"Le garde des Sceaux joue avec le feu" : des associations dénoncent les nouvelles mesures contre les évasions de détenus
La Ligue des droits de l'Homme, le syndicat des avocats de France, l'Observatoire des prisons et le Secours catholique, entre autres organisations, cosignent une lettre adressée à Éric Dupond-Moretti, pour dire leur "profonde préoccupation" au sujet de la réponse "tout sécuritaire" apportée, selon elles, dans l'urgence par le garde des Sceaux après le drame d'Incarville. Mardi 14 mai, deux agents pénitentiaires ont été tués dans l'attaque de leur fourgon dans l'Eure, au péage d'Incarville. Trois autres ont été gravement blessés.
Dans les jours qui ont suivi, l’intersyndicale des surveillants pénitentiaires a rencontré à plusieurs reprises le ministre de la Justice. À l’issue de ces rendez-vous, un relevé de décisions a été rédigé le 17 mai. La forme et le calendrier de la concertation ainsi entamée doivent figurer à l'ordre du jour d'une nouvelle réunion place Vendôme le 10 juin.
Parmi la trentaine de mesures sur lesquelles s’engage Éric Dupond-Moretti, au-delà des équipements et armements supplémentaires pour les agents chargés des extractions de détenus, on note la volonté de réduire le nombre d’escortes avec le recours pour les détenus à plus de télémédecine, et à plus de visioconférence pour les rendez-vous avec les juges. Les magistrats sont même invités à, eux-mêmes, se rendre en prison quand il s’agit d’entendre les prisonniers jugés les plus dangereux. Selon les associations, compliquer l’accès aux soins et rendre plus difficile l’accès à un juge cela représente une atteinte aux droits fondamentaux.
"On va punir tous les détenus"
Autre piste, la réécriture de l’article L 225-1 du code pénitentiaire qui concerne les fouilles à nu des détenus avec l’ambition d’en permettre davantage, même si la Cour européenne des droits de l'homme a souligné à plusieurs reprises leur caractère humiliant. Les organisations qui signent la lettre au ministre s'inquiètent aussi de récentes annulations d'activités sportives ou culturelles en prison. Me Stéphane Maugendre, du syndicat des avocats de France, dénonce une "punition collective". "Il y a eu ce drame, ces faits terribles commis par quelques-uns, et on va, en réaction, punir tous les détenus, dénonce-t-il. La réponse n'est que sécuritaire. C'est déjà très tendu dans les prisons en ce moment. On n'a jamais vu une surpopulation aussi importante", rappelle Me Maugendre.
"Je ne l'espère pas mais il suffit d'une petite chose parfois pour que dans les prisons ça puisse exploser. Je trouve que là, le garde des Sceaux joue avec le feu."
Maître Maugendre, du syndicat des avocats de Franceà franceinfo
La surpopulation carcérale a atteint un nouveau record en France au 1er mai, avec 77 647 détenus, une situation poussant 3 405 d'entre eux à dormir sur un matelas au sol, selon des chiffres publiés vendredi par le ministère de la Justice.
Du côté de la chancellerie, on réfute l'idée du "tout sécuritaire" et on rappelle qu'une large concertation sur la lutte contre la surpopulation carcérale va débuter. "Le ministre de la Justice réfléchit avec pragmatisme pour éviter absolument un nouveau drame, en veillant à ne pas porter atteinte aux droits de la défense auxquels il est depuis toujours très attaché", répondent ses services à franceinfo. Selon eux, la trentaine de propositions émane pour l’essentiel des demandes légitimes des premiers intéressés : les agents pénitentiaires.
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