Oscar Pistorius peine à convaincre de son innocence
Après cinq jours d'interrogatoire par le procureur, Oscar Pistorius maintient qu'il a tué sa petite amie sans en avoir l'intention.
Plus d'un an après les faits, après plusieurs semaines de procès, la version d'Oscar Pistorius n'a pas changé. Pendant son interrogatoire à la barre, qui s'est achevé mardi 15 avril, l'athlète handisport sud-africain a répété inlassablement qu'il a abattu sa petite amie, la veille de la Saint-Valentin 2013, sans en avoir l'intention.
Une version des faits à laquelle il s'accroche, malgré les contradictions pointées par le procureur. Avant la suspension du procès pour quelques semaines, jeudi 17 avril, francetv info résume la ligne de défense de l'accusé et les failles révélées par les audiences.
"Nous étions profondément amoureux"
"Nous ne pouvions pas être plus heureux", a assuré Oscar Pistorius quelques jours à peine après la mort de sa petite amie, la jeune mannequin Reeva Steenkamp. L'athlète explique que ce fameux 13 février 2013, Reeva lui propose un dîner tranquille, vers 19 heures. Ils terminent ensuite la soirée dans leur chambre. Elle fait un peu de yoga, il regarde la télévision. Le couple se couche vers 22 heures. "Elle m'avait fait un cadeau mais tout en me disant que je ne pourrai l'ouvrir que le lendemain", a-t-il précisé devant la cour.
Ce qui pose problème. Le procureur en charge du procès, Gerrie Nel, ne croit pas à ce tableau idyllique. Fin mars, il a présenté au tribunal des messages échangés avec la jeune femme peu avant sa mort. Si "90%" des textes sont des mots d'amour, ils révèlent également le côté possessif et jaloux d'Oscar Pistorius. "Parfois j'ai peur de toi, comment tu me parles et comment tu réagis", écrivait notamment Reeva Steenkamp dans un long message.
L'autopsie, elle, ne concorde pas avec la chronologie de la soirée présentée par Oscar Pistorius. La jeune femme avait les restes d'un repas dans son estomac. Si elle a mangé à 19 heures, comme l'affirme le coureur sud-africain, la digestion aurait été achevée au moment de sa mort. "Madame le juge, je ne peux pas commenter car la seule chose que je sais est que nous avions dîné vers 19 heures. Je ne veux pas discuter ce point", a répondu Oscar Pistorius lorsqu'il a été interrogé sur cette question.
Autre point litigieux : un expert en téléphonie mobile a également assuré au cours du procès qu'Oscar Pistorius a surfé sur internet le soir du meurtre. Il a notamment consulté le site pornographique "Free mobile porn" sur son iPad vers 18h30, ainsi que des sites de vente de voitures d'occasion. L'historique de consultation avant le 13 février a été effacé. Le parquet a jugé ces activités "en contraste direct avec celle d'un couple aimant passant du temps ensemble".
Enfin, des voisins ont déclaré avoir entendu des cris de femme juste avant les coups de feu. Autant d'arguments pour le procureur, qui privilégie la thèse d'une dispute qui a mal tourné.
"J'ai cru qu'elle était un cambrioleur, j'ai tiré sur elle"
Toujours selon sa version, Oscar Pistorius se réveille au beau milieu de la nuit à cause de la chaleur et aperçoit les ventilateurs en marche sur le balcon. Il se lève pour aller les récupérer avant de fermer la porte et les rideaux.
C'est alors qu'il entend la fenêtre de la salle de bain bouger et croit qu'il s'agit d'un cambrioleur. Il affirme alors avoir attrapé son pistolet, demandé à Reeva - qu'il pensait être encore au lit - d'appeler la police, crié aux "intrus" de partir et s'être dirigé vers la salle de bain. "Tu dégages de ma putain de maison", a lancé Oscar Pistorius en revivant la scène lors de son procès.
Le champion paralympique entend au même moment la porte des toilettes claquer. Pris de panique, il tire dessus à quatre reprises. Reeva, de l'autre côté de la porte, est touchée par trois balles, à la tête, au coude et à la hanche. A 4h15, la police arrive sur les lieux avec une ambulance et découvre la jeune femme morte. "Je n'avais pas l'intention de tuer Reeva", a répété Oscar Pistorius, qui explique avoir "fait une erreur".
