Cyclisme : Patrick Lefevere, un départ de la Quick-Step après deux décennies à sa tête et près de 1 000 victoires

La fin d'une époque. Après 45 ans dans l'encadrement d'équipes cyclistes, Patrick Lefevere va prendre du recul. Le Flamand, qui fêtera ses 70 ans en janvier, sera remplacé par Jurgen Foré à la tête de l'équipe Soudal Quick-Step, son "beau bébé de 23 ans", a annoncé la formation belge, mardi 10 décembre.

En tant que manager puis PDG de sa formation, l'ancien coureur, à la courte carrière professionnelle, aura célébré près de 1 000 victoires en tant que manager avec notamment 22 Monuments et 124 étapes de Grands Tours grâce à la création d'un collectif solide et soudé qui a pris ces dernières années un surnom : le "Wolfpack", soit la meute de loups.

La nouvelle est marquante tant Quick-Step et Patrick Lefevere paraissent indissociables dans le paysage cycliste. Pour cause, le Belge est à l'origine de l'équipe, créée en 2003 après le désengagement de Mapei, groupe italien d'une équipe éponyme. Après avoir trouvé un sponsor-titre qui l'a suivi jusqu'au bout de sa carrière, il a emmené dans ses bagages plusieurs coureurs et directeurs sportifs. 

Un héritage de philosophie également, puisque comme Mapei, Quick-Step deviendra l’équipe reine des classiques grâce notamment à Tom Boonen, Philippe Gilbert ou encore Niki Terpstra. En 20 ans, la formation belge a remporté ainsi tous les Monuments, et ce à plusieurs reprises, avec trois Milan-San Remo, huit Tours des Flandres, six Paris-Roubaix, trois Liège-Bastogne-Liège et deux Tours de Lombardie. Une doctrine qui couronnera plusieurs fois la formation comme la plus victorieuse de la saison, avec en point d'orgue l'exercice 2018 forte de 73 succès.

Une gestion proche des coureurs, avec des excès

"Il savait motiver les coureurs et créait une ambiance de groupe parfaite. C'est ce qui caractérisait Patrick Lefevere en tant que personne. Il n'était pas toujours facile, mais il faisait ressortir le meilleur de chacun", a souligné Johan Museeuw, vainqueur de six Monuments sous les ordres du Flamand, à l'agence de presse Belga. "C'était comme un père dans le cyclisme", ajoute le champion du monde 1996.

Une gestion en père de famille avec ses proximités et ses tensions, à l'image de sa dernière année avec celui qui fut l'un de ses poulains : Julian Alaphilippe. Le Français, qui a fait toutes ses classes professionnelles avec cette équipe, a beaucoup gagné en classiques et a porté le maillot jaune sur le Tour de France 18 jours en cumulé, quitte le giron Quick-Step fin 2024 en froid avec son manager de toujours après des attaques de ce dernier sur sa vie privée. 

"C’est un patron parfois dur mais il est généreux quand on le respecte et qu’on ne lui fait pas de coups bas. Quand j’ai décidé de partir, il m’a répondu, que de toute façon, il ne comptait pas me garder !"

Florian Sénéchal, passé de Soudal Quick-Step à Arkéa-B&B Hotels

à la RTBF en mars 2024

Patron de l'équipe reine des classiques, Patrick Lefevere s'est de plus en plus tourné vers les grands tours avec l'objectif de remporter le classement général. Si Julian Alaphilippe a tenu le maillot jaune jusqu'à la 19e étape de la Grande Boucle 2019, c'est Remco Evenepoel qui a réussi le pari de ramener un premier titre de cette envergure à la formation belge, avec sa victoire sur la Vuelta 2022. Nouvelle coqueluche de son manager, le double champion olympique a fini de faire évoluer la mentalité de son collectif.

Un changement de philosophie avec Remco Evenepoel

"Quand je suis arrivé, l’ADN était clairement identifié : les sprints et les classiques. Mais depuis quelques temps, il y avait moins d’investissements dans ces deux domaines pour tout miser sur Remco… Ce que je peux comprendre car il est capable de gagner un jour le Tour de France", observait Florian Sénéchal, ancien fer de lance des succès en classiques de Quick-Step, au micro de la RTBF début mars.

Si la philosophie de Patrick Lefevere a évolué, notamment du fait de l'éclosion d'un talent comme Evenepoel, sa propension à défendre son équipe n'a pas bougé. Prêt à porter plainte contre Dylan Groenewegen, responsable de la chute impressionnante de Fabio Jakobsen, plongé dans le coma en août 2020, le PDG de la Quick-Step s'était, en 2023, finalement rangé à l'avis de ses coureurs pour éviter une fusion aux allures d'absorption avec l'équipe Jumbo-Visma.

Fatigué par l'âge et la recherche incessante de financements nécessaires à la survie des formations modernes, il passe la main à Jurgen Foé, qu'il a choisi l'an dernier pour l'épauler avec, en ligne de mire, sa succession. Patrick Lefevere conservera une place de membre honoraire du conseil d'administration. Son conseil et sa relation avec les coureurs pourraient également être mis à profit par son successeur. Le dresseur continuera à murmurer à l'oreille de ses loups.