Marathon : les Français progressent, mais pas autant que le niveau mondial
Bien aidé par les chaussures à plaque carbone et une saine émulation, le marathon français connaît aujourd’hui une densité inédite, même s'il reste encore à distance des meilleurs.
Vingt ans de disette française. Le marathon de Paris n'a plus connu de vainqueur tricolore depuis Benoît Zwierzchiewski et ses 2h08'18'' sur l'édition 2002. Dimanche 3 avril, les chances de voir un Français s'imposer sur les pavés parisiens seront encore une fois minimes, pour ne pas dire inexistantes. Le meilleur d'entre eux demeure à quatre minutes du temps du vainqueur de l'édition 2021.
Pourtant, depuis trois ans, le marathon français masculin connaît une embellie, avec six coureurs sous les 2h09'30'' : Hassan Chahdi, Nicolas Navarro, Mehdi Frère, Morhad Amdouni, Yohan Durand et Benjamin Choquert. Souvent gêné par des crampes en fin de course, l'ancien vice-champion d'Europe du 1 500m, Florian Carvalho, possède, lui, un record à 2h10'22''.
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Le 20 février, sur le parcours ultra roulant de Séville, Hassan Chahdi et Nicolas Navarro ont même longtemps couru sur les bases du record de France de "Benoît Z" – 2h06'36'', établi à Paris en 2003 – avant de faiblir et de finir respectivement en 2h08'11'' et 2h08'29''. Une densité jamais vue qui pourrait offrir aux Bleus un podium par équipes aux championnats d'Europe d'athlétisme en août à Munich.
L'effet carbone...
Comme leurs homologues du monde entier, les Français bénéficient des effets révolutionnaires des chaussures à plaque carbone. En absorbant mieux les chocs, l'équipement réduit la fatigue. De quoi augmenter, avec un moindre risque de blessure, le kilométrage à l'entraînement et ainsi optimiser les performances en compétition. Les propriétés techniques des chaussures améliorent également le renvoi d'énergie. "Lorsqu'il a réalisé 2h09'21'' à Paris en octobre 2021, Yohan Durand a été très honnête : il a parlé de deux minutes gagnées. Moi, je crois que le gain peut aller jusqu'à quatre minutes. Donc des garçons qui couraient en 2h13 passent désormais sous les 2h10", estime Dominique Chauvelier, quadruple champion de France de marathon au début des années 90.
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Ce dernier voit aussi dans la densité actuelle une conséquence de la "quasi disparition" des épreuves de 10 000 mètres sur piste : "Les coureurs montent plus vite sur le marathon". "Et puis, pour espérer gagner de l'argent, signer des contrats d'équipements avec des sponsors, il faut être sur cette distance car elle seule fait rêver les marques", ajoute le médaillé de bronze aux championnats d'Europe de Split en 1990.
... et l'effet de groupe
La nouvelle génération de marathoniens français profite aussi d'un bienfait bien connu des coureurs kényans : l'émulation. "À première vue, je dirais que la densité n'a pas d'impact car je pratique un sport individuel, reconnaît Hassan Chahdi. Chacun se fixe des objectifs par rapport à ses propres capacités. Mais en course, quand je suis avec d'autres Français, comme on se connaît et qu'on est des compétiteurs, la densité nous tire vers le haut. Elle nous fait revoir nos objectifs : quand on voit untel faire tel chrono, on se dit qu'on peut y arriver aussi."
Pour tirer profit de cet esprit de compétition – et faire en sorte qu'il reste sain –, la Fédération française d'athlétisme (FFA) a mis en place, depuis peu, un collectif. "On les a réunis il y a deux ans, car ils avaient des choses à régler entre eux. On leur a rappelé qu'on attend d'eux d'être propres et qu'on veut toujours savoir où ils sont et avec qui", détaille Olivier Gui, directeur technique national adjoint chargé du running d'avril 2019 à février 2022, en faisant référence à une époque où le marathon français était englué dans des affaires de dopage. Les performances des uns suscitaient alors la suspicion des autres. L'arrivée sur le devant de la scène de Nicolas Navarro, ancien cycliste prometteur mais pas issu du giron fédéral, a pu, par exemple, faire polémique chez des coureurs passés par le circuit classique de l'athlétisme, du cross à la piste.
"La dynamique collective est la clé du succès"
Depuis, quelques rares rassemblements ont été organisés à Saint-Jean-de-Monts, en Vendée. Compétiteur, Hassan Chahdi préfère que les stages fédéraux soient organisés à distance des échéances, pour éviter toute pression toxique entre adversaires. "L'ambiance est plus détendue. On peut jouer sur l'effet de groupe pour réaliser des entraînements de qualité. Et puis, c'est agréable de ne pas toujours être seul."
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Force est de constater que les marathoniens évoluent encore sur une logique individuelle, chacun dans leur coin avec leur coach. "Mais on sent que la dynamique collective existe. Elle est en train de se mettre en place. C'est la clé du succès", pense Olivier Gui. Même certitude chez Stéphane Diagana, consultant France Télévisions : "On sait que le travail de groupe sert les coureurs kényans. S'entraîner seul, dans la durée, c'est compliqué. Il faut renforcer cet aspect collectif, c'est capital."
Recul dans la hiérarchie mondiale
Paradoxalement, si la France n'avait jamais connu pareille densité chez les hommes, "les meilleurs Français ont reculé au classement mondial car la discipline s'est densifiée plus vite", constate Stéphane Diagana. Ainsi, en 2021, 135 athlètes ont couru sous le record d'Hassan Chahdi, 65 en 2011 et seulement 13 en 2001.
"2h07 ou 2h08, c'est un minimum pour exister dans les grands marathons. On a encore un décalage de deux ou trois minutes par rapport aux meilleurs, souligne le consultant de France Télévisions. Mais on peut espérer que, de cette densité, sorte un gros chrono." Avec un record encore raboté d'une à deux minutes, les courses tactiques de championnat pourraient alors sourire à un Tricolore. Mais la marche risque de rester trop haute sur les marathons de premier plan.
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