Mondiaux d'athlétisme : un bilan inquiétant pour les Bleus à un an des Jeux de Paris
Il aura fallu attendre l'ultime course des neuf jours des championnats du monde pour débloquer le compteur. Les relayeurs français du 4x400 mètres ont sauvé l'équipe de France d'un zéro pointé en décrochant l'argent, dimanche 27 août à Budapest. Malgré cette éclaircie, le bilan reste médiocre. "Même si on décroche une médaille ce soir, le bilan ne changera pas. Il est décevant. Il ne faut pas se voiler la face." Une heure avant le début de la dernière soirée de finales, la mine grave, le directeur de la haute performance Romain Barras ne cherchait pas d'excuse et tirait un constat brut de ces Mondiaux.
Comme l'an passé à Eugene (Etats-Unis), les Bleus rentrent les bagages très légers, avec une seule breloque. Alors que le nombre d'athlètes sélectionnés cette année faisait partie des plus élevés avec 56 engagés en individuel, le nombre de finalistes n'a lui jamais été aussi bas. Seulement cinq d'entre eux ont intégré le top 8 mondial, soit le plus faible total de l'histoire.
Des "lueurs d'espoir"
Au titre des "lueurs d'espoir", Romain Barras cite les hurdlers Sasha Zhoya (6e), qui a amélioré en demi-finale sa meilleure marque (13"15) et Wilhem Belocian (8e) au 110 mètres haies, Thibaut Collet brillant 5e à la perche avec un record personnel repoussé de huit centimètres, Hassan Chahdi 7e au marathon et Alice Finot, 5e du 3 000 mètres steeple, record de France à la clé.
"Pour moi, des Mondiaux réussis ce sont des athlètes qui battent leur record personnel, ou a minima leur record de la saison, ou bien pour les épreuves avec de la tactique, qu'ils améliorent leur rang mondial", fixait comme objectif Romain Barras à l'avant-veille du début des championnats. A l'heure des comptes, sur 56 engagés sur des courses individuelles, seuls 22 ont rempli le contrat fixé par le directeur de la haute performance.
"Ma plus grande déception est que les deux tiers des athlètes n'ont pas réussi à progresser au rang mondial."
Romain Barras, directeur de la haute performanceà franceinfo: sport
"Trop ont été largement en dessous de leur meilleure performance de la saison. Il y a eu un manque de combativité pour certains mais je pense qu'il y a malgré tout des espoirs pour l'année prochaine", analyse Maryse Ewanjé-Epée, consultante athlétisme pour France Télévisions. Parmi les satisfactions, Yann Schrub est allé chercher une encourageante 9e place et l'accessit de premier Européen sur le 10 000 mètres. Neuvième place aussi pour Jimmy Gressier au 5 000 mètres. Sur le 1 500 mètres, Azeddine Habz (11e) a réussi à atteindre la finale se sortant de tours piégeux en série et demi-finale.
Plonger les jeunes dans le grand bain
Invitée de dernière minute par World Athletics, Auriana Lazraq-Khlass a grimpé à une inattendue 12e place de l'heptathlon grâce à trois records personnels sur sept épreuves. Le tout frais champion d'Europe espoirs du 800 mètres Yanis Meziane (21 ans) a aussi réussi à se transcender, égalant son record personnel et échouant à un cheveu de la finale.
Pour Maryse Ewanjé-Epée, la décision d'emmener une large délégation était la bonne pour faire émerger des talents d'ici à l'année prochaine : "Il fallait leur montrer ce niveau puisque beaucoup de jeunes, et notamment des moins de 23 ans, sont champions d'Europe mais de leur catégorie d'âge. Il fallait absolument qu'ils voient ce qu'est un championnat de grands et cette claque-là, il vaut mieux qu'elle arrive cette année."
Si le bilan individuel est maigre, du côté des relais chers à Romain Barras, outre l'argent du 4x400 mètres hommes, le relais 4x400 mètres mixte a fini au pied du podium. Une place encourageante mais également une occasion manquée au vu du scénario de la course avec la chute de Femke Bol à quelques mètres de l'arrivée alors que les Pays-Bas faisaient course en tête. Les deux autres collectifs finalistes, le 4x100 mètres masculin et le 4x400 mètres féminin ont coupé la ligne d'arrivée en dernier, preuve que la route reste longue.
De nombreux blessés
Pour nuancer ce bilan loin des attentes, les contre-performances de certains Français s'expliquent par des blessures ou des méformes. "Un dixième des engagés" est arrivé sur les bords du Danube "blessé, de retour de blessure ou insuffisamment remis", selon le décompte de Romain Barras. Pour répondre à cette problématique, le directeur de la haute performance esquisse des "pistes de réflexion" : "On va essayer d'améliorer la proximité du staff médical fédéral avec les athlètes, faire en sorte d'organiser des visites de nos ostéopathes plus régulièrement sur leurs lieux d'entraînement."
A un an des Jeux olympiques de Paris, le champion d'Europe 2010 du décathlon reconnaît qu'il est difficile de "ne pas être inquiet". Mais il appelle d'abord à "ne pas fantasmer sur le nombre de médailles à Paris. On ne fera pas six ou huit médailles". "Il va falloir qu'on se repose sur des exploits que devront réaliser les athlètes français", souffle-t-il. Pour Maryse Ewanjé-Epée, des espoirs subsistent : "Les hurdlers se sont plantés sur cette compétition mais on sait que l'année prochaine ils seront toujours de potentiels finalistes. Des médailles peuvent émerger quand on a trois garçons qui sont dans les quinze meilleurs. Je pense au 110 mètres haies mais aussi au 400 mètres haies."
Pour éviter de revivre les trois bilans vierges de médailles aux JO en athlétisme, enregistrés en 1904, 1936 et 2000, la ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra a invité le président de la fédération André Giraud, le directeur technique national Patrick Ranvier et Romain Barras à "une réunion de travail" mardi 29 août, avec Claude Onesta, manageur du haut niveau à l'Agence nationale du sport.
Parmi les pistes envisagées pour rectifier le tir, Romain Barras souhaite "consolider l'accompagnement à la performance", mis en place depuis septembre 2022. "On a comblé un retard de plus de dix ans en quelques mois", rappelle-t-il. Autres solutions envisagées, "la confrontation au quotidien" et "l'émulation entre les athlètes". Les Mondiaux refermés, le compte à rebours pour Paris 2024 est désormais lancé. En guise de répétition, une dernière échéance attend les Bleus : les championnats d'Europe à Rome début juin 2024.
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