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Témoignage "Tout le monde me faisait croire qu'être lesbienne était une maladie" : Paméla raconte sa "thérapie de conversion"

La jeune femme a participé à une "thérapie de conversion" organisée par l'association évangélique "Torrents de vie", en 2009. Aujourd'hui, elle veut témoigner pour lutter contre ces pratiques qui prétendent changer l'orientation sexuelle des personnes LGBT+.
Article rédigé par Manon Mella
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Paméla revient sur la "thérapie de conversion" dont elle a été victime en 2009. (MELLA/FRANCEINFO)

Ces séminaires, souvent religieux, prétendent "guérir" l'homosexualité ou la bisexualité : Paméla avait 20 ans lorsqu'elle a participé en 2009 à une "thérapie de conversion" organisée par l'association évangélique "Torrents de Vie".

>> Thérapies de conversion : "Il faut que l'association Torrents de vie soit jugée et punie", réclame SOS Homophobie

Malgré leur interdiction en janvier 2022, certaines associations comme "Torrents de Vie" en organisent encore, comme l'a révélé une enquête de BFMTV. Aujourd'hui, la jeune femme témoigne pour alerter des dégâts psychologiques causés par de telles pratiques.  

"Selon eux, l'homosexualité vient d'une blessure"

À l'époque, Paméla est très engagée dans l'Église catholique : "J'étais leader d'un groupe de prière qui appartenait à la grande mouvance du Renouveau charismatique", un courant spirituel apparu en 1967. "J'avais une grosse responsabilité, je devais être parfaite, exemplaire....Sauf que, je suis tombée amoureuse d'une fille", se souvient-elle. C'est alors qu'elle décide de s'inscrire à Torrents d'Espoir, "la version courte de Torrents de Vie", précise-t-elle à franceinfo.

La "thérapie de conversion" a duré trois mois, au rythme d'une session de 2h30 par semaine.  

"La soirée se déroule avec d’abord un temps de louanges. On chante pour Dieu. On a les mains levées au ciel. Il y a une grande croix. On fixe la croix."

Paméla, 34 ans

Paméla se remémore et décrit la scène : "On est tous assis sur des chaises en ronds avec une leader qui nous guide. Elle met la main sur toi et elle prie dans le nom de Jésus pour que tu sois guérie de ta blessure ou pour que tu sois délivrée du piège démon". La leader incite ensuite les participants à aller chercher "ce qui a été blessé dans l’affectivité", raconte Paméla, en pointant du doigt la rhétorique utilisée : "Selon eux, l'homosexualité vient d'une blessure, comme un abus sexuel ou un parent absent. C'est quelque chose qui m'a traumatisée et qui m'a fait du mal."

"Avoir fait Torrents d'Espoir, ça a été d'une grande violence psychologique"


"Personne ne m'a forcé. Je me suis inscrite de mon plein gré", précise-t-elle, consciente que c'est un "argument très utilisé" par les associations religieuses pour répondre aux dénonciations. "Mais pourquoi on vient ?, interroge Paméla. C'est parce que tout l'entourage nous dit que notre désir lesbien ou gay est mal. Donc on ne peut plus vivre avec soi-même !"

Et de préciser, en pleurant : "Tout le monde essayait de nous faire croire que l'homosexualité était une maladie, que c'était inspiré par le démon, que c'était un péché très grave". Avant d'ajouter : "Quand on entend ça, on se dit qu'on a besoin d'aide".

"J'étais en lutte intérieure. Je m'effondrais. J'étais perdue parce qu'ils m'ont déstructurée."

Paméla, 34 ans

à franceinfo

Paméla a cru trouver de l'aide dans cette thérapie de conversion, mais "ça a juste contribué à augmenter la honte". Et plus d'une dizaine d'années après, tout ça laisse des traces. Peur du jugement des autres, manque d'estime de soi...Paméla a eu pendant de longues années la sensation de commettre une faute.

Quand elle relit les mails qu'elle a envoyés à une amie pendant la "thérapie de conversion", impossible de retenir ses larmes : "La honte et la culpabilité sont tellement fortes que ça m'a détruit. Avoir fait Torrents d'Espoir ça a été d'une grande violence psychologique", confie-t-elle.

"Je suis persuadée qu'ils vont continuer"


Quand elle a découvert les révélations de nos confrères de BFMTV, qui ont montré que les "thérapies de conversion" étaient encore pratiquées malgré leur indiction, Paméla n'a pas été étonnée : "Je suis persuadée que tant qu'ils pourront faire des sessions un peu incognito, ils continueront d'en faire. Rien ne va faire changer leurs croyances. Aucune loi !", dit-elle.

D'où l'objet de son témoignage. "Il faut que lesbiennes et les gays protestants, catholiques, etc, entendent des messages comme le mien pour réaliser qu'ils ne font rien de mal", insiste Paméla, en s'adressant particulièrement aux jeunes. "Je veux témoigner parce que c'est trop important. Moi, la thérapie de conversion, ça a massacré mon rapport à ma sexualité. C'est une atteinte à l'individualité. Attaquer ça, c'est défoncer un être humain", conclut-elle.

Paméla est par ailleurs en train d'écrire un roman qui porte sur la complexité d'être une femme lesbienne et catholique, sur l'emprise et l'homosexualité refoulée. Le roman devrait s'appeler Désobéir aux Dieux et sera signé Paméla Diane Alexi. 

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