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Structuration de l'islam de France : la démarche d'Emmanuel Macron est "légitime"

L'islamologue Ghaleb Bencheikh a indiqué, dimanche, sur franceinfo que l'idée d'une "structuration de l'islam de France" voulue par Emmanuel Macron est nécessaire pour avoir "une organisation saine" de cette religion dans l'hexagone.

Article rédigé par franceinfo
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Des musulmans prient à la grande mosquée de Paris en septembre 2017. (LUDOVIC MARIN / AFP)

"Nous travaillons à la structuration de l'islam de France", indique Emmanuel Macron dans le JDD publié dimanche 11 février. Le chef de l'État précise qu'il va multiplier les entretiens et les consultations ces six prochains mois, en s'inspirant "fortement" de l'histoire des catholiques et des protestants. L'islamologue Ghaleb Bencheikh a indiqué, dimanche, sur franceinfo que la démarche d'Emmanuel Macron était intéressante.

franceinfo : Emmanuel Macron n'est pas le premier à tenter de restructurer l'islam de France. Pourquoi est-ce si difficile par rapport aux autres religions ?

Ghaleb Bencheikh : Parce qu'il y a un terrible paradoxe qu'il faut savoir rompre. Nous sommes dans un État laïc et ce sacro-saint principe de laïcité stipule que l'autorité politique n'a pas à s'immiscer dans l'organisation d'un culte, quel qu'il soit. En même temps, il faut bien qu'il y ait une organisation et des interlocuteurs privilégiés du pouvoir politique. Les hiérarques musulmans se trouvent frileux, pusillanimes, ils n'arrivent pas à avoir cette organisation. Du coup, il est légitime, aussi bien pour le président de la République que pour le ministre chargé des cultes [Gérard Collomb], d'avoir une organisation saine.

Le Conseil français du culte musulman (CFCM) ne suffit-il pas aujourd'hui ? Qu'est ce qui pose problème : sa représentativité, l'influence des pays étrangers ?

Il y a deux aspects : il y a ce que j'appellerais une sorte de péché originel, qui est son instauration même, qui était problématique en son temps, dès 2003 [date de sa création sous l'impulsion notamment de Nicolas Sarkozy]. Et le second point, c'est l'influence d'États tiers dans la souveraineté de la nation française. Il se trouve que la présidence collégiale, ou tournante, de cette organisation n'arrive pas à s'affranchir de l'ombre tutélaire d'États comme le Maroc, l'Algérie ou la Turquie pour ne citer qu'eux. D'autre part, on se trompe quand on parle de représentativité : les citoyens français ne peuvent être représentés que politiquement par leurs propres élus, quels qu'ils soient, alors que le CFCM n'est là que pour gérer les affaires inhérentes à la pratique cultuelle. Donc chercher coûte que coûte une représentativité posait mal le problème dès le départ.

Il y a aussi la question du financement de l'Islam qui peut poser problème ? Il y a la quête auprès des fidèles et il y a aussi le financement étranger.

Commençons par le financement étranger : s'il vient d'un État, il faut être extrêmement prudent. Si les souscriptions nationales ou internationales sont transparentes et claires, à la limite pourquoi pas. En revanche, en ce qui concerne la collecte des fidèles, il y a ce fameux troisième pilier de la pratique cultuelle islamique qui est l'aumône légale : parfois, on l'utilise aussi pour le fonctionnement des lieux de culte. Tout ça paraît opaque, il faut savoir mettre de l'ordre dans ces financements.

Emmanuel Macron évoque l'histoire des catholiques et des protestants pour s'inspirer pour une future structure pour l'Islam. Quel élément, par exemple chez les catholiques, pourrait-être intéressant à transposer pour l'islam ?

Chez nos compatriotes catholiques, la difficulté est qu'eux ont une Église et quand on a une Église, on a un interlocuteur privilégié. La séparation de cette Église d'avec l'État est visible et claire. La meilleure inspiration pourrait venir du côté de nos compatriotes protestants, parce que dans l'islam majoritaire en France, qui est d'obédience sunnite, il n'y a pas de structure cléricale, il n'y a pas d'autorité centrale, donc il y a une incurie organique. C'est là qu'il faudrait jouer sur une fédération d'associations ou quelque chose comme ça et le modèle protestant me paraît plus idoine.

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