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Mères porteuses : ventres à louer ou adeptes du don de soi ?

La circulaire Taubira accordant la nationalité française aux enfants nés par gestation pour autrui (GPA) provoque un débat en France. Qu'en disent les femmes qui ont porté des bébés qui n'étaient pas les leurs ? 

Article rédigé par Marie-Adélaïde Scigacz
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
La circulaire de Christiane Taubira sur la gestation pour autrui (GPA) a relancé le débat sur les mères porteuses.  (SPORRER / RUPP / AFP)

Tout comme la procréation médicalement assistée (PMA), la gestation pour autrui (GPA) n'apparaît pas dans le texte préparé par Christiane Taubira sur le mariage pour tous. Qu'importe. Depuis la diffusion, vendredi, de la circulaire recommandant aux tribunaux d'instance d'accorder la nationalité française aux enfants nés "par procréation ou gestation pour le compte d'autrui [GPA]" à l’étranger, la question des mères porteuses a enflammé l'hémicycle.

Alors que chacun y va de son jugement sur cette pratique qui reste marginale, francetv info a compilé des témoignages de femmes qui ont porté le bébé d'autres.

Une notion de plaisir 

"J’avais deux enfants et je ne voulais plus en avoir d’autres. Mais la grossesse me manquait. J’adore être enceinte." Sandrine Levy, 41 ans, a témoigné pour Le Parisien. Avec son ventre rond, cette Française installée aux Etats-Unis, où la GPA est autorisée dans plusieurs Etats, pose en couverture du quotidien en qualité de "mère porteuse heureuse". A deux reprises, elle a accueilli dans son ventre un embryon étranger et surtout, destiné à d'autres.

Après une première expérience, "je voulais recommencer", explique pour sa part Rayven Perkins, une Texane de 32 ans interrogée par le site américain Babbles.com (lien en anglais). "Je ne dirais pas que je suis devenue 'accro', mais se savoir capable d'aider quelqu'un d'autre est un sentiment très agréable, explique-t-elle. Nous ne sommes pas des gens riches (...) mais de cette façon, notre famille remercie le monde", raconte cette mère de famille, ravie de montrer à ses propres enfants ce qu'est "la générosité et le sens du sacrifice".  Kelly, une autre Américaine, elle, a choisi de passer par une structure qui aide les couples homosexuels souhaitant avoir des enfants, "par activisme".

A l'autre bout du monde, en Ukraine, où de nombreuses jeunes femmes sont séduites par cette démarche lucrative, Ioulia, issue de la classe moyenne, fait également valoir son altruisme : "A 30 ans, on réfléchit naturellement au sens de la vie. Certains font de l'humanitaire. Moi, j'ai pensé à ça", confie-t-elle dans Le Monde magazine. 

La facilité (ou la difficulté) à "couper le cordon"

Dans les pays où la GPA est autorisée, il faut déjà avoir été maman pour être mère porteuse. Comment, dans ces conditions, accepter de se séparer d'un enfant porté pendant neuf mois ? "Pour moi, ce n’est pas mon bébé, explique Sandrine, toujours dans le Parisien. Génétiquement, nous n’avons rien en commun, puisque je n’ai fait qu’accueillir des embryons formés d’ovules et de sperme de parents donneurs." Quand les parents du petit lui font parvenir des photos, "je le regarde sans affection particulière, si ce n’est la fierté d’avoir aidé des gens dans la peine", précise-t-elle. Si de nombreux témoignages reconnaissent sans mal les chamboulements hormonaux et les moments de déprimes qui succèdent à l'accouchement, la plupart des femmes racontent s'être préparées au "don", définitif. Comme la Texane Rayven, Kelly Rummelhart, une Californienne de 36 ans, décrit même une forme de "babysitting" intra-utérin. 

 "Même quand la grossesse se passe bien, les jours qui suivent la remise du bébé sont particulièrement difficiles à vivre", a observé la psychologue britannique Vasanti Jadva, citée dans un article du magazine Elle, daté de 2009.

