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Stéphane Taponier et Hervé Ghesquière, otages depuis six mois en Afghanistan

Le 30 décembre dernier, Hervé Ghesquière et Stéphane Taponier, deux journalistes de France 3 qui enquêtaient en Afghanistan pour le magazine "Pièces à conviction", ont été enlevés avec leurs trois accompagnateurs afghans. Retour sur leurs six mois de captivité, émaillés de rares nouvelles et de controverses avec les autorités françaises, qui, tout en demandant la discrétion, ont multiplié les déclarations.
Article rédigé par franceinfo
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Ce jour-là, Stéphane Taponier et Hervé Ghesquière ont faussé compagnie à l'officier de presse de l'armée française chargé de les accompagner. Ils finalisaient un reportage sur la difficile reconstruction d'une route stratégique entre l'Afghanistan et le Pakistan, pour le magazine de France 3 “Pièces à conviction”. S'ils l'ont fait, c'est parce qu'ils avaient besoin d'interroger des civils afghans pour les besoins de leur reportage. Difficile de les mettre en confiance et de recueillir des informations de valeur flanqués d'une escorte militaire.
_ C'est dans ces circonstances qu'ils ont été enlevés, avec leurs trois accompagnateurs afghans, Mohammed Reza, Ghulam et Satar, dans la vallée de la Kapisa.

La mobilisation des pouvoirs publics et de l'armée sur place est immédiate. Au fil des semaines, les militaires français, engagés dans des opérations dans la vallée de la Kapisa, vont chaque jour tenter de boucler les passages qui permettraient aux ravisseurs des deux journalistes de les emmener au Pakistan.

PETITES PHRASES ASSASSINES

Pendant que les militaires quadrillent un terrain dangereux, en France, les autorités publiques imposent le silence aux familles des reporters,à leurs collègues et à toute la presse : pas de noms, pas d'articles, ou alors le moins possible. Celà pour ne pas perturber les négociations. Certains, comme Hervé Chabelier, le patron de l'agence Capa, font remarquer que le choix paraît peu judicieux, alors que tous les ex-otages racontent comment les échos de la mobilisation dans leur pays les ont soutenu.

Ceux qui vont rompre ce silence, ce sont les autorités politiques et militaires françaises elles-même. Tout en demandant à la presse de tenir sa langue, elles se laissent aller à des petites phrases assassines. Dans les premières semaines de la captivité des journalistes, elles ne cachent pas leur agacement. Nicolas Sarkozy lui-même lâche que les deux reporters ont fait preuve d'une “imprudence vraiment coupable” . Mi-janvier, Claude Guéant enfonce le clou : ils font “courir des risques aussi à beaucoup de nos forces armées, qui du reste sont détournées de leurs missions principales”, assène le secrétaire général de l'Elysée sur les ondes. Le 21 février, c'est le général Jean-Louis Georgelin qui, à son tour, soutient à sa façon les deux otages, soulignant que les recherches avaient coûté “plus de 10 millions d’euros”. Et le général d'appeler “à la responsabilité, au sens des responsabilités des uns et des autres”.

DERNIERE PREUVE DE VIE

Excédés de voir leurs proches et leurs collègues assimilés à des touristes irresponsables, les soutiens des deux journalistes commencent à envisager de divulguer les noms des captifs. Car Stéphane Taponier et Hervé Ghesquière n'ont rien d'apprentis Rouletabille. Le premier, cameraman, a filmé une douzaine de conflits en Afrique et a couvert l'Afghanistan et l'Irak. Le second a exercé son métier en ex-Yougoslavie, au Rwanda, en Irak également et au Cambodge. Deux reporters chevronnés, conscients des risques en zone de conflit, mais par dessus tout désireux de réussir, du mieux qu'ils peuvent, leur mission d'informer.

Le 12 avril, en accord avec les familles, France Télévisions décide de rendre publique l'identité de ses reporters enlevés. Elle diffuse une vidéo des ravisseurs dans laquelle les journalistes lisent un texte, se disant en danger de mort. Le groupe qui les a enlevé réclame la libération plusieurs dizaines de détenus talibans en échange de la leur. C'est la dernière preuve de vie envoyée. Depuis, le gouvernement français en demande d'autres aux ravisseurs.

LE PDG DE FRANCE TELEVISIONS EN AFGHANISTAN

Dès lors, les rassemblements et les gestes de soutien se multiplient. Fin mai, une manifestation rassemble le gotha de la télévision au pied du siège parisien de France Television. Des institutions, comme la région Aquitaine ou la ville de Nantes, pour n'évoquer que les derniers en date, déploient des banderoles à l'effigie des journalistes.

La semaine dernière, le ministre de la Défense, Hervé Morin, accompagné du patron de France Télévisions, Patrick de Carolis, se sont rendus en Afghanistan pour faire le point. Les négociations “se densifient”, mais semblent encore piétiner, du moins à ce qu'il est possible de savoir, c'est à dire très peu, comme toujours dans ce type d'affaire. Le patron du service action de la DGSE en personne les mène sur le terrain.

A l'heure actuelle, aucune information sur une prochaine libération de Stéphane Taponier, Hervé Ghesquière, Mohammed Reza, Ghulam et Satar ne filtre. L'état de santé des captifs n'est pas non plus connu. Leur détention - six mois - a dépassé celle de Florence Aubenas, Christian Chesnot et Georges Malbrunot, si tant est que ce genre de comparaison ait un sens.

Grégoire Lecalot

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