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Pédocriminalité dans l'Eglise : on vous résume l'affaire Rivoire, ce prêtre accusé de violences sexuelles sur des enfants inuits au Canada

Joannes Rivoire, 92 ans, qui réside à Lyon, est visé par une demande d'extradition déposée début août par Ottawa. Il est accusé d'agressions sexuelles sur de jeunes Inuits dans les années 1960 lorsqu'il était en mission dans le Grand Nord canadien, accusations qu'il conteste.
Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Des membres de la délégation inuite montrent des photos de victimes déclarées à Lyon, le 14 septembre 2022. (JEFF PACHOUD / AFP)

Les plaignants réclament justice depuis des décennies. Le Franco-Canadien Johannes Rivoire, 92 ans, est accusé de violences sexuelles sur de jeunes Inuits au Canada, alors qu'il y était prêtre entre 1960 et 1993. Une délégation a traversé l'Atlantique lundi 12 septembre pour appuyer à Lyon la demande d'extradition de cet homme. Voici ce que l'on sait de cette affaire.

Un prêtre accusé de violences sexuelles sur mineurs

Joannes Rivoire est accusé de multiples agressions sexuelles et viols sur des enfants et adolescents inuits dans le grand Nord canadien. Ce membre de la communauté des Oblats de Marie-Immaculée (OMI), une congrégation fondée en 1816 et comptant 3 700 membres, y a été envoyé en mission en 1960 et y est resté trente-trois ans. Le prêtre, d'abord accusé d'agressions sexuelles contre trois mineurs, a été visé par une nouvelle plainte déposée en septembre 2021 pour des faits remontant à quarante-sept ans. Il nie toutes les accusations. 

Un mandat d'arrêt et une demande d'extradition

Le Canada a émis un mandat d'arrêt en mars 2022, suivi en août d'une demande d'extradition après la dernière plainte contre le prêtre. Un premier mandat d'arrêt avait déjà été émis de 1998 à 2017, mais Joannes Rivoire n'a jamais été inquiété.

Une rencontre à Lyon entre le prêtre et une délégation inuite 

Après de longues négociations, le prêtre, qui vit à présent dans un Ehpad à Lyon, a accepté mercredi de rencontrer une délégation d'Inuits, composée notamment d'une victime déclarée et de deux enfants de Marius Tungilik, à l'origine de la première plainte déposée en 1993, et aujourd'hui décédé. La délégation a été reçue au siège de la congrégation, sur les hauteurs de Lyon. Ses membres ont demandé au prêtre de se rendre au Canada mais il a refusé, invoquant "des problèmes de peau", a relaté à l'issue de la rencontre la représentante inuite Kilikvak Kabloona.

La France refuse son extradition

La délégation inuite a fait étape à Paris au ministère de la Justice. Mais la demande d'extradition formulée par le Canada s'est heurtée au refus de la Chancellerie, qui a rappelé mardi que, "conformément à sa tradition constitutionnelle", la France "n'extrade pas ses nationaux".

La Chancellerie a cependant ajouté que "la France se tient prête à répondre à toute demande d'entraide judiciaire que lui formulerait le Canada ou, le cas échéant, à agir dans le cadre d'une dénonciation des faits qui lui serait formulée, sous réserve néanmoins d'examiner l'éventuelle prescription des faits".

S'appuyant sur un avis du Conseil d'Etat du 24 novembre 1994 qui était sollicité par le Premier ministre sur cette question, l'avocate de la délégation inuite, Nadia Debbache, a cependant assuré qu'il "n'y a aucun empêchement de nature constitutionnelle" à refuser l'extradition d'un Français, et que "ce motif n'est pas un argument juridique recevable".

La congrégation également visée par une plainte 

Une plainte pour "recel de criminel" va être déposée à Lyon contre la congrégation des Oblats de Marie-Immaculée, a annoncé jeudi l'avocate de la délégation, Nadia Debbache. Ces missionnaires ont "apporté aide et assistance à une personne qui faisait l'objet de poursuites pour des actes criminels", a-t-elle affirmé. Par conséquent, "toute la lumière doit être faite" sur la protection dont il aurait bénéficié "dans sa fuite" du Canada.

Le père Vincent Gruber, provincial des Oblats de Marie-Immaculée, assure que sa congrégation en France n'a été avertie qu'en 2013 de ces accusations, ce qu'il a répété mercredi lors de la rencontre avec la délégation. Il a plusieurs fois dénoncé dans les médias un "dysfonctionnement inexcusable", disant aussi croire la parole des victimes.

Mais, selon les propos du provincial rapportés par Nadia Debbache, seul un signalement auprès de "la Congrégation pour la doctrine de la foi" (une instance du Vatican) aurait été fait en 2013. Elle aurait donné pour seule instruction de maintenir Rivoire "sous surveillance", sans informer les autorités judiciaires, "en raison de l'âge" du prêtre.

Ce n'est qu'en 2018, alors que le prêtre vivait dans une maison de retraite de Strasbourg, que Vincent Gruber l'a "signalé au parquet" local.

La congrégation entame une procédure de renvoi

Les Oblats de Marie-Immaculée ont annoncé mercredi à Lyon qu'ils entamaient une procédure d'exclusion du père Johannes Rivoire. "Nous avons entamé une procédure de renvoi canonique (...) car le père Rivoire a désobéi à notre ordre de se présenter à la justice" canadienne, a annoncé à la presse le père Vincent Gruber.

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