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Euro 2016 : mais pourquoi les oreilles de Giroud sifflent-elles autant quand il joue en bleu ?

L'attaquant titulaire de l'équipe de France est sifflé lors de toutes ses apparitions. A une semaine de l'Euro, l'union sacrée est loin d'être assurée derrière le buteur d'Arsenal.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
L'attaquant de l'équipe de France Olivier Giroud, lors du match amical face au Cameroun, à Nantes (Loire-Atlantique) le 30 mai 2016. (FRANCK FIFE / AFP)

L'évènement Facebook "Prier pour qu'Olivier Giroud se blesse avant l'Euro" rassemble désormais 60 000 internautes. L'attaquant d'Arsenal a été sifflé par une partie du public de La Beaujoire, à Nantes (Loire-Atlantique) pendant le match amical France-Cameroun, le 30 mai. L'un des spectateurs brandissait fièrement une pancarte où l'on pouvait lire : "Giroud blesse-toi stp." Histoire que les réservistes Hatem Ben Arfa ou Alexandre Lacazette fassent partie des 23 Bleus pour l'Euro ? Qu'un autre (André-Pierre Gignac, Kingsley Coman) lui chipe sa place de titulaire ? Mais pourquoi êtes-vous aussi méchants ? 

Hypothèse n°1 : il a une (trop) belle gueule

L'avant-centre de l'équipe de France est photogénique, et il en joue. "J’ai la faiblesse de penser que je suis élégant." Dès 2011, son club de l'époque, Montpellier, choisit de le mettre en avant pour la campagne d'abonnements. Olivier Giroud confie au Midi Libre : "C'est vrai, j'aime prendre soin de moi, de la façon de me coiffer ou de m'habiller." Après une prometteuse 3e place, il est élu joueur le plus sexy de L1 par le magazine Têtu en 2012. Deux ans plus tard, il pose fesses à l'air pour le calendrier des Dieux du stade, et compte parmi ses sponsors les costumes Hugo Boss : "Je n'ai pas envie d'être assimilé à un mannequin plutôt qu'à un footballeur", se défend-il dans une interview au JDD.  

Est-ce son talon d'Achille ? Interrogé après un mauvais match, le buteur des Gunners prend la mouche et comprend de travers la question : "Je ne veux plus parler de mon apparence, de mes cheveux ou de quoi que ce soit. Ça m'énerve !" Il confiera, de meilleure humeur, "ne pas passer tant de temps que ça à [se] coiffer."

Olivier Giroud lors d'un match Arsenal-Stoke City, le 11 janvier 2015. (MATTHEW ASHTON / CORBIS SPORT / GETTY IMAGES)

Hypothèse n°2 : il est victime de ses origines sociales

Olivier Giroud n'est pas issu d'une cité difficile où il a été livré à lui-même dès son plus jeune âge, un ballon au pied sur le béton. Il est le cadet d'une famille de la classe moyenne savoyarde, avec un père haut-cadre dans une entreprise d'agro-alimentaire et une mère au foyer. Son ancien manager général à Tours a dit de lui qu'il était "plus un chat angora qu'un chat de gouttière". Une petite phrase qui pique l'attaquant. "Quand on te dit que tu viens d'une famille aisée, on va t'associer au petit bourge et ça aussi, ça ne me plaît pas", rétorque-t-il dans l'émission "Sport confidentiel". 

Hypothèse n°3 : il a des relations difficiles avec Benzema

Il est de notoriété publique que sa relation avec Karim Benzema est difficile. L'enfant de Bron (Rhône), petit prodige, était international quand Olivier Giroud végétait encore en National, et que son coach à Grenoble lui assenait qu'il n'avait pas "le niveau pour la Ligue 2, encore moins pour la Ligue 1." Du coup, l'attaquant du Real vivait mal de devoir s'exiler sur le côté gauche pour faire de la place à son coéquipier, exclusivement axial, quand il a débarqué en Bleu. Didier Deschamps a tenté de les associer, et a même lâché un sonore : "Karim, tu joues avec Olivier maintenant", depuis le banc lors d'un amical face à l'Allemagne, en 2013. En vain.

En 2014, Karim Benzema ne lui a pratiquement pas passé un ballon de toute la Coupe du monde, sans qu'Olivier Giroud ne lui en tienne publiquement rigueur : "On n'est pas devenus les meilleurs amis du monde, mais on se connaît mieux", a juste lâché face aux micros le Gunner, très corporate. Libération rapporte qu'il a tout de même répondu, hors micro, aux critiques des journalistes sur son supposé manque de mobilité sur le front de l'attaque, qui peut être lié à sa mauvaise relation avec Karim Benzema, au pied du bus des Bleus, après un match victorieux en Biélorussie. Une façon de plaider sa cause sans lancer de polémique.