A l'époque, le magazine Elle avait dressé le portrait de mères porteuses françaises. Des femmes hors la loi (en France, la GPA est illégale depuis 1991) et parfois très fragiles. C'est le cas de Shérine. "Elle [avait] pensé que, pour 10 000 euros, porter un enfant était une bonne idée", rapporte Elle. Quand elle accouche de Juliette, "le couple commanditaire envahit sa chambre d’hôpital avec force éclats de rire et vêtements pour bébé. C’est le plus beau jour de leur vie. Désespérée, Shérine pleure, sa petite fille bien serrée au creux des bras", raconte l'hebdomadaire. Plus tard, la relation avec le couple s'envenime : les parents adoptifs ne répondent pas aux sollicitations de la jeune femme qui demande des nouvelles de l'enfant, puis menacent de la dénoncer à la police ou de s'en prendre à ses enfants.

Le rôle essentiel des parents "destinataires"

Qu'elle ait laissé un bon ou un mauvais souvenir, la relation avec le couple "destinataire" revient sans cesse dans les témoignages. "Pour moi, il n'était pas question de porter le bébé de gens que je ne connais pas et que je n’apprécie pas, justifie Sandrine Levy. Le feeling est passé aussitôt et l’aventure a commencé."

Kelly, la Californienne, raconte ainsi s'étre pliée à la volonté du premier couple de parents, lequel voulait qu'elle reste en contact régulier avec les jumeaux qu'elle a porté pour eux. Elle évoque l'accouchement, la mère d'un des parents la prenant dans ses bras : "C'était incroyable, ça change la vie", dit-elle. Avec le couple suivant, qui vit loin de chez elle, elle passe au fœtus de la musique choisie spécialement par les futurs pères adoptifs. Un lien mère porteuse-futurs parents montré dans le documentaire de Delphine Lanson, Naître père, au cinéma le 13 février. 

Et quand la grossesse se passe mal ? Tania a perdu l'enfant à la suite de complications : "Tout le monde s'est renvoyé la responsabilité. Les clients accusaient la clinique. Au final, la femme, qui était ukrainienne comme moi, a accepté de payer [les frais médicaux]. Son mari était français", raconte la mère porteuse ukrainienne au Monde magazine. Quant à Irina, elle n'a jamais signé de contrat ni rencontré le couple d'Italiens dont elle portait des jumeaux. Elle n'a pas touché d'argent, gardé par l'intermédiaire véreux, et a décidé d'élever les enfants, depuis réclamés par le couple floué, raconte encore Le Monde magazine. 

La question de l'argent

Pour une Ukrainienne, porter l'enfant d'autrui peut rapporter l'équivalent de dix ans de salaire. Selon la directrice d'un centre médical citée par Le Monde magazine, les clients déboursent "au total entre 40 000 et 50 000 dollars, dont environ 15 000 pour la mère porteuse, plus les frais du quotidien". Pour cette dernière, "les personnes d'origine trop pauvre ont un niveau intellectuel inférieur [et] vivent dans un environnement pouvant impliquer de l'alcool ou même de la drogue". Elle les a donc écartées. Pour autant, l'argent n'est pas étranger dans le choix des femmes à "louer leur ventre", selon la formule consacrée. 

Ces Ukrainiennes qui louent leur ventre ( France 2 - Alban Mikoczy et Bruno Vignais)

Les mères interrogées aux Etats-Unis parlent plus volontiers d'un dédommagement que d'un revenu. "Etre mère porteuse, c’est une contrainte énorme, rappelle Sandrine, la Française installée de l'autre côté de l'Atlantique. Ça prend deux ans de votre vie, c’est loin d’être une chose anodine. C’est pour ça que les mères ici touchent des sommes importantes, mais je n’ai pas fait ça pour l’argent." Un témoignage qui fait écho à celui de Rayven, la Texane interrogée par Babbles.com. "Ce qu'il y a de meilleur, c'est de savoir que vous le faites pour les bonnes raisons quand vous assistez à la première rencontre entre les parents et l'enfant."

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