: Vidéo Ehpad : manger pour 4 euros par jour quand on paie des frais d'hébergement de plus de 3 000 euros par mois
Cette maison de retraite facture un prix de journée moyen de 100 euros. Sur son site internet, elle promet une "restauration de qualité". Mais dans la réalité, ses cuisiniers seraient tenus à un budget journalier de 4,22 euros par jour... Dans cet extrait d'une enquête d'"Envoyé spécial" sur les Ehpad, voici le témoignage de l'un d'eux.
Il y a près de 2 000 maisons de retraite privées en France. Appartenant à de grands groupes (DomusVi, les Opalines, Korian, Orpéa...), elles affichent souvent des profits records. Comment sont-elles gérées ?
Les résidents paient souvent plus de 3 000 euros chaque mois pour être hébergés, et certaines chaînes de maisons de retraite géreraient cet argent au centime près. Ce cuisinier, syndicaliste, a accepté de témoigner à visage découvert pour l'enquête d'"Envoyé spécial". Dans la maison de retraite pour laquelle il travaille, le prix de journée moyen est facturé 100 euros. Sur son site internet, elle promet une "restauration de qualité".
"Pas de poisson frais, que du surgelé"
Sur des documents internes que le magazine s'est procurés, on découvre que la direction générale impose un budget journalier pour la nourriture à toutes ses maisons : 4,22 euros. C'est ce que l'on appelle le CRJ, "coût repas journalier" par résident. Avec cette somme, le cuisinier doit assurer le petit déjeuner, le déjeuner, le goûter et le dîner. "Au niveau qualité, on n'est pas du tout sur ce qu'il est possible d'attendre quand on paie des sommes aussi importantes pour l'hébergement", avoue-t-il.
Avec à peine plus de 4 euros par personne, comment servir des produits frais, sans même parler de produits de qualité ? Pour le poisson comme pour la viande, le cuisinier dit se cantonner aux surgelés, et "travailler beaucoup avec des bas morceaux". D'une façon générale, explique-t-il, "c'est compliqué. Les petits déjeuners sont standardisés. (...) Le micropain, vous savez, la petite plaquette de 10 g de beurre des tartines du petit déjeuner, il suffit que trois, quatre résidents en mangent un de plus pour que ça nous fasse 1 centime à la fin du mois de différence de budget. Là, ça peut aller très, très vite."
On est à un yaourt près ? "Oui, bien sûr"
"Un yaourt de plus à midi, une compote de plus à 4 heures... détaille-t-il, tout ça peut faire qu'on ait un dérapage de budget, et là, après, on a des comptes à rendre, c'est très compliqué." Peut-on se faire taper sur les doigts si on n'a pas atteint les objectifs ? "Oui." Serait-on à un yaourt près dans ces établissements ? "Sur une journée, oui, bien sûr."
Extrait de "Maisons de retraite : derrière la façade", une enquête diffusée dans "Envoyé spécial" le 20 septembre 2018.
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