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Mort de Daniel Cordier : "Je garde le souvenir d'un homme qui montre qu'on peut changer dans la vie", se rappelle son ami Marc Voinchet

"Il considérait qu'il avait simplement fait son devoir", confie sur franceinfo Marc Voinchet, directeur de France Musique et ami de Daniel Cordier.

Article rédigé par franceinfo
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Daniel Cordier, Compagnon de la Résistance, le 14 mai 2013.
 (MARTIN BUREAU / AFP)

"Je garde le souvenir d'un homme qui montre qu'on peut changer dans la vie, que les choses ne sont pas inscrites irrémédiablement dans le marbre", s'est souvenu sur franceinfo Marc Voinchet, directeur de France Musique et ami de Daniel Cordier, vendredi 20 novembre. L'ancien résistant et secrétaire de Jean Moulin est mort à l'âge de 100 ans.

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Il avait des idées antisémites avant de s'engager dans la Résistance et s'en voudra toute sa vie, a raconté Marc Voinchet. "Son rôle dans la Résistance a été d'être le secrétaire de Jean Moulin, c'est-à-dire d'être le témoin de toutes les querelles entre résistants, entre courants de la Résistance, d'être le plus fidèle à Jean Moulin, et puis de faire toutes sortes de tâches qui mettaient la vie en danger", a-t-il confié.

franceinfo : Marc Voinchet, vous êtes directeur de France Musique et ami de Daniel Cordier, quel souvenir gardez-vous de cet homme ?

Marc Voinchet : Je garde le souvenir d'un homme qui montre qu'on peut changer dans la vie, que les choses ne sont pas inscrites irrémédiablement dans le marbre. Selon les événements, si l'on est fidèle à quelque chose, à quoi on croit devoir être fidèle, il faut l'être simplement. Et voilà, quand cet homme, au fond, s'estime trahi, le 17 juin 1940, par le discours d'un homme qu'il admire, le maréchal Pétain, qui demande qu'on livre la France à l'ennemi, il ne le supporte pas au nom de valeurs familiales et au nom de valeurs, justement, qui veulent honorer la France et donc il veut se battre.

"Il veut sauver la France."

Marc Voinchet

à franceinfo

Il croit qu'il part pour rejoindre l'armée algérienne... et non, le bateau est détourné. Il arrive à Londres et arrive ce qui arrive : l'arrivée des Français libres. D'abord, il se définit comme ça. Et puis l'idée qu'il faut se battre. Et puis, un jour, lors d'un parachutage à Lyon, il rencontre un homme qu'il ne connaît pas, avec qui il discute et avec qui il parle encore de ses idées éprises de racisme, cet homme dont il devine qu'il n'est pas complètement synchrone avec sa jeune pensée politique. Il a vingt ans Cordier, il lui dit 'bon, allez au boulot demain, on se retrouve à 8 heures du matin et on commence'. Il devient ce jeune homme-là parce qu'un autre homme lui fait confiance. Il devient le secrétaire de Jean Moulin. Mais il faut bien savoir une chose, c'est qu'il ne sait pas que c'est Jean Moulin. Il devient le secrétaire de Rex. Il ne saura qu'après, trois ans plus tard, qu'il était le secrétaire de Jean Moulin.

Daniel Cordier raconte souvent ce souvenir de la rencontre avec un homme et un garçon sous l'occupation allemande qui portait l'étoile jaune à Paris et il dit qu'il a eu envie d'embrasser cet homme pour lui demander de lui pardonner d'avoir été antisémite. Est-ce un témoignage bouleversant ?

C'est assez bouleversant. Il le dira jusqu'à la fin de sa vie. On aura beau lui dire qu'il s'est racheté depuis, il avait envie d'aller étreindre cet homme, lui demander pardon. Il ne peut pas le faire parce que partout, la Gestapo est autour et qu'il se dénoncerait, en tant que secrétaire de Jean Moulin et d'un mouvement de résistance avec des données confidentielles qu'il était hors de question de risquer de divulguer. Voilà pourquoi je disais que cet homme montre que l'on peut changer dans la vie et qu'on peut évoluer, tenir bon ensuite à des choses qui font que vous ne regrettez pas l'engagement que vous avez.

