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Affaire Mila : "Jamais dans l'histoire de ce pays, une jeune fille n’a reçu 100 000 messages haineux", souligne son avocat Richard Malka

Treize personnes sont jugées jeudi à Paris pour avoir participé au harcèlement de l'adolescente Mila, parfois accompagné de menaces de mort, après sa publication d'une vidéo polémique sur l'islam.

Article rédigé par Mathilde Lemaire
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Mila sur le plateau de "Quotidien" (TMC), le 3 février 2020. (QUOTIDIEN / TMC)

Un procès du "lynchage numérique" de Mila s'ouvre jeudi 2 juin devant le tribunal correctionnel de Paris. Un lynchage à la fois "effrayant et glaçant", pour son avocat, Richard Malka, qui s'exprimé sur franceinfo avant le début de l'audience. Après la publication de vidéos critiques et polémiques sur l'islam en janvier et novembre 2020, cette jeune femme a été la cible de "raids numériques" : des déferlements de haine sur les réseaux sociaux.

Certains des 13 prévenus sont aussi poursuivis pour menaces de mort. "C’est la première fois dans l’histoire de ce pays, qu’une jeune femme de cet âge-là fait l’objet d’une protection policière 24 heures sur 24", affirme Richard Malka, qui dénonce "un rapport aux réseaux sociaux complètement dingue", alors que ceux qui ont notamment menacés de mort la jeune fille ne sont ni "des délinquants", "ni des fanatiques".

franceinfo : Dans quelle situation vit Mila aujourd’hui ?

Richard Malka : S’abat sur elle à nouveau le lynchage numérique. Plus de 100 000 messages haineux. Jamais dans l’histoire de ce pays une jeune fille n’a reçu 100 000 messages haineux, avec évidemment une connotation sexiste, homophobe. Cette situation, je ne m’en remets pas. On a une jeune fille que le système scolaire ne peut plus prendre en charge. On lui dit : "Rentrez chez vous madame, on ne peut pas assurer votre sécurité, on met un terme à votre scolarité." Elle est recluse.

Elle, elle reste confinée aujourd’hui et pour plusieurs années. Elle, elle ne peut pas aller en terrasse. C’est la première fois dans l’histoire de ce pays qu’une jeune femme de cet âge-là fait l’objet d’une protection policière 24 heures sur 24. Cela n'existait pas. Vous pouvez imaginer la solitude que cela induit ?

Quel type de messages a-t-elle reçu ? Vous allez en lire à l'audience.

Je m'excuse vraiment, mais effectivement, il faut savoir de quoi on parle : "La Mila elle continuera jusqu’à que quelqu’un la trouve et la crève, et c’est tout ce qu’elle mérite", "tu mérites de te faire égorger sale grosse pute, "que quelqu’un lui broie le crâne par pitié", "dis-moi où tu habites, je vais te faire une Samuel Paty".

Là, ce sont des messages, mais il y a aussi des têtes décapitées, des photomontages avec la tête de Mila sanguinolente à la place de Samuel Paty. C’est insupportable. Il y a un rapport aux réseaux sociaux qui est complètement dingue. On montre une cible et puis comme des moutons, ils y vont tous pour menacer de mort. Et ils disent : "Ben oui, on sait que ça peut mener au suicide, mais deux minutes après, on n’y pensait plus."

Qui menace Mila ? Quels sont les profils de ceux qui ont écrit ces messages ?

C’est ce qui est glaçant et effrayant dans ce dossier, c’est que ce ne sont pas des délinquants, ni des fanatiques. Ils ont absolument tous un casier judiciaire vierge. Des personnes sans problème, plutôt très jeunes, entre 18 ans et 22 ans, et qui ne se rendent pas compte de la gravité de leurs actes et qui s’étonnent aujourd’hui que cela ait pu les mener à une perquisition, à une garde à vue et à un passage devant le tribunal correctionnel. Et même, ils s’en offusquent.

"Pour un seul tweet ?", nous disent-ils. Oui, un tweet, ça peut mener à ça et il faut que cela se sache. On ne peut pas continuer à accepter cette sauvagerie. À se dire que comme c’est sur les réseaux sociaux, c’est normal. Ils invoquent leur liberté d’expression. Pour eux, la liberté d’expression, c’est : "On ne peut pas critiquer Dieu", mais par contre on peut envoyer des menaces de mort. Ce message, il faut bien le faire passer : le blasphème, c’est légal en France et on ne menace pas de mort, même sur les réseaux sociaux. Cela peut vous mener à des perquisitions, à des gardes à vue, à des casiers judiciaires.

Même si on a un pseudo et qu'on est anonyme derrière son écran...

Même si on a un pseudo, même si on a un VPN, même si on est anonyme derrière son écran, même si on est très jeune, et même si on n’a pas de casier judiciaire, et même s’il ne s’agit que d’un seul message. C'est la loi Schiappa.

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