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Débat autour du voile : "Pour certains politiques, tous les maux de la France viennent des musulmans et de l'islam", regrette le CFCM

"Chaque fois qu'il y a une échéance municipale, c'est l'hystérie concernant l'islam et les musulmans", explique à franceinfo Abdallah Zekri, délégué général du Conseil français du culte musulman.

Article rédigé par franceinfo
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Abdallah Zekri, président de l'Observatoire national contre l'islamophobie, au ministère de l'Intérieur à Paris, le 21 mars 2016. (CHRISTOPHE PETIT TESSON / MAXPPP)

"Pour certains hommes politiques, tous les maux de la France viennent des musulmans et de l'islam, c'est leur fonds de commerce", regrette lundi 28 octobre sur franceinfo Abdallah Zekri, président de l'Observatoire national contre l'islamophobie rattaché au Conseil français du culte musulman (CFCM) et délégué général du CFCM.

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Emmanuel Macron a reçu lundi matin les représentants du culte musulman à l'Élysée et devrait faire des annonces dans un mois sur la lutte contre le communautarisme. Mardi, le Sénat examine quant à lui une proposition de loi des Républicains, sur l'interdiction du port de signes religieux lors des sorties scolaires.

franceinfo : Regrettez-vous que le chef de l'État ne prenne pas la parole publiquement à ce sujet ?

Abdallah Zekri : Je pense qu'il est en train de consulter, de réfléchir, il va essayer d'avoir des avis de son entourage, du ministre de l'Intérieur chargé des cultes, afin de prendre des dispositions. Maintenant, on nous dit la radicalisation, pas de souci, il faut la combattre, le communautarisme, pas de souci, mais le communautarisme, qui l'a créé ? Ce sont les maires des grandes villes, qui ont parqué "les noirs et les arabes" dans des banlieues qui sont devenues ingérables. Le terrorisme, il faut le dénoncer, la radicalisation, ça se travaille. Mais il faut qu'il y ait des gens de bonne volonté. J'ai vu des responsables musulmans qui ne pratiquent pas, qui me disent "on a la haine des hommes politiques qui passent leur temps à nous stigmatiser". Pour certains hommes politiques, tous les maux de la France viennent des musulmans et de l'islam, c'est leur fonds de commerce.

Vous attendez une position ferme d'Emmanuel Macron sur le voile, quelle est cette position ?

Dire que le voile dans l'espace public n'est pas interdit. Si une loi passe en France sur le port du voile dans l'espace public, ce sera le seul pays d'Europe où une femme ne peut pas sortir avec un voile. C'est de l'exagération de certains hommes politiques. Maintenant, il y a le point des accompagnants scolaires. Ce sont des gens qui sortent de l'école, à l'extérieur. Ce n'est pas lié à l'école. On ne peut pas essayer d'enfermer des enfants car leur mère ne peut plus les accompagner. Il faut raison garder, se calmer un petit peu.

Nous attendons du président de la République qu'il rassure les musulmans, qu'il fasse une déclaration disant que nous sommes des citoyens français, à part entière et pas à part. Nous vivons dans la République et nous respectons les lois de la République. Qu'on arrête avec ces gens du Front national, les Républicains, qui cherchent des certificats de virginité pour essayer de grappiller des voix lors des prochaines élections municipales. Chaque fois qu'il y a une échéance municipale, c'est l'hystérie concernant l'islam et les musulmans.

Y a-t-il un repli aujourd'hui, des lois qui ne sont pas respectées ?

Pour les écoles privées, il faut bien sûr les surveiller, certaines sont d'ailleurs sous contrat avec l'État. Concernant les activités scolaires, il y a des banlieues à travers la France où la plupart des enfants sont issus de la cinquième, sixième génération, et les mères, qui portent le foulard ou le voile, sont les seules accompagnatrices. Il y a à peu près 8 millions de musulmans en France, dont 3 millions de femmes. Il y a 25, 30% de femmes qui portent le voile, pourquoi on ne parle pas des autres ? Certaines font leur prière mais ne veulent pas porter le voile, car ça porte atteinte à leur carrière etc.

Il y a beaucoup de sujets dont on peut parler en France : 6 millions de chômeurs, les policiers qui se tuent à cause du mal-être au travail, les enfants violés, les femmes tuées par leur conjoint... Ce sont les chantiers qu'il faut ouvrir, qu'on arrête avec l'islam. Je suis français, je respecte les lois de la République, je suis marié avec une française qui va à l'église, ça ne me gêne pas. Ceux qui sont en train d'appeler à des lois contre l'islam et les musulmans ont la mémoire courte : il ne faut pas oublier nos parents qui sont venus mourir, en 14-18, en 39-45, pour défendre la France et le drapeau français.

Êtes-vous prêt à ouvrir le chantier de la structuration de l'islam, de la représentation des musulmans en France ?

Le chantier a été ouvert plusieurs fois, on a eu des réformes présentées au ministère de l'Intérieur au temps de Valls et de Cazeneuve. Cela ne suffit pas, la réforme doit évoluer. Mardi, nous avons une réunion à la mosquée de Paris avec toutes les fédérations, les imams de France, les intellectuels du culte musulman... Nous allons parler de l'islam, de la radicalisation, du voile. Nous allons sortir avec une synthèse, que nous allons transmettre aux autorités. Je pensais qu'Emmanuel Macron allait annoncer des mesures aujourd'hui, malheureusement il dit qu'il prend son temps. On est en pleine élection du CFCM, il y aura peut-être un nouveau bureau. On verra avec la nouvelle équipe comment on peut avancer ensemble.

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