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"Un prêtre, ce n’est pas un autre Christ, c’est un homme normal" : le débat sur le célibat relancé avec le rapport sur les abus sexuels dans l'Église

Même si le lien de causalité entre les abus sexuels et le célibat des prêtres a été écarté par le rapport Sauvé, la question reste en suspens alors que les évêques sont rassemblés en assemblée plénière pour en débattre. Un ancien prêtre et sa femme sont venus à Lourdes pour dénoncer ce qui reste un tabou.

Article rédigé par Sandrine Etoa-Andegue
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Bernard Chalmel et son épouse, Marie-Laurence, le 2 novembre 2021 à Lourdes. (SANDRINE ETOA-ANDEGUE / RADIO FRANCE)

Quand il tombe amoureux de Marie-Laurence [Marie Laurens de son nom de plume], Bernard Chalmel est curé à la paroisse de Villeneuve-sur-Lot et père de deux filles cachées qu’il a eues d’une précédente liaison. "Quand on arrive autour des 40 ans, il y a le problème de la paternité qui se pose. Et en même temps, il y a l’affectif qui est là. On a aussi une biologie à gérer et quand il y a des propositions, on craque", explique-t-il. Marie-Laurence était son ancienne catéchiste. Elle évoque sans fard leurs rendez-vous clandestins : "C’est dans les presbytères, la plupart du temps, que ça se passe. Quand les prêtres ont des rapports sexuels, c’est dans les presbytères."   

Les amants se marient après que la découverte de la double paternité de Bernard l’oblige à rendre la soutane. Il était prêtre depuis 30 ans. "Dans mon cœur, je suis toujours prêtre, confie-t-il. J’ai toujours aimé profondément l’Église et j’aurais aimé rester dedans pour la faire évoluer de l’intérieur. Depuis que j’ai quitté le ministère, j’ai eu beaucoup de confidences et de rencontres avec des amis prêtres."   

"Je peux dire qu’un prêtre sur deux pratiquement a des aventures, des liaisons amoureuses mais ça doit rester caché. Halte à l’hypocrisie."

Bernard Chalmel, ancien curé

à franceinfo

"Pour moi un prêtre, ce n’est pas un autre Jésus Christ, c’est un homme normal", renchérit son épouse. Jusqu’à la fin de la semaine, les évêques réunis en assemblée plénière à Lourdes vont débattre des suites à donner aux recommandations du rapport de la Ciase sur les abus sexuels dans l’Église. Son président a écarté d’entrée de jeu tout lien de causalité entre les abus sexuels et le célibat des prêtres mais son rapport réveille un (vieux) débat. Pourtant, cette exigence contribue à en faire des hommes à part, avec le risque d’une survalorisation de la personne du prêtre qui peut conduire à une emprise et à une domination. Une question qui reste un tabou autour de l’un des principaux dogmes de l’église catholique. "Il faut arrêter cette sacralisation des prêtres, des évêques avec leur mitres leurs oripeaux dorés, ça ne correspond pas à la vie d’aujourd’hui", appelle Marie-Laurence.  

Depuis la publication du rapport Sauvé, l'association Plein jour de Marie-Laurence et Bernard milite pour la fin du célibat forcé "pour les prêtres, qu’ils aient le choix, la liberté". L'association est contactée par plusieurs couples en détresse. "Plein jour a envoyé une lettre à chaque évêque. Seulement deux ont répondu", se désole Marie-Laurence. Cette lettre raconte "le quotidien des femmes et des prêtres qui sont mal dans leur célibat, qui souffrent d’autant plus quand ils ont une liaison : ils ne peuvent parler à personne."

"Je pense que si on avait le choix entre célibat et mariage, ça permettrait à beaucoup de prêtres de vivre une vie sexuelle beaucoup plus harmonieuse, équilibrée. Ce serait beaucoup plus parlant pour un témoignage vivant de l’Evangile d’aujourd’hui", estime l'ancien curé. Bernard et Marie-Laurence sont mariés depuis 16 ans et se disent heureux à la tête d’une famille recomposée. Le couple a quitté l’église catholique pour l’église réformée où Bernard est prédicateur laïc.

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