Crise dans le football : "Les joueurs ne se rendent pas compte de la gravité de la situation", selon Pierre Maes, consultant en droits du sport
Face aux difficultés financières rencontrées par les clubs de football, l'hypothèse d'une baisse des salaires des joueurs est évoquée. Mais elle sera, en l'état, difficile à faire accepter estime Pierre Maes.
Alors que la faillite de Mediapro, diffuseur des matches de Ligue 1 et de Ligue 2, et les conséquences de la crise sanitaire plongent le football dans une crise économique sans précédent, des négociations sont engagées entre la LFP (Ligue de football professionnel), les clubs et les syndicats de joueurs pour s’accorder sur une baisse des salaires des footballeurs. La masse salariale représentant entre 40% et 70% des charges des clubs, il s’agit de négociations capitales pour tenir financièrement. Mais pour Pierre Maes, consultant en droit du sport, invité de franceinfo mercredi 13 janvier, il est peu probable que les joueurs acceptent une baisse de salaire car "les joueurs ne se rendent compte de la gravité de la situation".
>> Droits TV du foot français : les six dates qui ont précipité la crise
franceinfo : Les joueurs peuvent-ils accepter une baisse des salaires ?
Pierre Maes : Je ne pense pas que les joueurs se rendent compte de la gravité de la situation. Même le grand public ne s’en rend pas compte. La probabilité que des clubs soient déjà en faillite avant la fin de cette saison est réelle. Comme ils ne s’en rendent pas compte, je ne suis pas sûr que les joueurs soient prêts aujourd’hui à négocier une baisse de salaire.
"Peut-être qu’après l’une ou l’autre faillite de club ils seront dans de meilleures dispositions pour avancer dans ce type de discussion."
Pierre Maes, consultant en droit du sportà franceinfo
Canal+ a annoncé dans une interview mardi vouloir rendre ses droits de diffusion pour relancer un appel d’offre, Canal+ est en position de force dans cette affaire ?
Oui c’est clair, Canal est en position de force et entend le montrer. Cette interview est clairement une démonstration de force de la toute-puissance de Canal dans ce dossier, allant même, jusqu'à, comme il le prétend, prendre un énorme risque en demandant qu'un appel d'offre soit organisé. Mais je pense que le risque est très mesuré. Concernant le fait de rendre le lot de matches qu’il détient actuellement pour tout remettre à plat, je pense que ça va un peu trop loin. D’abord le lot 3 n’a pas été acquis à la Ligue, il a été acquis en sous-licence de BeIN. Donc, si Canal doit le rendre, c'est d'abord à BeIN. Je pense qu’il faut lire entre les lignes. Ce qu'il dit, c'est qu'il ne va pas payer le 5 février prochain.
"En même temps, il soulève un point qui est tout à fait juste en disant qu’il paye très cher pour un lot de seconde zone alors que, in fine, Mediapro aura payé très peu pour les lots principaux."
Pierre Maes
Donc, je comprends sa frustration et je crois qu'il met la pression sur la Ligue en disant : il y a paiement qui est prévu le 5 février pour notre lot 3, je n'entends pas le payer. Comme il n'a pas envie de passer pour aussi brutal que Mediapro, il dit simplement qu’il va rendre lot.
Est-ce que Maxime Saada, le président du groupe Canal+, a raison quand il dit que la Ligue 1 a perdu beaucoup de sa valeur depuis la crise du Covid-19 ?
Je ne suis pas sûr que le Covid-19 soit le seul responsable. La Ligue 1 a perdu de la valeur, il a raison. Mais la valeur des droits TV ne dépend pas du produit en lui-même. Les droits TV en eux-mêmes, n'ont pas vraiment de valeur, c'est immatériel. La valeur des droits TV dépend de la concurrence que se livrent les opérateurs pour les acquérir. Aujourd'hui, Canal+ est en situation de monopole, voire de duopole pour être poli et pour respecter l’existence de BeIN. Mais Canal+ sait qu'il peut ramener les prix au plus bas.
Est-ce que Canal+ a besoin du foot et plus précisément de la Ligue 1 et de la Ligue 2 ?
Je pense que seul Canal, et ses services commerciaux sont aptes à répondre à cette question. C'est vrai qu’ils connaissent très bien leurs abonnés. Ils disent que le taux de satisfaction des abonnés n'a jamais été aussi bon sans la ligue 1 et sans la Ligue 2, on peut les croire. Si c'est le cas, effectivement, c'est un gros problème pour les clubs et la ligue.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.