Hypothèse n°4 : il joue avant-centre

Le rôle d'avant-centre en équipe de France nécessite d'avoir les nerfs solides. Rien de plus rageant que d'attendre qu'un partenaire daigne réussir un centre pour se faire siffler d'avoir manqué le ballon entre deux défenseurs qui pèsent 200 kg à eux deux. Depuis Christophe Dugarry, et sa célèbre langue tirée aux journalistes après son but, le 12 juin 1998, contre l'Afrique du Sud à Marseille (Bouches-du-Rhône), tous les buteurs des Bleus ont dû essuyer lazzis et quolibets. Thierry Henry, lors de sa 100e sélection, André-Pierre Gignac, moqué pour son poids, ou encore Karim Benzema : "Je ne vais pas dire que je m’en fous, car ce ne serait pas la vérité", avait-il soufflé après une défaite face à l'Espagne en 2013. 

"Bien sûr qu'on a besoin de plaire, de se sentir entre guillemets 'aimé', confirme Olivier Giroud, dans une interview à France Football. Tous les joueurs en ont besoin, encore plus les attaquants, des joueurs très ciblés par le grand public et les médias." C'est sans doute pour ça qu'on retrouve la chanson sirupeuse L'Envie d'aimer dans sa playlist, diffusée avant la Coupe du monde brésilienne. 

Hypothèse n°5 : il pâtit d'un déficit de notoriété 

Olivier Giroud souffre du fait d'avoir dû passer par des chemins de traverse pour accéder au haut niveau : Grenoble, Istres, Tours, Montpellier (il manque de partir à Middlesbrough ou aux Celtic Glasgow) puis Arsenal. Il n'obtient sa première sélection qu'en 2011, à 25 ans, après une demi-saison convaincante avec Montpellier. Il essuie régulièrement les critiques de ceux qui trouvent qu'Arsenal devrait se munir d'un meilleur avant-centre, alors qu'il enchaîne les saisons à plus de 15 buts. Comme Thierry Henry, qui avait regretté le manque d'avant-centres brillants chez les Gunners. "Genre, nous, on n’est pas des attaquants de classe mondiale ?, s'emporte Olivier Giroud, lors d'une interview à L'Equipe Magazine. Il y a des trucs qui sont dits et qui me font chier. C’est humain. Mais je ne fais pas de complexe d’infériorité."

Le coach d'Arsenal, Arsène Wenger a volé à son secours, en rappelant que les consultants, comme Thierry Henry, étaient payés pour jeter de l'huile sur le feu. Mais chaque été, les gazettes bruissent de rumeurs qui prêtent aux Gunners l'intention de recruter le gratin des n°9, comme Karim Benzema, Robert Lewandowski ou Alvaro Morata. 

Et dans le cœur des 60 millions de sélectionneurs, il est souvent devancé par Antoine Griezmann - avant-centre héroïque d'un club héroïque - ou André-Pierre Gignac - le charme exotique du championnat mexicain ? - pour la place de n°9.

Hypothèse n°6 : il est devenu comme les autres footballeurs 

Olivier Giroud en interview, c'était des moments formidables de fraîcheur. A L'Equipe Magazine en 2012 : "J’ai eu parfois besoin de coups de pied au cul. (...) Je me souviens que mon premier coach, à Grenoble, m’a dit un jour que je serais meilleur quand je me serai fait couper les cheveux." Sur son départ en prêt à Istres, en National, dans Le Monde : "J'avais aussi besoin d'apprendre à faire ma vaisselle tout seul ! M'assumer, en un mot, quitter le cocon." Sur la vie de château à Arsenal : "A Arsenal, il y a des gens qui font tout à ta place : les repas, le linge, les courses… " Le genre de destin que la France adore : souvenez-vous de l'engouement pour Steve Savidan, l'ancien éboueur devenu avant-centre de Valenciennes et de Caen, sélectionné un soir de match amical contre l'Uruguay. Les fans de foot se souviennent plus de son retourné acrobatique raté que tous les buts de Karim Benzema sous le maillot bleu

Mais depuis quelques années, on a comme l'impression qu'Olivier Giroud s'est fait happer par le système. Avec comme moments marquants ses deux affaires extraconjugales, dévoilées par la presse tabloïd à quelques semaines d'intervalles, photo de l'attaquant en caleçon Sonic en prime. Les excuses gênées du joueur sur Twitter, son épouse qui prend les internautes à témoin, toujours en 140 caractères. Choquant pour un joueur croyant, qui prie avant chaque match et porte sur le bras un psaume tatoué ? Olivier Giroud serait-il devenu, aux yeux des amateurs de football, un joueur comme les autres ?

Que celui que Laurent Blanc décrivait comme "un garçon charmant" ne perde pas espoir. André-Pierre Gignac, son rival pour le poste d'avant-centre en bleu, est désormais réclamé par le public, alors qu'il endossait le rôle pénible de tête de Turc quelques années plus tôt. 

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