Braquages, prostitution, stupéfiants... Ce qu'il faut retenir du rapport annuel de la police sur le crime organisé en France
Les conclusions insistent notamment sur "l'hybridation" des filières criminelles, qui collaborent de plus en plus entre elles.
Ce document sensible de 250 pages n'est diffusé dans son intégralité ni au grand public, ni aux médias. Le Service d'information, de renseignement et d'analyse stratégique sur la criminalité organisée (Sirasco) a présenté, mercredi 3 juillet, son rapport annuel, dont les principales conclusions ont été commentées auprès de l'AFP par la cheffe de ce service dépendant de la PJ, Cécile Augeraud.
Collaboration inédite entre différentes filières, baisse des braquages et persistance des règlements de comptes... Franceinfo récapitule ce qu'il faut retenir de cette radiographie du crime à la française.
Les filières mutent et se modernisent
"Polyvalence", "décloisonnement", "hybridation" : les grandes tendances de la criminalité organisée analysée depuis près de dix ans par le Sirasco se sont poursuivies l'an dernier. Certains réseaux chinois de blanchisseurs d'argent n'hésitent par exemple plus à agir pour le compte de trafiquants marocains de cannabis, indique le rapport. "On fait fi d'une potentielle concurrence pour améliorer les profits", commente Cécile Augeraud.
Les nouvelles technologies prennent aussi une part croissante dans l'activité et la stratégie des groupes criminels, relève le Sirasco. Comme le recours aux monnaies virtuelles pour "blanchir les capitaux du crime" et aux messageries cryptées, ou l'utilisation de plateformes sur le web pour faciliter le trafic de stupéfiants ou la prostitution. "Les groupes criminels s'adaptent aux évolutions de la société", observe la cheffe du service.
Le trafic de stupéfiants s'étend à tout le territoire
Avec le blanchiment d'argent, le trafic de stupéfiants et tout particulièrement celui de cannabis, est l'une des deux infractions qualifiées "d'irradiantes" par le Sirasco, car elle représente une part très importante (3 milliards d'euros) du chiffre d'affaires estimé de la criminalité et parce qu'elle irrigue tous les territoires.
Ainsi, le narcobanditisme poursuit son "extension à des villes moyennes", avec comme corollaire l'extension des règlements de comptes, qui ne sont plus réservés aux régions parisienne ou marseillaise.
Selon le Sirasco, quelque 100 tonnes de cannabis, dont 76 tonnes de résine, ont été saisies en 2018, soit une augmentation de 18% par rapport à 2017. Les saisies de cocaïne restent à des niveaux très élevées en raison de l'abondance de la production sud-américaine : les forces de l'ordre ont mis la main sur 15 tonnes de "blanche" en 2018 (contre 17,5 en 2017). Quelque 871 kilos d'héroïne ont par ailleurs été saisis l'an dernier.
Les braquages n'ont plus la cote, sauf entre malfaiteurs
Les braquages n'en finissent plus de diminuer dans l'Hexagone : en huit ans, ils ont chuté de 60% pour s'établir à 2 157 hold-up l'an dernier, toutes cibles confondues, relève Le Figaro (article payant).
Avec 26 braquages comptabilisés l'année dernière, les vols à main armée visant les banques ont même pratiquement "disparu du paysage du banditisme", observe Frédéric Doidy, chef de l'Office central de lutte contre la criminalité organisée (OCLCO). C'est que les établissements bancaires, affectionnés des bandits pendant les années 1960 et 1970, ont revu à la hausse leur niveau de sécurité. "Outre le fait qu’il n’y a plus d’argent en caisse, les coffres sont dotés de temporisateurs qui rebutent des malfrats toujours pressés", souligne le quotidien.
C'est sans doute pour cela que "les malfaiteurs se braquent davantage entre eux", ajoute Frédéric Doidy auprès de 20 Minutes. "Ce sont des cibles faciles pour d’autres braqueurs qui les connaissent."
Pour eux, c’est gagnant-gagnant : il n’y a pas de dépôt de plainte, donc pas d’enquête de police, et le risque un jour de se faire identifier est très faible.
Frédéric Doidy, chef de l'Office central de lutte contre la criminalité organiséeà "20 Minutes"
Les règlements de comptes sont nombreux mais stables
Le nombre de règlements de comptes a peu évolué entre 2017 et 2018 : 77 ont été enregistrés, pour 106 victimes dénombrées en 2018. Parmi elles, 54 sont mortes. En 2017 on comptait déjà 78 règlements de comptes, dont 104 victimes, 44 sont mortes. "Dans 80% des cas, ils sont liés au trafic de stupéfiants", résume Frédéric Doidy.
Pour tenter d'endiguer le phénomène, la Direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) a récemment tenté de mettre en place une nouvelle méthode consistant "à placer sous surveillance tous les protagonistes d’un dossier dans l'espoir d’éviter une nouvelle victime", écrit Le Figaro.
Le visage de la prostitution change
Selon la PJ, 69 réseaux de prostitution ont été démantelés en 2018. Trente-deux concernaient une prostitution de rue, 31 une prostitution dite "logée" avec l'utilisation d'internet, quatre combinaient les deux et deux concernaient des salons de massage. Au total, 944 personnes ont été mises en cause, et 957 victimes identifiées. La PJ constate "l'implantation durable des filières étrangères : Nigeria, Roumanie, Chine et Brésil".
"On constate la diminution de la prostitution de rue, dans les grandes agglomérations comme en province", au profit des autres formes de prostitution, observe Jean-Marc Droguet, chef de l'Office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH)
Le proxénétisme établi dans les quartiers sensibles "se développe et se structure", commente par ailleurs Jean-Marc Droguet. En 2018, 120 affaires ont été traitées par l'OCRTEH contre 48 en 2016, indiquait franceinfo fin mai.
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