Suppression de l'histoire en terminale S : la bataille des profs continue
Annoncée en 2009, entrée en vigueur à la rentrée 2011, la réforme reste très critiquée par les enseignants. Le ministre Luc Chatel a dû, une nouvelle fois, défendre cette évolution. FTVi revient sur ce qui coince.
"L’histoire fait partie du socle commun de culture partagée que la Nation s’engage à transmettre à ses enfants tout au long de leur scolarité." La piqûre de rappel est signée Luc Chatel, ministre de l'Education nationale. Elle est extraite d'une tribune publiée mardi 31 janvier sur le site Newsring. Le ministre répond à une attaque de l'historien Dimitri Casali au sujet de la suppression de l'histoire en terminale scientifique (S).
Avant la réforme de 2010, les lycéens ayant choisi la filière scientifique avaient 2 heures et demie d'histoire en première, ainsi qu'en terminale. Premier changement à la rentrée 2011, les élèves de première ont désormais 4 heures d'histoire et passeront une épreuve anticipée, comme pour le français, en juin. A la rentrée 2012, les terminales S n'auront plus de cours d'histoire obligatoires, seulement une option de deux heures pour ceux qui le souhaitent. Pourquoi cette réforme fait-elle toujours grincer les dents ? Voici quelques éléments de réponse :
Parce que le ministre est passé en force
L'annonce de la suppression de l'histoire-géographie en terminale S, fin 2009, provoque un tollé chez les professeurs de lycée et dans les milieux universitaire et politique. L'Association des professeurs d'histoire et de géographie (APHG), qui rassemble 7 500 membres, dénonce une "mesure budgétaire destinée à faire des économies de postes", mais voit aussi "le lobby scientifique à vue étroite" derrière la réforme. "A 18 ans, les lycéens scientifiques ont besoin de repères de temps et d'espace. Et ils ont besoin d'une formation à la citoyenneté, notamment de bien connaître la Ve République enseignée en fin de terminale", explique à FTVi Hubert Tison, secrétaire général à l'APHG.
Dans un appel lancé en 2009 dans Le journal du dimanche, vingt personnalités (universitaires, politiques, intellectuels...) s'insurgent contre la suppression de l'histoire en terminale S. Des pétitions circulent également. Mais rien n'y fait. Luc Chatel, ministre de l'Education nationale, passe en force. La réforme s'applique dès la rentrée de septembre 2011. Exaspérés, les profs d'histoire-géo font toujours signer leur pétition pour le rétablissement immédiat de l'histoire en terminale S. Près de 30 000 signatures ont été récoltées (fichier PDF). Ils ont également tenu, dimanche 29 janvier, les Etats généraux de l’histoire-géographie, à Paris. Dans un manifeste, l'association APHG déclare que "le niveau de démocratie dans un pays se mesure à la place qu'il réserve à l'enseignement de l'histoire et de la géographie pour les futurs citoyens".
Parce que l'application de la réforme rencontre des difficultés
Depuis septembre 2011, la réforme est entrée en vigueur pour les élèves de première S. En cours d'année, les enseignants réitèrent leurs critiques. En cause : le programme de première S, qui court du milieu du XIXe siècle à aujourd'hui. "C'est considérable, estime Hubert Tison. Cette année, nous avons environ un mois et demi de retard par rapport au programme. Est-ce que cela sera rattrapé ? Difficile de le dire... Mais ce qu'on faisait sur deux ans, on ne pourra pas le faire sur un an, c'est sûr", affirme le secrétaire général de l'association des profs d'histoire-géo.
D'autre part, des craintes planent sur la future option destinée aux terminales S à partir de la rentrée de septembre 2012. "L'option ne sera pas ouverte sur tout le territoire. De nombreux lycées n'ont pas demandé son ouverture. Impossible donc, pour les lycéens qui le souhaitent, de continuer à étudier l'histoire en terminale", se désespère Hubert Tison. Il estime à environ un tiers seulement la proportion de lycées proposant l'option histoire en terminale. "Cela touche des établissements de grands villes et de nombreux lycées ruraux", note le secrétaire général de l'APHG.
"C'est une catastrophe pour tout le monde. Les professeurs sont angoissés de ne pas pouvoir boucler le programme, de bâcler leur travail, et s'inquiètent pour les élèves dont les connaissances vont être tronquées", insiste Hubert Tison.
Parce que nous sommes en campagne électorale
Les profs d'histoire-géographie entendent bien profiter de la campagne présidentielle pour rappeller aux hommes politiques leur revendication : le retour de l'histoire en terminale S. Lors des Etats généraux de l’histoire et de la géographie, différents représentants de partis politiques ont été conviés pour être sensibilisés à la question. Seul un candidat était présent. Il s'agit de François Bayrou (MoDem), "un candidat de poids", se réjouit Hubert Tison. "Bayrou nous a expliqué que, pour lui, la suppression de l'histoire, c'est une barbarie", rapporte le secrétaire de l'APHG.
Et l'association des profs ne compte pas s'arrêter là. "La question de l'histoire en terminale sera posée dans la campagne, promet Hubert Tison. Nous attendons que les candidats se positionnent."
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