Propos de Gérard Depardieu sur l’équitation : "Beaucoup d’hommes font un raccourci entre équitation et pratique sexuelle", raconte une cavalière

Les remarques sexistes et sexuelles sur les femmes et l’équitation de Gérard Depardieu, dévoilées dans "Complément d’enquête", entrent dans un cadre plus global de sexualisation de ce sport et des cavalières.
Article rédigé par Sasha Beckermann, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5min
Une jeune fille marche dans un centre-équestre à Le Perray en Yvelines le 20 mai 2020. (DANIEL DERAJINSKI / HANS LUCAS)

"Les femmes adorent faire du cheval, lance-t-il. Elles ont le clito qui frotte sur le pommeau de la selle. (...) C’est des grosses salopes, ça. (...) Si jamais il galope, elle jouit." Si les propos de Gérard Depardieu, rapportés dans le Complément d’enquête diffusé le 7 décembre dernier, ont choqué parce qu'une de ces remarques s'adressait à une petite fille d'une dizaine d'années, ils s’inscrivent dans un courant beaucoup plus large de sexualisation permanente de l’équitation et surtout des cavalières. De nombreux mythes, idées reçues, remarques sexistes, entourent encore ce sport. Les jeunes filles et femmes qui le pratiquent en sont les premières victimes.

"'Tu as l’habitude d’écarter les jambes', ou le fameux 'Ça t’arrive de jouir quand tu montes ?'... La liste est longue. En 30 ans d’équitation, j’en ai entendu", nous confie Marie, cavalière amateure, plus lassée qu’en colère. "Depuis des années, on entend couramment ce genre de clichés quand on est cavalière. Je ne vais pas dire que ça ne me choque pas, mais on en entend tellement qu'on ne les relève plus."

Les raccourcis faciles entre équitation et sexe

"La perversité de Gérard Depardieu est commune à beaucoup d’hommes qui font un raccourci entre l’équitation et une pratique sexuelle”, analyse Anoush, 30 ans et à cheval depuis qu’elle sait marcher. Elle aussi a reçu “beaucoup de remarques et d’avances déplacées” et ce, dès le collège, comme "Chevauche moi", "J’ai entendu dire que les cavalières sont des grosses cochonnes…", "Tu veux me fouetter avec ta cravache ?", énumère-t-elle.  "L’équitation est un sport rempli de clichés autour du sexe. Au collège, déjà, on me disait que je n’étais plus vierge car je faisais de l’équitation, ou des 'Elle doit aimer le sexe car elle aime monter à cheval'", abonde Isis, 21 ans. 

La perte de la virginité en faisant de l’équitation est un mythe durable et nourrit la confusion entre deux notions distinctes : la virginité et l’hymen. L’hymen, membrane à l’entrée du vagin, peut effectivement être déchiré lors de certaines pratiques sportives dont l’équitation, confirme l’Institut de recherche du bien-être de la médecine et du sport (IRBMS). La virginité, elle, est seulement le fait de ne jamais avoir eu de rapport sexuel et relève plus de la morale. 

"On me disait : 'Rien de plus excitant qu’une femme qui sait y faire au pieu', alors que je disais simplement que je montais à cheval."

Isis, 21 ans, cavalière

à franceinfo: sport

Les tenues moulantes que portent les cavaliers et cavalières, l’utilisation de la cravache, les éperons, les mouvements du bassin qui accompagnent l’allure du cheval, ou même juste le saut d’obstacle, l’une des disciplines du sport… Tout ou presque, peut être prétexte à des remarques sexistes et sexuelles lorsqu’il s’agit d’équitation. "Je devais avoir 14 ans, j’avais mis une photo de moi sur Skyblog en train de sauter un obstacle. Et il y avait un mec qui m’envoyait des commentaires salaces", se souvient Emeline, cavalière occasionnelle. "Je me rappelle aussi d’un cours : il y avait une cavalière qui avait des difficultés au trot assis, elle rebondissait et ça faisait marrer les gens du genre : 'Elle passe un bon moment'", ajoute-t-elle. 

"Je pense que toutes ces remarques viennent de légendes urbaines qui sont tenaces, mais aussi beaucoup de la pornographie où on peut retrouver des accessoires/matières similaires comme le cuir, la cravache, les bottes…", avance Anoush. "Chevaucher", "étalon"... La pornographie s’est nourrie de termes utilisés en équitation. Les liens entre équitation et sexe, allant même jusqu'à l'orientation sexuelle, sont inexistants mais persistants dans l'imaginaire collectif des non-cavaliers. 

Les réseaux sociaux n’y échappent pas. Sur Tik Tok, les vidéos d’adolescents, parfois très jeunes, qui détaillent de manière plus ou moins implicites pourquoi il faut être en couple avec une cavalière ou un cavalier sont nombreuses. Et même certains sites internet tombent facilement dans le cliché a minima sexiste comme Topito qui dans son "Top 10 des bonnes raisons de sortir avec une cavalière, une vraie", mentionne : "Elle a une cravache. Vous avez bien lu. Une cravache. Et dans l’intimité, elle vous appelle 'mon étalon'".

Contactée, la Fédératation française d'équitation (FFE) - troisième de France en nombre de licenciés - n'observe "pas du tout de phénomène d'hypersexualisation des cavalières". Et justifie : "Au contraire, l'égalité homme/femme est largement intégrée par les pratiquants, que ce soit dans les clubs où la mixité dans les cours ne pose pas de problème, ou dans le sport de haut niveau où cavalières et cavaliers s'affrontent sur un pied d'égalité.

Sauf que, selon les personnes interrogées, la majeure partie des commentaires proviennent d'individus extérieurs à l'équitation, qui ne le pratiquent pas, ou ne l'ont jamais pratiqué. Pour la FFE, "pour des personnes avec ce genre de pensées déviantes, tout est prétexte à la sexualisation des femmes, pas seulement la pratique de l'équitation".

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