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Violences conjugales : comment mieux prendre en compte les suicides forcés ?

Si les féminicides sont davantage évoqués, appréhendés et suivis au quotidien, l'impact psychologique des violences conjugales reste insuffisamment pris en compte, selon les associations féministes. La question des suicides qui en découlent reste difficile à évaluer.

Article rédigé par franceinfo - Morgane Heuclin-Reffait
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2min
Une manifestante du collectif Nous Toutes à Paris, le 9 octobre 2022. (VINCENT ISORE / MAXPPP)

Combien de femmes meurent-elles à la suite de violences de leur conjoint ou ex conjoint chaque année en France ? 109, depuis début 2022, selon le collectif Nous Toutes, qui manifestait samedi 5 novembre devant le Centre Pompidou, à Paris. Mais il y a aussi celles qui n'en peuvent plus et s'ôtent la vie.

Ce phénomène doit pousser à redéfinir ce qu'est un féminicide, selon Diane Richard, une des coordinatrices de Nous Toutes : "La question du suicide forcé, c'est une question qu'on se pose beaucoup", explique-t-elle. Comment est-ce qu'on compte ce type de féminicide ? C'est extrêmement compliqué et à l'avenir, on espère aller vers une meilleure définition, une meilleure prise en compte de ça."

Manifestation du collectif Nous Toutes devant le Centre Pompidou, à Paris, le 5 novembre 2022. (MORGANE HEUCLIN-REFFAIT / RADIO FRANCE)

Cela passe par de l'information sur ce sujet "pas assez connu", selon Delphine Colin, autre militante."Je pense qu'on a vraiment un travail de sensibilisation à faire, ce n'est pas possible de continuer comme ça, d'invisibiliser cette souffrance."

200 femmes victimes de violences se suicident chaque année

Une loi existe pourtant, depuis 2020. Une personne qui harcèle son conjoint et provoque son suicide ou une tentative risque jusqu'à dix ans de prison. Fadila Nasri l'a découvert quand sa sœur Odile est morte. Après des années sans nouvelles, elle ne l'avait revue que deux jours avant. "Je l'ai vue arriver... C'était un zombie. Eteinte, toute rabougrie, tête baissée...", raconte Fadila Nasri.

"Elle a été poussée au suicide par ce harcèlement, cet enfermement, cet isolement, ce contrôle économique, de ses pensées, de ses va-et-vient."

Fadila Nasri, soeur d'une victime de violences conjugales

à franceinfo

"Il y a eu des insultes, du dénigrement, il y a des témoignages. Pour le prouver, je sais que ça ne va pas être simple", reconnait Fadila Nasri. "Parce que beaucoup de violences verbales se sont faites à huis clos. Elle a exprimé sa souffrance, mais sans jamais parler de lui directement." "Lui", c'est ce conjoint qui l'a coupée de tout pendant dix ans, selon sa sœur. Fadila a donc porté plainte, une information judiciaire est en cours.

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Parmi les difficultés, il y a la preuve du lien entre violences et suicide, mais aussi la sensibilisation de la justice. "On a besoin qu'il y ait des circulaires, des directives à l'attention des policiers et des gendarmes", estime Yaël Mellul, ex-avocate et juriste spécialisée. "Pour que eux aussi aient connaissance de l'existence de cette nouvelle infraction. On a besoin aussi de formation. Selon une estimation que nous avons faite lors du Grenelle des violences, il y a en moyenne 200 femmes qui se suicident chaque année en France en suite des violences qu'elles ont subies." Soit deux fois plus que le nombre annuel de féminicides.

Violences conjugales et suicides : reportage de Morgane Heuclin-Reffait

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