: Reportage Mondiaux d'athlétisme : vélo, bain froid, massage... On a suivi la récupération d'Amandine Brossier après sa série du 400 mètres
Cinquante-deux secondes d'un effort violent. Pour la troisième fois en moins de 24 heures, Amandine Brossier a senti le lactique envahir ses jambes sur le tour de piste. Après avoir décroché une quatrième place avec ses coéquipiers du relais 4x400 mètres mixte samedi 19 août, l'Angevine a été éliminée des séries du 400 mètres individuel dimanche matin, aux championnats du monde à Budapest (Hongrie). Une fois la ligne franchie, une autre course s'engage, celle de l'optimisation du temps de récupération. Encore essouflée, la cheffe de file du 400 mètres tricolore féminin gravit les marches pour accéder à la zone dédiée aux médias. La traverse, puis rejoint le pont qui relie l'enceinte de la compétition au stade d'échauffement.
Accompagnée de membres de l'encadrement tricolore, les yeux rougis, Amandine Brossier pénètre alors dans la tente des Bleus. Comme la majorité des autres nations, l'équipe de France dispose d'un espace consacré à la récupération de ses athlètes. Un alignement de tentes blanches où des drapeaux annoncent le nom de l'hôte. Tandis que Wilfried Happio passe dans les mains d'un kiné avant sa série du 400 mètres haies sur l'une des deux tables de massage disponibles, la Française grimpe sur un des quatre Wattbike, un vélo d'intérieur. A 10h20, une demi-heure après sa course, les minutes comptent : "L'objectif est de faire baisser l'acidité sanguine le plus vite possible. En augmentant le travail du corps, on fait entrer de l'oxygène pour diminuer cette acidité", éclaire Emmanuel Huruguen, responsable des relais 4x400 mètres.
Un protocole individualisé
Le visage fermé, Amandine Brossier pédale sous le regard d'Hugo Maciejewski, en charge avec Bertrand Valcin de la cellule d'optimisation de la Fédération française d'athlétisme, lancée en septembre 2022. Après avoir enfilé une paire de gants blancs, le spécialiste prélève avec un petit appareil bleu une goutte de sang sur un doigt de la Tricolore pour contrôler sa concentration sanguine en acide lactique. "Au début de chaque échauffement, on contrôle le taux de lactate pour ensuite décliner le protocole le plus adapté."
Juchée sur le vélo, Amandine Brossier accélère la cadence, tout en échangeant avec Gilles Biron, son coéquipier qui a lancé le relais mixte samedi, puis avec Sounkamba Sylla, sélectionnée sur le 4x400 mètres féminin. Son visage se détend, son sourire revient. Pendant une quinzaine de minutes, la Française fait tourner les jambes et absorbe le contenu de sa boisson de récupération, à la couleur jaune pâle, puis bascule sur de l'eau plate.
"J'ai déjà bu un litre", fait-elle savoir, alors que la chaleur hongroise accable les organismes. "Arrête un peu", conseille Hugo Maciejewski. "L'organisateur fournit des bouteilles d'eau plate et gazeuse dans des distributeurs. Nous, on les sort des frigos avant car tout le monde pense à tort que l'eau fraîche désaltère, alors qu'elle est responsable de maux gastriques", poursuit le membre de la cellule d'optimisation de la performance.
Après son passage sur le vélo, tenue de compétition sur le dos mais baskets de course classique aux pieds, la Tricolore se dirige vers le stade d'échauffement où des enceintes crachent de la musique électronique. Et d'où aussi s'entendent le coup de feu des départs et les vivats de la foule. Sous un soleil de plomb, Amandine Brossier alterne course et marche durant quelques minutes sur la pelouse, un terrain souple pour préserver son corps.
Immersion redoutée dans un bain à 10°C
Du vélo, un footing et pour finir un bain. Souvent redouté des athlètes, le passage dans le bain froid est capital. "Certains s'interrogent encore sur son utilité. Notre objectif n'est pas de les inciter, mais vraiment de les convaincre", appuie Hugo Maciejewski. Pour la première fois, la Fédération a transporté du matériel exclusivement réservé à l'optimisation de la performance, comme ces deux piscines gonflables positionnées au fond de la tente. A droite, le bain frais de "pre-cooling", chauffé à 19-21°C et destiné à la période d'avant épreuve. A gauche, le bain froid, de 10 à 12°C.
Alors qu'elle était prête à quitter la tente, Amandine Brossier se fait rappeler à l'ordre par Emmanuel Huruguen : "On ne zappe pas la récupération. Allez, vas-y cinq minutes". A 10h45, l'athlète aux cheveux blonds ramenés en tresses s'assoit alors d'abord sur le boudin en plastique de la piscine, les jambes dans l'eau. Puis glisse délicatement, en soufflant fort, le visage crispé, tant le froid saisit. "Waouh", lâche-t-elle une fois immergée jusqu'à la poitrine. "Ils viennent s'immerger huit à dix minutes pour diminuer la température centrale. Cela permet de stimuler le système nerveux parasympathique pour revenir le plus vite possible aux conditions proches du repos pour favoriser la récupération et se mettre aussi dans des conditions de sommeil", précise Hugo Maciejewski.
Pour la cellule d'optimisation de la performance, ces Mondiaux à Budapest servent aussi de répétition générale avant Paris 2024. "On va prendre le maximum d'informations pour pouvoir corriger le tir." Avec dans le viseur les Mondiaux en salle à Glasgow et les championnats d'Europe à Rome pour mener les derniers réglages.
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