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"Grossophobie" : Une discrimination "totalement tolérée", dénonce une victime

Gabrielle Deydier, auteure du livre "On ne naît pas grosse, on le devient", était l'invitée de franceinfo en marge de la journée contre la "grossophobie" vendredi. Elle dénonce une discrimination "assumée" et "tolérée" dans l'esprit collectif.

Article rédigé par franceinfo
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Gabrielle Deydier dénonce dans son ouvrage "On ne naît pas grosse, on le devient" les discriminations dont sont victimes les Français obèses. L’auteure livre son expérience personnelle et tente de comprendre les mécanismes de ce que l’on appelle la "grossophobie". (MAXPPP)

La mairie de Paris organise vendredi 15 décembre dans le cadre de la semaine de lutte contre les discriminations, une journée contre la "grossophobie", le rejet de personnes de forte corpulence, avec une série de rencontres autour de cette question. Gabrielle Deydier raconte les humiliations qu'elle a subies dans un livre : On ne naît pas grosse, on le devient, aux éditions Goutte d'Or. Invitée de franceinfo vendredi, elle dénonce une discrimination totalement "assumée" et "tolérée" par la société.

franceinfo : Avez-vous le sentiment que la "grossophobie" est une discrimination qu'on ne nomme pas, qui est oubliée ?

Gabrielle Deydier : Ce n'est pas qu'elle est oubliée, c'est une discrimination qui est totalement assumée. C'est une discrimination qui est totalement tolérée. Dans l'esprit collectif, être gros serait une sorte de choix de vie. On mériterait le traitement qu'on reçoit. Il y a de la maltraitance. Elle peut être au travail par exemple, où on peut se faire harceler constamment. Plusieurs fois, j'ai moi-même été convoquée par mes patrons pour me demander de maigrir alors que j'avais des postes de standardiste ou quand je travaillais dans une école avec des enfants handicapés. J'ai (aussi) entendu des propos difficiles chez le médecin. Il peut arriver qu'un gynécologue vous dise que ça ne sert à rien de vous visiter parce qu'il y a trop de gras autour ou qu'on ne vous prescrive pas une contraception parce qu'on estime qu'il n'y a pas de rapports sexuels quand on est gros.

La discrimination peut-elle aussi venir des proches ?

Ça commence par le milieu familial. J'ai des parents qui étaient obsédés par leur corps et leur minceur et ma mère, qui était toujours habillée en 36/38, était quand même toujours trop grosse pour mon père. J'ai grandi avec ce modèle-là en me disant que je serai toujours trop grosse. J'ai commencé à faire des régimes quand j'ai commencé à m'habiller en taille 40. Quoi qu'il en soit, on se sent seule. C'est pour ça que j'ai écrit ce livre. Quand vous racontez aux gens une ou deux fois ce qu'il se passe, ils vous écoutent. Quand vous leur racontez dix fois, ils commencent à mettre en doute votre parole et à penser que vous êtes soit paranoïaque, soit trop sensible. Ce livre, c'est aussi une enquête. J'ai utilisé mon corps de femme grosse pour aller rencontrer des médecins, faire croire que je voulais me faire opérer, pour avoir des informations. On opère 50 000 personnes par an. Le chiffre a quadruplé en 15 ans et il ne fait qu'augmenter car, aujourd'hui, la première solution que vous propose un médecin quand vous voulez maigrir, c'est de vous faire opérer.

Quelle doit être la priorité de la lutte contre cette discrimination aujourd'hui ?

La lutte doit passer par une prise en charge des pouvoirs publics. Ils doivent prendre en considération toutes ces demandes et faire en sorte que le mobilier urbain soit plus facilement accessible et que les personnes obèses soient intégrées. Je pense à Pôle emploi qui vient de remettre à la mode le CV vidéo. Ce n'est juste pas possible pour quelqu'un comme moi qui ne serai jamais embauchée, même en maîtrisant douze langues étrangères. Il faut prendre en compte ces différences-là.

Grossophobie : la discrimination contre les "gros" est "totalement tolérée" par la société, regrette Gabrielle Deydier

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