: Vidéo "Il avait son but dans la tête" : une mineure explique comment un "lover boy" l'a fait plonger dans la prostitution
Rarement abordée, parfois volontairement ignorée tant sa réalité peut s'avérer dérangeante, la prostitution des mineurs connaît ces dernières années une expansion particulièrement inquiétante. Le gouvernement s'est d'ailleurs emparé de ce problème qui concerne aujourd'hui près de 20 000 adolescents, selon l'association Agir contre la prostitution des enfants (ACPE). Environ 80% sont des jeunes filles placées dans des foyers. Déscolarisées, en rupture familiale, parfois abusées sexuellement dans leur enfance, ces mineures sont des proies de choix pour des proxénètes qui savent parfaitement exploiter leurs faiblesses.
Le documentaire Comme si j'étais morte, du placement à la prostitution, réalisé par Benjamin Montel et Antonin Boutinard Rouelle, a suivi pendant neuf mois le quotidien d'un foyer de l'Aide sociale à l'enfance (ASE) à Mulhouse. Un lieu qui abrite des mineures en position de vulnérabilité et qui est devenu, malgré lui, un repaire pour des proxénètes en quête de nouvelles recrues. Le film donne la parole à trois adolescentes qui ont été exploitées sexuellement, ainsi qu'aux éducateurs qui tentent, non sans difficultés, de les protéger et de les arracher des griffes de ces prédateurs.
Un discours parfaitement rodé
Lucie a tout juste 18 ans. Elle vit dans ce foyer depuis plusieurs années et tente de se relever de ses années de prostitution. Dans le film, elle explique avoir été contactée par un garçon sur Instagram. Une relation amoureuse se noue. "Dès le début, on parlait vraiment tout le temps, confie Lucie. C'était de l'amour. Je ne sais pas si c'était de l'amour vraiment fort, mais j'avais beaucoup d'attachement pour cette personne." Elle est alors loin d'imaginer qu'elle est face à un "lover boy", un proxénète engageant une relation amoureuse avec une femme dans le but de l'obliger à se prostituer.
"C'était quelqu'un qui m'écoutait toujours quand je racontais mes petits problèmes, qui avait l'air attentionné. J'avais l'impression que c'était vraiment quelqu'un qui m'aimait parce qu'il avait vu le fond de ma personne."
Luciedans le documentaire "Comme si j'étais morte"
L'homme, qui a parfaitement identifié ses fragilités, se fait rassurant, comble ses carences affectives, comme l'explique Lucie à l'éducatrice du foyer chargée de l'aider à comprendre qu'elle a été victime de manipulation. "Il t'a vendu du rêve, il t'a fait croire que tu étais son amoureuse", lui fait-elle remarquer. Le jeune homme finit par disparaître deux semaines avant de se manifester à nouveau auprès de Lucie.
"Il me dit : 'Tu sais que je t'aime, que je serai toujours là pour toi'. Il me dit plein de petites choses comme ça pour me sentir presque unique. (...) Il me dit : 'Il faut que tu viennes demain et que tu commences à bosser pour moi'."
Luciedans le documentaire "Comme si j'étais morte"
Les mots de ce "lover boy" font mouche, la jeune fille tombe dans le piège et commence à se prostituer. "Je pense que cette personne avait dès le début remarqué une faiblesse. Elle avait son but dans la tête dès le début", reconnaît-elle.
Le viol que Lucie a subi alors qu'elle était en classe de quatrième a laissé des cicatrices sur son rapport à sa sexualité. Un traumatisme qui entame encore un peu plus l'image qu'elle a d'elle-même et de son corps. "Il y a des clients qui sont violents parfois, révèle-t-elle dans le documentaire. Ils ne te demandent même pas ton âge, rien. (...) Tu te sens comme une déchetterie en fait. Tu te dis que tu n'es bonne qu'à ça'."
Le documentaire Comme si j'étais morte, réalisé par Benjamin Montel et Antonin Boutinard Rouelle, est diffusé mardi 26 mars sur France 5 à 23h20. Il est aussi visible sur la plateforme france.tv.
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