot en disant qu'il n'en pouvait plus. Voilà, c'est tout ce qu'on a pu avoir. Les questions sont toujours là." Dominique garde en tête une phrase : "Mon fils me disait tout le temps qu’être policier, c’est avoir le sentiment de vider l’océan à la petite cuillère."

Il me disait toujours 'tu sais maman je suis policier, mais je fais beaucoup de prévention, je ne fais pas que de la répression'.

Dominique, mère d'un policier décédé

à franceinfo

Depuis la rentrée, le ministère de l'Intérieur teste de nouveaux rythmes de travail.
Ils permettent aux fonctionnaires de passer un week-end sur deux en famille. Un premier pas, concède Dominique, mais elle attend des mesures plus fortes : "J'espère qu'il y aura une action qui sera faite très prochainement, pour améliorer leur quotidien. Une personne qui travaille et qui n'a pas de reconnaissance, au bout d'un moment, elle s'épuise. Vient le burnout, jusqu'au passage à l'acte. Et ça conduit au drame qui est arrivé dans notre famille et dans d'autres familles."

Depuis la mort de son fils, Dominique se bat. Elle s'est engagée au sein de l'association Alerte police en souffrance. "C'est très important pour moi de me battre, c'est ce qui me tient debout depuis le 4 avril et je continuerai à me battre jusqu'au bout de mes forces, pour aider nos forces de l'ordre."

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