Abus sexuels dans l'Église catholique : "On va maintenant arrêter de nier cette évidence"
Selon "Mediapart" et "Cash Investigation", l'Église catholique a passé sous silence plusieurs centaines de cas d'abus sexuels présumés. Selon l'association La Parole libérée, ce n'est que le début de révélations qui vont encore prendre de l'ampleur.
Après les enquêtes de Mediapart et Cash Investigation sur l'ampleur des affaires de pédophilie dans l'Eglise de France, le président de l'association La Parole libérée, François Devaux, réagit mardi 21 mars sur franceinfo. Il se dit surpris de l'ampleur de ces révélations. Son association avait dénoncé les agressions sexuelles commises par le père Preynat à Lyon.
franceinfo : Comment avez-vous réagi face à ces nouvelles révélations de Mediapart et de Cash Investigation ?
François Devaux : On pensait pas du tout que cela prendrait cette ampleur, mais on s'est vite rendu compte qu'il y avait de profonds dysfonctionnements. Cela fait un an et demi qu'on a mis en péril beaucoup de nos équilibres personnels pour faire ces révélations. On est très content que des équipes professionnelles aient pu consacrer autant de temps et d'énergie pour plébisciter notre action qui vise à remettre un peu de conscience morale au sein de notre société. Car cela restera quand même un des grands fléau de notre civilisation et de l'histoire de France.
Vous dites avoir été surpris, à quel point?
Oui, on s'est vite rendu compte que l'affaire Preynat nous dépassait. Mais je pense très sincèrement - et j'ai de bonnes raisons de le penser - qu'on est très loin des chiffres définitifs. On est au début d'une prise de conscience et d'une liberté de parole qui va continuer à s'amplifier. On en aura la preuve dans les prochains jours et les prochaines semaines. Avec à la fois des prêtres pédophiles et des évêques qui ont protégé. L'Église réagit toujours avec cette même position de victimisation et de silence, mais ce qui est particulièrement bien dans ces travaux, c'est qu'on va pouvoir faire des constats sérieux. L'Église n'a vraisemblablement aucune intention de changer malgré ce qu'elle dit. Elle pourra mettre en place toutes les cellules d'écoute et tous les livrets sur la pédophilie qu'elle veut, tant qu'il n'y aura pas d'intentions profondes, on n'arrivera pas à avancer. On a montré qu'une petite équipe de bras cassés était capable de mettre en vérité des choses que l'Eglise n'a pas su faire en 2 000 ans. Je pense qu'à terme, ce sera salvateur, mais il faut passer par ce moment douloureux.
Quelle sera la réaction de l'Église ?
Dans la vie, il arrive un certain nombre de choses avec un certain fatalisme, et puis c'est ce qu'on en fait qui fait la différence. L'Eglise est pareille. Elle est face à son destin, et c'est ce qu'elle en fera qui fera la différence. Force est de constater qu'elle ne prend pas le bon chemin.
Cash Investigation évoque un système international d'exfiltration de prêtres ou de religieux pour éviter le scandale. Cela vous a surpris ?
Moi ça fait déjà quelques mois que j'ai demandé mon apostasie. Si j'en suis arrivé là, c'est qu'on a constaté des choses qui sont quand même d'une atrocité incroyable. Il y a la pédophilie en elle-même, qui est abjecte. Mais ce qui est vraiment incroyable, c'est qu'il y a toute une institution qui protège, avec des très hauts prélats, qui sont des gens très puissants. Le cardinal Barbarin, qui fait partie des personnes les plus puissantes de Lyon et de France, est le premier évêque de France. Ces affaires vont maintenant être difficiles à nier.
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