L'article à lire pour comprendre l'affaire Platini-Blatter
Alors que le tribunal arbitral du sport statue sur la suspension qui frappe le président de l'UEFA, francetv info reprend cette affaire point par point.
C'est une décision cruciale pour l'avenir de Michel Platini. Alors que les scandales de corruption s'enchaînent au sommet du foot mondial, le tribunal arbitral du sport (TAS) a décidé, vendredi 11 décembre, à Lausanne (Suisse), de maintenir la suspension du président de l'UEFA jusqu'au 5 janvier 2016, l'empêchant éventuellement de postuler à l'élection à la présidence de la Fifa. Pour tenter d'y voir un peu plus clair dans cette affaire qui en cache d'autres, francetv info respire un grand coup et répond aux questions basiques sur ce dossier nébuleux.
Michel Platini, c'était pas une ancienne gloire du foot ?
Si, mais pas seulement. Avant Messi et Ronaldo, avant Zidane et Cantona, Michel Platini a effectivement été un des meilleurs joueurs du monde, récompensé de trois Ballons d'or entre 1983 et 1985. Les fameux coups francs de "Platoche", numéro 10 de l'équipe de France et de la Juventus de Turin, sont notamment restés gravés dans les mémoires.
Mais une fois les crampons rangés, dès 1992, il a revêtu un costume-cravate pour travailler dans les institutions du foot. Coprésident du comité d'organisation du Mondial 98 en France, il intègre en 2002 le comité exécutif de l'UEFA, dont il devient président en 2007. En Suisse, il représente également depuis 2002 l'Europe au comité exécutif de la Fifa, dont il vise aujourd'hui la présidence.
Que lui reproche-t-on exactement ?
En 1998, Sepp Blatter et Michel Platini sont très bons amis. Le Suisse, fraîchement élu président de la Fifa, propose au Français un poste de conseiller spécial, moyennant un salaire d'un million de francs suisses par an. La mission s'achève en 2002, sans que Platini ait touché l'intégralité de sa rémunération. Des années plus tard, en 2011, il envoie une facture à Sepp Blatter, qui lui verse le solde restant : 2 millions de francs suisses, soit 1,8 million d'euros.
Fin septembre 2015, la justice suisse ouvre une enquête visant les deux hommes pour abus de biens sociaux et abus de confiance. La date du versement de ce solde, mars 2011, soit quelques mois avant la troisième réélection de Sepp Blatter à la présidence de la Fifa, pose question aux enquêteurs, qui soupçonnent un "paiement déloyal", c'est-à-dire le versement d'un pot-de-vin, entre les deux hommes.
Et Sepp Blatter, c'est pour ça aussi qu'il est suspendu ?
Entre autres. Depuis que la justice américaine et la justice suisse ont entamé une immense enquête sur des soupçons de corruption à grande échelle, Sepp Blatter est au centre du séisme qui secoue la planète football. En plus de cette enquête sur la rémunération de Platini, le président de la Fifa est aussi visé dans une affaire d'attributions douteuses de droits télé au sulfureux Jack Warner, dirigeant américain de la Fifa en passe d'être extradé aux Etats-Unis.
C'est d'ailleurs dans le cadre de ces investigations précédentes que l'affaire de la rémunération de Michel Platini a été mise au jour. C'est donc sa grande proximité avec Sepp Blatter, qui voyait autrefois Michel Platini comme "son successeur", que paye aujourd'hui l'ancien joueur français.
Et ils risquent quoi ?
Le 8 octobre, face à ces accusations, la commission d'éthique de la Fifa a suspendu Michel Platini et Sepp Blatter de toute activité dans le football pour 90 jours. Cette mesure entraîne une première conséquence fâcheuse pour l'ancien numéro 10 des Bleus : le 20 octobre, la Fifa a refusé d'enregistrer la candidature du Français à l'élection du président de l'institution, prévue le 26 février.
Mais une sanction beaucoup plus lourde attend peut-être les deux hommes : la chambre d'instruction de la Fifa a requis une radiation à vie du monde du football à leur encontre. La décision finale doit être rendue avant Noël par la chambre de jugement de l'institution.
Sur le plan judiciaire aussi, les deux dirigeants restent sous la menace de la procédure ouverte par la justice suisse fin septembre. Sepp Blatter a été entendu en qualité de "prévenu" alors que Michel Platini a été auditionné par la police non pas comme témoin, mais en tant que "personne appelée à donner des renseignements". Un statut juridique qui ne dédouane pas le Français puisque, comme l'explique Le Monde, il concerne une personne qui "pourrait s’avérer être soit l’auteur des faits à élucider ou d’une infraction connexe, soit un participant à ces actes".
Mais Platini a vraiment travaillé pour la Fifa, non ?
C'est ce qu'affirment Michel Platini et Sepp Blatter. Le Français explique qu'en 1998, les deux hommes ont conclu un simple accord verbal pour entériner leur collaboration et la rémunération de Platini. L'absence de contrat écrit et de traces de paiement de salaires avant 2011 dans la comptabilité de la Fifa pousse les enquêteurs à soupçonner l'existence d'un système de corruption et d'un emploi fictif. D'autant que, pendant sa mission, Michel Platini résidait à Paris, alors que le siège de la Fifa se situe à Zürich, en Suisse.
