: Vidéo Sous-traitance, incidents… y aurait-il un problème de perte de compétences chez EDF ?
Pour réduire ses coûts, EDF, lourdement endettée, se tourne de plus en plus vers des sous-traitants. Cette main-d’œuvre moins chère et plus souple représente 10 000 travailleurs selon la direction – deux à trois fois plus selon les syndicats. Mais en déléguant des activités, EDF s’expose à une perte de savoir-faire... D'où, parfois, des situations ubuesques, voire dangereuses quand il s'agit de centrales nucléaires, comme le montre cet extrait de "Complément d'enquête".
Le recours de plus en plus fréquent à la sous-traitance commencerait-il à poser des problèmes chez EDF ? Pour ce responsable CGT interrogé par "Complément d'enquête", c'est une évidence : "Quand vous n’exercez plus, quelques années plus tard, quinze ans, vingt ans, le savoir-faire, il disparaît, de fait." Le recours à la sous-traitance révèle parfois des situations pour le moins étonnantes. Comme ces "chargés de surveillance EDF qui avaient à se former chez le prestataire pour pouvoir acquérir les compétences dont ils auraient besoin pour les surveiller", ainsi que l'a exposé devant l'Assemblée nationale Nicolas Spire, auteur d'un rapport sur le sujet.
Du côté des dirigeants de l'entreprise publique, c'est un sujet que l’on n'aime pas aborder. Mais Philippe Huet, un ancien directeur général adjoint d'EDF, a accepté d'en parler au journaliste Sylvain Pak.
"On a un peu pris cette habitude facile qui consistait à sous-traiter les tâches. C’est un peu une façon de se dire 'Ils peuvent le faire pour moins cher, plus rapidement, et puis moi, je supervise et je contrôle', et il y a un savoir-faire qui s’est perdu, avec ça (...), je ne dis pas partout, mais dans bien des endroits."
Philippe Huet, ancien directeur général adjoint d'EDFà "Complément d'enquête"
Le nucléaire restant le cœur de métier d'EDF, qui '"doit en maîtriser tous les tenants et aboutissants", cette habitude que Philippe Huet juge problématique peut aussi conduire à des situations potentiellement dangereuses.
"Complément d'enquête" revient ainsi sur un incident qui s'est produit en mai 2020 à la centrale de Cattenom, en Lorraine. Le pompage d'une fuite d'hydrazine, un produit chimique hautement toxique, a été confié au personnel d’un sous-traitant qui n’était pas habilité à procéder à cette opération. Saisie de cet incident, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a relevé que cette fuite pouvait être liée à une confusion entre deux vannes de produits chimiques par le personnel EDF de la centrale.
"Un manque de compétence et de rigueur [chez] l'exploitant nucléaire EDF"
Lors de cette enquête diffusée le 27 janvier 2022, les journalistes du magazine ont pu constater qu'il ne s'agit pas d'un cas isolé. Chez un autre sous-traitant, Endel, un élu du personnel a alerté sa direction en juillet dernier sur des dysfonctionnements graves de l’exploitant EDF.
Là encore, il s'agirait d'erreurs commises par des agents EDF en manipulant les vannes de produits chimiques. "Situations dangereuses ou presqu'accidents se multiplient", écrit le délégué dans un courrier que "Complément d'enquête" s'est procuré. Il dénonce "un manque de compétence et de rigueur dans le comportement collectif de l’exploitant nucléaire EDF", et affirme que six centrales sont concernées.
Extrait de "EDF : un géant sous tension", un document à voir dans "Complément d'enquête" le 27 janvier 2022.
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