Le Sénat veut interdire le voile aux “collaborateurs occasionnels du service public”. Mais de quoi s'agit-il ?
Dans la proposition de loi votée par le Sénat qui vise à interdire le port de signes religieux aux accompagnateurs lors des sorties scolaires, les parents sont considérés comme des "collaborateurs occasionnels du service public". Un statut juridique très flou qui n’existe pas dans la loi.
Votée par le Sénat ce mardi, la proposition de loi LR, qui vise à interdire le port de signes religieux aux parents accompagnant les sorties scolaires, place ces derniers dans la situation complexe des "collaborateurs occasionnels du service public". Qu’est-ce que ce statut ? Peut-il s’appliquer aux parents qui accompagnent des élèves lors d’une sortie scolaire ?
Un statut créé pour protéger les bénévoles en cas de préjudice
Toute personne qui apporte une contribution effective à un service public (y participer comme simple usager ne suffit pas), dans le but de servir l’intérêt général, dispose du statut de "collaborateur occasionnel du service public", selon une jurisprudence du Conseil d’État datant de 1946.
Ce statut a été créé pour que les bénévoles, victimes d’un accident par exemple, puissent être indemnisés par la collectivité qui a eu recours à leurs services. En 1993, le Conseil d’Etat a déclaré l’Etat responsable d’un accident de la circulation survenu en 1982 lors d’une sortie organisée par un lycée franco-hellénique d’Athènes, indemnisant ainsi l’accompagnatrice scolaire qui avait été réquisitionnée par le proviseur.
La création du statut de "collaborateur occasionnel du service public" permet en fait de reconnaître la responsabilité de l’État envers un bénévole alors que celui-ci n’a commis aucune faute.
Ce que ce statut implique en termes de laïcité
Ce statut de "collaborateur occasionnel du service public" n’existe pas dans la loi. C’est une notion exclusivement juridique qui a été créée par les tribunaux dans le seul but de protéger les personnes victimes d’un accident alors qu’elles offraient un service public. Il s’agit donc d’un cas particulier de jurisprudence.
Comme le rappelle le Conseil d’Etat dans un avis publié en 2013, "l’emploi de la notion de 'collaborateur','collaborateur occasionnel' ou 'participant' ne dessine pas une catégorie juridique dont les membres seraient, entre autres, soumis à l’exigence de neutralité religieuse". Cette exigence est par contre imposée aux agents publics par une loi de juillet 1983.
Souvent citée dans le débat public sur le voile, la loi du 15 mars 2004 interdit aux élèves le port de tout signe religieux "ostensible" à l’intérieur des écoles et dans le cadre des sorties scolaires mais elle "ne concerne pas les parents d’élèves", précise une circulaire du ministère de l’Education nationale.
Ni agent public, ni soumis à l’interdiction de signes religieux
Les parents ne sont donc ni soumis à l’exigence de neutralité des agents publics ni à l’interdiction de signes religieux pour les élèves. Pour le Conseil d’État, ils doivent être considérés comme de simples usagers du service public de l’enseignement.
"Ceux-ci ne sont par conséquent pas en principe soumis à des restrictions de leur liberté de manifester leurs opinions ou croyances religieuses". Le Conseil d’État précise dans ce même texte que des restrictions à la liberté de manifester ses convictions religieuses peuvent être prises "dans la mesure rendue nécessaire par le maintien de l’ordre public et le bon fonctionnement du service public" .
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