"Son rôle dans la Résistance a été d'être le secrétaire de Jean Moulin, c'est-à-dire d'être le témoin de toutes les querelles entre résistants, entre courants de la Résistance, d'être le plus fidèle à Jean Moulin."

Marc Voinchet

à franceinfo

Son rôle a aussi été de faire toutes sortes de tâches qui mettaient sa vie en danger. Au moindre pas que l'on faisait en dehors de chez soi en transportant tel courrier, là, en contactant tel autre, en recueillant tel aviateur qui doit fuir et qu'il faut cacher, en organisant tout ce que Jean Moulin reçoit de Londres, notamment de la part du général de Gaulle pour unifier les mouvements de la Résistance... Son rôle, c'est de mettre en musique tout ça. Donc il est au cœur des secrets. C'est presque "l'homme de l'ombre", il est au cœur des secrets, de ce qui aura aussi de compliqué dans la résistance, notamment les querelles, les enjeux politiques.

Comment en parlait-il, des décennies après ça, de cette époque-là et de ses liens avec Jean Moulin ?

Il en parlait quand même comme d'une chance. Il disait être devenu un homme grâce à Jean Moulin et en même temps, il en parlait mais n'en tirait aucune gloire. Il n'y avait aucune forfanterie chez Daniel Cordier. Il y avait beaucoup d'humour. On a beaucoup ri et on riait beaucoup avec Daniel Cordier.

"Il considérait qu'il avait simplement fait son devoir."

Marc Voinchet

à franceinfo

Vous savez, après la guerre, il aurait pu jouer avec ça, demander tel poste de ministre ou je ne sais quoi, mais rien du tout. Après la guerre, il a disparu. Il s'est inventé une autre vie en fidélité tout de même avec Jean Moulin, puisqu'avec Jean Moulin, il parlait de choses extrêmement graves et ils étaient constamment menacés par le danger. Mais je crois que ce qui les sauvait, c'est qu'ils se parlaient d'art. Jean Moulin initiait Cordier à l'art. Un jour sur les quais de Paris, en train de régler deux ou trois affaires, Jean Moulin dit à Cordier : 'Écoutez, vous savez quand tout ça sera fini, je vous emmènerai au Prado'. Cela n'est jamais arrivé. Mais Cordier, lui, y est allé au Prado et est devenu le collectionneur d'art extraordinaire qu'il est devenu ensuite avant de devenir l'historien, sa troisième vie, parce qu'il veut sauver la mémoire de Jean Moulin quand il estime qu'on calomnie Jean Moulin en lui prêtant des intérêts d'agents soviétiques et crypto-communistes. Et dire ça, ce n'est pas possible. Il fallait qu'il prouve que ce n'était pas vrai. Il mettra 20 ans à le faire en devenant l'historien crédible, absolument crédible qu'il est devenu.

Vous l'avez accompagné d'ailleurs dans plusieurs endroits qu'il voulait visiter, revoir avant de mourir...

Oui, il avait cette passion absolue et se disait, avant de mourir : 'je veux revoir les endroits que j'aime', que ce soit l'Île de Pâques où il est revenu il n'y a pas si longtemps, que ce soit la Hollande, revoir tel Dubuffet dont il était le collectionneur et voir si c'était en bon état... Moi, je me souviens d'un jour très particulier où on était à Montpellier, tout simplement, il participait aux 'Rencontres de Pétrarque' qu'organisait France Culture. On était là, à la fois pour le travail et par amitié. Un jour, il m'a dit : J''aimerais bien qu'on retrouve le deuxième pilier de l'aqueduc du Pérou qui est là, devant lequel Jean Moulin a fait cette photo, la plus célèbre'. Il voulait qu'on sente la présence de cet homme-là, à ce moment-là, et être avec Cordier, ça crée de grandes émotions.

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