Dimanche 6 décembre, Le JDD a révélé l'atout que les avocats de Michel Platini gardaient dans leur manche : non pas un contrat écrit, mais une note interne de la Fifa datée de novembre 1998, distribuée à l'époque à tous les membres du comité exécutif de l'institution. Il y était clairement indiqué que Platini allait devenir conseiller du président Blatter, moyennant un salaire annuel d'un million de francs suisses.
Ce document n'efface pas pour autant les accusations relayées par Domenico Scala, président de la commission d'audit de la Fifa, qui dénonce "une falsification des comptes" et "un conflit d'intérêts" : "Ce qu'on oublie un peu vite, c'est que les deux parties dans cette transaction [Platini et Blatter] étaient membres du Comité exécutif de la Fifa quand le paiement est intervenu [en 2011]. Donc, les deux étaient dans un conflit d'intérêts et auraient dû se récuser."
Et pourquoi Platini comparaît-il devant le tribunal arbitral du sport ?
Après sa suspension provisoire, Michel Platini avait vu son appel contre cette décision être rejeté par la Fifa. En dernier ressort, il a donc décidé de saisir le tribunal arbitral du sport pour contester sa suspension. Le TAS a en effet autorité pour arbitrer tout conflit juridique lié au monde sportif.
L'ancien meneur de jeu a donc été entendu mardi 8 décembre à Lausanne, devant cette juridiction, avec l'espoir de mettre fin à sa suspension et de vider de son sens la procédure de la Fifa qui le menace de radiation à vie. "Vous savez que je n'aime pas les injustices, a-t-il déclaré à la sortie de l'audience. J'espère qu'on m'a bien entendu." Si le Français s'est montré optimiste, c'est parce que le TAS est un organe totalement indépendant, qui n'est pas soumis aux pressions qui secouent le monde du foot.
Le camp Platini suspecte en effet la Fifa de mener une "instruction uniquement à charge" et d'"organiser une stratégie délibérée et inadmissible de retardement de la campagne de Michel Platini pour la présidence de la Fifa".
Mais qui en veut à Michel Platini ? Sepp Blatter ?
Difficile à dire. On pourrait évidemment penser que Sepp Blatter est à la manœuvre. Après avoir été très proches, les deux hommes sont aujourd'hui ennemis jurés. Comme le détaille le Huffington Post, leur rupture date de 2013, époque à laquelle Blatter, qui avait promis le contraire, pense à briguer un cinquième mandat, alors que Platini lorgne le poste. En mai 2015, le Français multiplie les attaques contre le Suisse, refuse de se présenter mais soutient officiellement le prince jordanien Ali, alors principal adversaire du président sortant.
A l'automne, alors que Michel Platini est mis en cause pour la somme de 1,8 million d'euros qu'il a touchée, le Suisse contre-attaque et en rajoute une couche dans une interview accordée à une agence de presse russe. Il affirme que le Français a manœuvré en secret, avec Nicolas Sarkozy, pour faire obtenir le Mondial 2022 au Qatar.
Mais, dans un autre entretien donné à la télévision suisse, Blatter déclare un mois plus tard que "Platini est un homme honnête". Avant d'ajouter dans un sourire : "S'il revient, je reviens aussi", puisque leurs suspensions sont liées. Le président démissionnaire n'a donc pour l'heure aucun intérêt à plomber son ex-protégé.
Finalement, Platini peut-il espérer devenir président de la Fifa ?
Si le TAS lui donne raison, plus rien ne pourra empêcher le Français de présenter sa candidature. Avec de vraies chances d'être désigné le 26 février prochain. "Je suis, en toute modestie, le plus à même de diriger le football mondial", avait déclaré Michel Platini fin octobre. Sepp Blatter lui-même avait acquiescé un mois plus tard : "S'il revient, il sera élu."
D'après le Français, c'est peut-être là qu'il faut chercher les responsables de la déstabilisation dont il dit être l'objet. "On veut m'empêcher de me présenter car on sait que j'ai toutes les chances de gagner", affirme-t-il, alors que six candidats ont déjà déposé leur dossier à Zürich. Si le TAS lui donne raison, reste à savoir si le retard pris par sa campagne et son image égratignée n'empêcheront pas Michel Platini de convaincre les dirigeants du foot mondial qu'il est apte à diriger la Fifa.
J’ai eu la flemme de lire votre article. Un petit résumé ?
Michel Platini est mis en cause pour avoir touché 1,8 million d'euros en 2011, une somme qui correspond, d'après lui, à la rémunération d'un travail de conseiller du président de la Fifa, Sepp Blatter, entre 1999 et 2002. La justice soupçonne des malversations. Du coup, Platini et Blatter ont été suspendus et encourent une radiation du monde du foot. Devant le tribunal arbitral du sport, le Français a demandé l'annulation de sa suspension, afin de pouvoir postuler à la présidence de la Fifa en février prochain, élection dont il est le grand favori.
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