Visites scolaires, testing en entreprise, sanctions pénales... Ce que contient le plan du gouvernement contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations liées à l'origine
Douze ministres mobilisés, pour un catalogue de 80 mesures. Le gouvernement dévoile, lundi 30 janvier, un plan national de lutte contre le racisme, l'antisémitisme et les discriminations liées à l'origine. "Ce plan permet de regarder la réalité (...) en face et d'affirmer la pertinence de notre modèle républicain pour y répondre", défend la Première ministre, Elisabeth Borne. D'ici à la fin du mandat d'Emmanuel Macron, l'exécutif veut développer l'évaluation de ces phénomènes, la sensibilisation des jeunes et des agents publics, la sanction des auteurs et l'accompagnement des victimes.
S'il n'aborde pas certains sujets sensibles, comme les statistiques ethniques ou les contrôles d'identité au faciès par les forces de l'ordre (dénoncés par le Défenseur des droits), Matignon entend s'attaquer frontalement aux discriminations en entreprise, en développant la pratique du testing. Franceinfo vous présente six des principales promesses de ce plan.
Une visite mémorielle obligatoire pour chaque élève
La première mesure mise en avant par l'exécutif est l'organisation d'une visite, "pour chaque élève durant sa scolarité", d'un lieu historique ou mémoriel en lien avec le racisme, l'antisémitisme ou l'antitsiganisme. "Pour combattre les préjugés dès le plus jeune âge, nous devons renforcer la connaissance de notre histoire, (...) dans ses heures les plus nobles comme les plus sombres", explique le gouvernement.
Pour faciliter cette mesure, notamment dans les territoires "les moins dotés en musées ou sites mémoriels", l'exécutif compte soutenir les expositions itinérantes dans les collèges et les lycées, comme celles organisées par le Mémorial de la Shoah, situé à Paris. Il va également participer au lancement, en 2026, d'un musée dédié aux gens du voyage déportés lors de la Seconde Guerre mondiale. Enfin, le financement des visites des divers lieux consacrés aux génocides, à l'esclavage ou encore à la colonisation sera facilité par un développement de la part collective du pass culture.
Des formations pour les agents publics
L'exécutif prévoit aussi de former l'ensemble des agents de la fonction publique d'Etat aux questions de racisme, d'antisémitisme et de discriminations. Ces formations seront réalisées par vagues, dès cette année et d'ici à 2026. Ces professionnels doivent "incarner les principes de dignité, d'impartialité et d'intégrité", souligne Matignon, qui appelle à en faire de même dans la fonction publique territoriale et hospitalière. Le gouvernement veut aussi sensibiliser "100% des éducateurs sportifs, professionnels ou bénévoles", en vue notamment des JO de Paris 2024.
Un accent particulier sera mis sur les enseignants et le personnel des établissements scolaires. Ils devront participer, tous les cinq ans, à une journée de formation continue obligatoire, destinée à les doter "des clés et des outils pour réagir" face aux situations problématiques. Le plan 2018-2020 contre le racisme et l'antisémitisme (PDF), présenté durant le premier quinquennat d'Emmanuel Macron, prévoyait déjà de "renforcer la formation de l'ensemble du personnel" éducatif.
Le testing des discriminations à l'embauche "systématisé" dans les entreprises
Face aux discriminations à l'embauche, qui demeurent "une réalité vivace", Matignon veut "systématiser" le testing dans les grandes entreprises et les administrations. Cette pratique consiste à envoyer deux CV identiques pour la même offre d'emploi, avec pour seule différence l'origine du candidat. Confiées à des cabinets spécialisés ou des laboratoires de recherche, ces opérations permettront de "mieux mesurer" les pratiques discriminatoires lors du recrutement et durant la carrière. L'exécutif espère ainsi "permettre aux acteurs de prendre conscience du problème".
Les services de la Première ministre ne cachent pas leur intention de "mettre en avant les bonnes pratiques" et "dénoncer les mauvaises". Ils se disent ainsi prêts à publier le nom des entreprises qui ne corrigeraient pas le tir. "Si ces testings doivent déboucher sur du 'name and shame', nous assumerons de le faire", soulignent-ils. "En plus des sanctions pénales ou financières qui existent déjà", ils entendent aussi "aller vers la création d'une amende civile dissuasive" et faciliter les actions de groupe.
Des peines plus lourdes pour les agents publics condamnés
Le gouvernement souhaite modifier le code pénal pour durcir les peines encourues par les personnes dépositaires de l'autorité publique (forces de l'ordre, maires, huissiers de justice...), ou chargées d'une mission de service public (enseignants, chauffeurs de bus, facteurs...), en cas d'infraction non publique à caractère raciste ou antisémite. Pour une injure prononcée sans témoin dans l'exercice de leurs fonctions, les agents s'exposeraient à une sanction allant jusqu'à 3 000 euros d'amende, contre 1 500 euros actuellement pour l'ensemble de la population.
Des dépôts de plainte facilités
Soucieux de "lever les freins rencontrés par les victimes" de discriminations, le gouvernement veut déployer des dispositifs d'"aller-vers" permettant de déposer plainte ailleurs que dans les commissariats, par exemple dans les locaux d'associations. Il estime que l'anonymisation partielle des plaintes doit être rendue possible, "pour protéger la victime". Il souhaite aussi aider les forces de l'ordre à mieux identifier la circonstance aggravante de racisme ou d'antisémitisme lors du dépôt de plainte, grâce à une grille d'évaluation.
Plus loin dans la chaîne pénale, l'exécutif entend doter les juges de la possibilité d'émettre des mandats d'arrêt contre les personnes condamnées pour racisme, antisémitisme ou apologie de crime contre l'humanité. Objectif : "lutter contre le sentiment d'impunité", et permettre l'exécution des sanctions en cas de fuite des auteurs à l'étranger.
Un bouton d'alerte mobile pour les taxis et VTC
Enfin, Matignon souhaite lancer "une plateforme unique" destinée aux usagers et aux chauffeurs de taxis et de VTC. Cet outil, qui pourrait être accessible via "un bouton d'alerte sur l'application mobile des réservations", permettrait de signaler les actes et propos de haine raciste, antisémite ou de discrimination liée à l'origine. En parallèle, l'exécutif veut étendre "à l'ensemble des discriminations à caractère raciste et antisémite" la charte contre les violences sexistes et sexuelles, signée en 2020 par les opérateurs de VTC.
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