Mort d’Asma Jahangir : avocate et militante des droits humains pakistanaise
Toute sa vie, elle a affronté des menaces de mort et des passages en prison sans jamais renoncer à son combat pour les droits humains.
Asma Jahangir est décédée le 11 février dernier à l’âge de 66 ans. Née en 1952 au Pakistan, elle était une avocate engagée et fervente militante des droits humains. Opposante aux dictatures militaires de son pays, elle a fondé en 1987 la Commission pakistanaise des droits de l’homme qui documente les abus commis par les services secrets de l’armée pakistanaise. Retour sur son parcours exceptionnel.
Le premier cabinet d’avocats exclusivement féminin
Elle n’a que 18 ans lorsqu’elle rédige sa première plainte pour demander la libération de son père, emprisonné pour avoir critiqué le général Ayub Khan au pouvoir. En 1980, elle décide d’ouvrir avec sa sœur Hina Jilani le premier cabinet d'avocats exclusivement féminin du Pakistan. Trois ans plus tard, elle défend une jeune non-voyante tombée enceinte à la suite d’un viol. Considérée comme adultère, sa cliente encourait la prison et le fouet mais elle sera finalement graciée. Farouche défenseure des droits des femmes, elle obtiendra de la Cour suprême qu’une femme puisse se marier librement, sans l’autorisation d’un tuteur.
Militante pour les minorités religieuses, elle sera harcelée, menacée de mort et agressée en 1995 pour avoir pris la défense d'un jeune chrétien de 14 ans accusé de blasphème et condamné à mort : "J’étais extrêmement frustrée, j'ai fait une dépression. confiait-elle. Ce jour-là, je me suis dit, parce que mon fils avait le même âge, comment est-ce que je me sentirais en tant que mère, si je vis et que ce garçon va dans la cellule des condamnés à mort." Il sera finalement acquitté grâce à elle.
Ses combats pour la justice et la démocratie lui vaudront d’être assignée à domicile en 2007 quand le président Musharraf déclare l’état d’urgence et qu’elle participait à un mouvement d’avocats pour restaurer la démocratie. Deux ans plus tôt, elle avait été arrêtée brutalement par la police alors qu'elle participait à l’organisation d’un marathon symbolique en pleine controverse sur la participation des femmes aux courses à pied.
Pressentie pour le Prix Nobel de la paix
Ses combats au Pakistan la conduiront à occuper les fonctions de rapporteuse spéciale des Nations unies sur les exécutions sommaires et sur la liberté de religion. Asma Jahangir a également reçu de nombreux prix des droits de l’homme et a été pressentie pour le Prix Nobel de la paix en 2005.
Cette grande militante des droits humains pakistanaise restait tout de même optimiste : "Il n'y a pas si longtemps, les droits de l'homme n'étaient même pas perçus comme un problème dans ce pays, puis les droits des prisonniers sont devenus un problème, les droits des femmes étaient perçus comme un concept occidental, maintenant les gens parlent des droits des femmes, les partis politiques en parlent, même les groupes religieux en parlent."
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