Ce qui pose problème. "M. Pistorius, votre version est si improbable qu'elle ne peut raisonnablement être vraie". Le procureur est très sûr de son fait. Pendant cinq jours, il a pointé les incohérences de la version d'Oscar Pistorius. Gerrie Nel a notamment interrogé le jeune athlète sur la présence du jean de Reeva sur le sol alors que la jeune femme était très méticuleuse. Il a relevé que les claquettes de Reeva ne se trouvaient pas du côté du lit où elle a dormi. Tous ces éléments laissent penser au procureur que le couple était éveillé, que Reeva voulait s'en aller et qu'il y a eu dispute.
Beaucoup plus gênant pour la défense d'Oscar Pistorius : le champion handisport a brusquement changé de version sous la pression de l'interrogatoire du procureur. Alors qu'il clamait depuis le départ avoir tiré parce qu'il croyait se protéger d'un cambrioleur, c'est-à-dire en état de légitime défense, Oscar Pistorius a affirmé avoir tiré par accident. Il n'aurait pas "visé la porte", c'est son arme qui était pointé vers elle alors qu'il cherchait à "comprendre la situation". "Avez-vous tiré sur ce que vous perceviez être un attaquant ?", lui a demandé Gerrie Nel. Pistorius a répondu : "Non, j'ai tiré sur la porte"
Oscar Pistorius était bien sur ses moignons lorsqu'il a tiré. C'est l'un des rares éléments sur lequel la défense et l'accusation sont d'accord. Les expertises balistiques l'attestent. Le coureur base en grande partie sa défense sur le fait que, privé de ses prothèses, il se sentait particulièrement vulnérable.
"J'ai pensé que je devais m'armer et protéger Reeva"
Dès le début du procès, Oscar Pistorius est revenu sur le climat de violence dans lequel il a grandi : les cambriolages étaient très fréquents dans le pays. "Mon père n'était pas souvent là (...) Ma mère conservait une arme à feu dans une housse rembourrée sous son oreiller", a-t-il raconté. Il a également évoqué "des membres de sa famille agressés et séquestrés" et le cambriolage dont il a été victime en 2005.
Le père d'Oscar, Henke Pistorius, avait justifié la présence d'armes à feu chez son fils dès le mois de mars 2013 : "Vous ne pouvez pas compter sur la police, non pas parce qu'ils sont toujours inefficaces, mais parce que la criminalité est très importante." Au moment des faits, Oscar Pistorius vivait d'ailleurs dans un quartier très sécurisé, entouré de clôtures électriques et surveillé par des vigiles.
Ce qui pose problème. Si Oscar Pistorius insinue que le climat d'insécurité a pu influencer sa manière d'agir, le procureur s'est employé à montrer que le sportif était aussi obsédé par les armes. Il était notamment un habitué des stands de tir, comme l'a montré une vidéo diffusée par le procureur au tout début de son interrogatoire. On y voit un groupe tirer sur des pastèques. Une voix qui semble être celle de Pistorius commente : "C'est plus mou qu'un cerveau humain". Ses tweets disent également sa passion pour les armes à feu.
Spent the afternoon at the Tormezzo Italian Shooting range. Had a 96% headshot over 300m from 50shots! Bam! http://t.co/5z5x0rPZ
— Oscar Pistorius (@OscarPistorius) November 28, 2011
Deux incidents impliquant une arme à feu ne plaident pas non plus en sa faveur. En septembre 2012, il avait tiré pour se défouler à travers le toit ouvert de la voiture décapotable d'un ami, après avoir subi un contrôle de police tendu.
En janvier 2013, quelques semaines avant qu'il ne tue Reeva, c'est dans un restaurant qu'Oscar Pistorius avait actionné une arme qu'on lui avait passé sous la table et qu'il croyait déchargée. La balle avait manqué de justesse le pied d'un des convives. Après s'être excusé, Oscar Pistorius aurait demandé au propriétaire de l'arme d'endosser la responsabilité du tir. "S'il te plaît, dis que c'était toi, il y a trop de médias à mes trousses", a-t-il dit, selon les propos rapportés par le témoin.
Le procès sera suspendu jusqu'au 5 mai. La fin du procès est prévu pour le 16 mai mais le verdict pourrait être rendu plus tard. Oscar Pistorius risque jusqu'à 25 ans de prison.
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