Maltraitance dans les Ehpad : ce que l'on sait des 30 plaintes déposées contre le groupe Korian
Ces familles de résidents estiment que le groupe s'est rendu coupable de "mise en danger de la vie d'autrui", de "non assistance à personne en danger" et d'"homicide involontaire".
Après Orpea, Korian est à son tour au cœur du scandale. Le premier groupe français gestionnaire d'Ehpad est lui aussi accusé de maltraitances sur des personnes âgées hébergées dans certaines de ses maisons de retraite. Trente plaintes ont été déposées devant des parquets d'une douzaine de régions différentes, a annoncé mardi 7 juin l'avocate Sarah Saldmann à l'AFP, confirmant une information du Parisien. Voici ce que l'on sait de ces nouvelles accusations.
Dix-huit familles ont porté plainte
Les trente plaintes déposées contre X émanent de 18 familles de résidents d'établissements gérés par le groupe Korian, pour des faits de "mise en danger de la vie d'autrui", de "non assistance à personne en danger" et d'"homicide involontaire". Elles ont été déposées à Aix-en-Provence, Bobigny, Bourges, Le Mans, Marseille, Nantes, Niort, Paris, Pau et Versailles, a détaillé Sarah Saldmann à l'AFP.
L'avocate était déjà à l'origine de près de 80 plaintes déposées en avril à Nanterre contre le groupe Orpea pour des faits similaires, dans la foulée du scandale déclenché par le livre-enquête Les Fossoyeurs du journaliste Victor Castanet. La plupart de ces procédures, hormis celles concernant des cliniques de la filiale Clinea, sont déjà "parties en enquête", a précisé l'avocate.
Le groupe Korian fait part de sa "surprise"
"Nous ne savons rien du détail de ces plaintes", a réagi Emmanuel Daoud, avocat de Korian, qui a fait part de sa "surprise" auprès de franceinfo.
"Ces événements n'ont pas été portés à la connaissance des établissements et ça me surprend beaucoup."
Emmanuel Daoud, avocat du groupe Koriansur franceinfo
Selon lui, "les familles savent à qui parler en cas de difficultés". Korian a mis en place un dispositif pour qu'elles puissent s'adresser directement aux chefs d'établissement, avec une ligne téléphonique, un service "relations-familles" dédié et "un médiateur indépendant". "Leurs demandes sont traitées par ces services", a-t-il assuré, ajoutant "qu'en cas de dysfonctionnement, s'il y en a, Korian a l'obligation de saisir l'ARS".
"Les actions pénales sont annoncées, Korian répondra naturellement aux questions qui seront posées, si elles sont posées un jour, et tout cela sera fait dans le respect de l'intérêt des familles et de la manifestation de la vérité", a résumé Emmanuel Daoud. L'avocat de Korian a assuré qu'il attendait la suite "avec beaucoup de sérénité", tout en pointant du doigt "l'OPA" de l'avocate des plaignants "sur la détresse, la colère et le malheur des familles". Depuis ses révélations, l'action du groupe Korian a dévissé de plus de 10% à la Bourse de Paris.
Des familles témoignent publiquement
Au-delà des plaintes déposées devant la justice, plusieurs familles ont décidé de prendre la parole publiquement pour témoigner du calvaire vécu par leurs proches. "Tous les jours durant lesquels il est resté là-bas, il nous disait : 'Sortez-moi de là, ils ne sont pas gentils'", raconte Elisabeth à franceinfo. Celle-ci a perdu son père, placé au sein de la clinique Korian de Clavette, près de La Rochelle (Charente-Maritime) à Noël. La famille de cet homme de 88 ans a donc décidé de porter plainte contre le groupe pour "homicide involontaire".
"On le voyait décliner de jour en jour. Papa a perdu sa dignité là-bas. Je l'ai vu pleurer !"
Elisabeth, l'une des plaignantesà franceinfo
Emmanuel Bourdin dénonce, lui aussi, des dysfonctionnements majeurs dans la prise en charge de son père au sein d'un Ehpad du groupe Korian. "Systématiquement, on le retrouvait seul devant son assiette au lit, alors que les médecins avaient demandé qu'il mange à table et qu'il soit accompagné pour ne pas avoir de problèmes de déglutition", raconte le fils au Parisien.
Le groupe Korian a déjà été critiqué
Ce n'est pas la première fois que les pratiques du groupe Korian sont contestées. En avril, l'avocat Fabien Arakelian affirmait déjà à franceinfo que le groupe était aussi concerné par des plaintes de familles concernant des cas de maltraitance, tout comme Orpea et DomusVi, le troisième groupe français d'Ehpad. "C'est bonnet blanc et blanc bonnet", accusait l'avocat. Au pic de la crise du Covid-19, en avril 2020, le groupe avait aussi fait l'objet de critiques et d'une enquête pour "homicides involontaires", notamment après la mort de 37 résidents de l'Ehpad de Mougins (Alpes-Maritimes).
La priorité absolue donnée à la recherche de rentabilité dans le groupe Korian avait également été pointée du doigt. Un ancien directeur d'Ehpad du groupe avait notamment dénoncé dans "Cash Investigation" les économies faites sur les repas. "Ils vont faire des économies sur les croûtons", s'est indigné Samuel Royer, ex-directeur d'un établissement du groupe entre 2014 et 2017. "L'idée qu'on puisse me dire que j'affame des personnes âgées me révolte. Je ne crois pas que ce soit la réalité dans nos Ehpad", avait répondu le directeur général de Korian dans l'émission.
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