Violences conjugales : avec son pack nouveau départ, "une nouvelle fois le gouvernement est hors sujet", dénonce un magistrat
"Une nouvelle fois, le gouvernement est hors sujet", a réagi Luc Frémiot, magistrat honoraire, ancien substitut général à la cour d’appel de Douai, auteur de "Non-assistance à femmes en danger", publié aux éditions de l’Observatoire. Annoncé par la Première ministre en septembre dernier, c'est Isabelle Rome, ministre déléguée chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, qui a lancé ce vendredi le "pack nouveau départ" destiné aux femmes victimes de violences conjugales.
La première expérimentation de ce dispositif est prévu dans le Val-d’Oise. Il vise à aider les femmes "à s’extraire des griffes" de leur compagnon violent, selon la ministre. "C'est un pack pour une fuite organisée", dénonce le magistrat. "Ce sont les hommes qui doivent partir avant de tuer", a-t-il expliqué.
franceinfo : Que vous inspire ce nouveau dispositif ?
Luc Frémiot : Je crains une nouvelle fois que le gouvernement soit hors sujet. C'est un peu du cynisme que d'appeler ces dispositions "Pack pour un nouveau départ". C'est un pack pour une fuite organisée. C'est ça la réalité. La réalité, c'est que c'est un message que l'on passe aux victimes. On leur dit, il faut que les femmes partent avant de se faire tuer. Belle perspective. Il faudrait peut-être maintenant changer enfin de logiciel en se rappelant que si quelqu'un doit partir, ce sont les hommes qui doivent partir avant de tuer.
Que faut-il faire ?
Il faut absolument lutter contre la récidive. Et la seule manière de lutter contre la récidive, c'est bien évidemment de punir les auteurs, de les prendre en compte et de surtout permettre aux femmes de porter plainte dans de bonnes conditions et de manière systématique, qu'elles soient protégées, que des réponses soient données par les autorités de police, mais également par les magistrats. Il faut prendre ses auteurs, les sortir du domicile, les placer dans une structure fermée ou sous contrôle judiciaire, avec des psychiatres, des psychologues qui leur amènent à réfléchir sur les conditions de réitération. C'est ça le sujet aujourd'hui et ça n'est toujours pas fait. Tout l'argent part toujours vers ces dispositifs qui ont pour objet de faciliter la fuite de ces femmes qui quittent leur domicile. Je trouve ça tout à fait intolérable. C'est insupportable !
Les femmes ne sont pas suffisamment protégées par la justice ?
Une femme aujourd'hui qui est victime de violences, qu'est-ce qu'elle fait ? Elle va où ? Elle va au commissariat, elle va à la gendarmerie et là, c'est une loterie. Ou elle sera bien accueillie ou elle ne le sera pas. Ensuite, elle sera suivie par un procureur diligent ou ça ne sera pas fait. Il faut un contrôle hiérarchique. Par exemple tous les trimestres, un état de ce qui a pu être fait, le nombre de plaintes, le nombre d'enquêtes diligentées et, à quoi ces enquêtes ont abouti. Tant qu'on n’enfermera pas tous ces personnages qui interviennent dans la lutte contre les violences dans une espèce de situation qui les oblige à rendre compte, on n'y arrivera pas.
Est-ce que tout le monde au sein de la justice, de la police ou de la gendarmerie se mobilise contre les violences faites aux femmes ?
Il y a effectivement des gens qui sont très engagés, les policiers, les gendarmes ou les magistrats. Mais il y en a également qui ne le sont pas. Un contentieux de cette nature est un véritable pari pour l'avenir, parce qu'il y a des enfants qui sont souvent derrière, qui sont des petites victimes, qui sont des témoins et qui sont également indirectement impactés. On n'a pas le droit dans un contentieux aussi grave, avec des répercussions sur ces enfants, donc sur un avenir prochain, de se contenter d'une certaine partie des magistrats ou des fonctionnaires de police ou de gendarmerie qui font bien leur travail. Il faut les encadrer de manière beaucoup plus forte, de manière hiérarchique pour obtenir des résultats.
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