Location de voitures : pour mettre la main sur certains bolides, les Français se tournent vers la filière polonaise
Audi, BMW, Mercedes… Ces voitures ont un point commun : elles sont immatriculées en Pologne. Sur les réseaux sociaux, parmi des centaines d’autres, l'on trouve une jeune entreprise. Son activité : louer des véhicules en Pologne pour ensuite les sous-louer dans le sud de la France. C’est légal. Car la Pologne autorise la sous-location.
Une Audi RS3. Pour monter à bord de ce modèle récent, c’est 400 euros la journée. Un tarif compétitif par rapport à ceux pratiqués en France. Car l’entreprise, en louant ses voitures en Pologne, réalise des économies substantielles. “En France il faudrait acheter le véhicule. Le leasing (location longue durée) est impossible. Et la taxe malus coûte une blinde, aux alentours de 10 000 euros… Ça nous permet de proposer ensuite des prix un peu plus accessibles” affirme le loueur.
Un argument de poids pour les conducteurs : échapper aux radars automatiques
Des prix de location avantageux et surtout, un argument de poids pour les conducteurs : échapper aux radars automatiques. Et voilà comment : en France, lorsqu'un radar automatique flashe une voiture en excès de vitesse, l’amende est envoyée au titulaire de la carte grise, autrement dit, dans le cas présent, la société de location polonaise. C’est elle qui reçoit la contravention et qui doit l’adresser au conducteur.
On ne dénonce pas. Vous n’aurez pas de retrait de points.
Un loueur de voitures de luxeÀ l’Œil du 20H
Mais dans les faits, selon la police, malgré l’accord de coopération entre les deux pays, cela n’arrive presque jamais. Le loueur d'ajouter : “Tout ce qui est plaque étrangère, on n’est pas forcé de dénoncer le conducteur. Vous n’aurez pas de retrait de points. On ne dénonce pas. On est sur une plaque étrangère donc, non, on ne dénonce pas.”
Pas de dénonciation. Pas de retrait de points. Et pour les policiers : impossible de remonter jusqu'au contrevenant, ou de saisir le véhicule.
Des voitures de location polonaises au cœur de pratiques illégales. C’est ce que nous découvrons sur les réseaux sociaux. Des voitures où le permis de conduire n’est même pas demandé. Au téléphone, ce loueur nous le répète : “Non, pas besoin de permis. C’est 2000 euros le week-end, et caution de 10 000 en cash. Vous pouvez passer la voir.”
Rendez-vous est pris sur le parking d’un garage, en banlieue parisienne. Voici la voiture immatriculée en Pologne. Le loueur, lui, n’est pas venu. Mais l’on croise un technicien chargé d'entretenir la voiture. Il nous explique que les voitures sont très demandées, les locations s'enchaînent, et les véhicules sont parfois malmenés. "Seb* me l’a déposée hier en urgence. Je l’ai récupérée comme ça, en l’état. Il y avait les freins à changer, il ne voulait pas prendre le risque. La voiture date de 2022. Ça y va les freins là-dessus.”
Les propriétaires polonais savent-ils ce qu’il advient de leurs voitures une fois en France ?
Direction Varsovie. Aux abords de l’aéroport, de nombreuses agences ont pignon sur rue. Des modèles haut de gamme, bien en vue sur le parking, qui séduisent particulièrement les Français, selon Piotr Dutkiewicz, gérant de la société de location de voitures AutoCar : “Ici, vous avez une BMW, compacte et puissante. Les Français louent souvent ce modèle.”
Ils désossent la voiture et ils revendent les pièces détachées sur Internet
Piotr Dutkiewicz, gérant d'une société de location polonaiseÀ l’Œil du 20H
Mais pour lui, les clients français, c’est terminé. Il tient à nous montrer comment il récupère certains véhicules : “L'Audi RS3, la voiture la plus populaire parmi les clients français ! Et voilà comment elle revient en Pologne ! Ils désossent la voiture et ils revendent les pièces détachées sur Internet.”
Pour pouvoir tracer ses véhicules, Piotr Dutkiewicz les a équipés de puces GPS. Récemment, l’une d’elles a été désactivée sur une voiture louée à un Marseillais. Il décide alors d’aller la récupérer lui-même avec l’aide de la police française. Il raconte : “La police a profité de ce que les jeunes se trouvent à la station-service pour les arrêter et me rendre les clés du véhicule. Ils ont trouvé de la drogue et les policiers m’ont escorté jusqu’à l’autoroute.”
On peut parler de fléau
Eric Henry, délégué national Alliance Police NationaleÀ l’Œil du 20H
La location de véhicules immatriculés en Pologne pose de sérieuses questions de sécurité aux forces de l’ordre, selon Eric Henry, délégué national Alliance Police Nationale : “Elles peuvent servir à commettre des larcins, à établir ou à faire fructifier une activité criminelle. Souvent dans le transport de drogue, ce qu’on appelle aussi des go fast. On peut parler de fléau.”
En 2021, afin d'identifier les auteurs de ces délits, le parquet de Grenoble a mis en place, avec les services de police locaux, le contrôle des véhicules de luxe immatriculés en Pologne.
*Prénom d'emprunt
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