Ligue 1 / Ligue 2 : un nouveau plan de lutte contre l'homophobie alors que l'abandon du flocage arc-en-ciel divise toujours
"Dégageons l’homophobie !" C’est le message que la Ligue de football professionnel (LFP) veut imprimer sur toutes les pelouses de Ligue 1 et Ligue 2 pour les dernières journées de championnat. Le vendredi 17 mai, journée internationale de lutte contre l’homophobie, marquera le coup d’envoi d’une large campagne de lutte contre cette discrimination. Le dispositif, auquel certaines associations de lutte contre l’homophobie ne se joindront pas, a été dévoilé par la LFP. Parmi elles, SOS Homophobie et le PanamPride Football Club dénoncent un recul important de la lutte. Elles dénoncent l'abandon du flocage arc-en-ciel nouvelle preuve de la difficulté d’agir pour la cause en satisfaisant toutes les parties : LFP, clubs, joueurs et associations.
Un patch avec l’inscription "Homophobie" barrée en rouge, le patch de la Ligue 1 et de la Ligue 2 aux couleurs du drapeau LGBT, tout comme les drapeaux des poteaux de corner font notamment partie du dispositif de la LFP pour ce dernier week-end de championnat. Il reprend les codes de l’opération menée pour la lutte contre le racisme, en plus des ateliers menés tout au long de l’année dans les clubs en partenariat avec des associations comme Foot Ensemble et la Fondation pour le sport inclusif.
Pas suffisant pour certaines associations qui regrettent la visibilité moindre des couleurs de la cause LGBT : "Cette opération a le mérite d'exister, concède Bertrand Lambert, président du PanamPride Football Club et journaliste à France 3 Île-de-France. Mais là, c'est un recul fondamental qui invisibilise nos couleurs, les couleurs de notre combat. C'est quelque chose qu'on ne peut pas accepter". Selon lui, "cette disparition du flocage arc-en-ciel, c'est vraiment donner raison à ceux qui ne voulaient pas le porter". Ce logo, qui comporte les mêmes couleurs que celles pour la journée de lutte contre le racisme, ne trouve pas d’écho dans la lutte contre l’homophobie pour Bertrand Lambert : "Ils sont arrivés à ce rond noir qui peut avoir du sens pour le racisme. Mais moi qui suis concerné par la lutte contre l’homophobie, ce n'est pas possible d'arriver avec un badge noir. Ça n'a aucun rapport avec la cause LGBT", insiste-t-il.
Nous déplorons la fin des maillots 🏳️🌈 en Ligue 1&2
— PanamPride Football Club (@PanamPrideFC) March 28, 2024
Avec @SOShomophobie nous avons décidé de nous désolidariser de cette campagne menée par la LFP constatant l’invisibilisation du symbole de notre lutte contre l'homophobie
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Les couleurs du drapeau LGBT seront pourtant bien présentes sur les maillots, mais uniquement sur les patchs des logos de la Ligue 1 et de la Ligue 2. Pas suffisant pour le président du PanamPride Football Club : "Ce petit logo, il sera visible des joueurs, il ne sera visible de personne d'autre", se désole-t-il. Il craint quand même que la seule présence de ces couleurs sur les maillots pousse encore certains joueurs à ne pas le porter : "Il faut être très attentif à ce qu'il va se passer ce week-end parce que là, en gros, on fait ça pour faire plaisir aux joueurs. Mais le maillot leur a été présenté et certains auraient dit : 'Il y a toujours le symbole, ça me pose problème'."
"Est-ce qu’on imagine une association de lutte contre le racisme en critiquer une autre à l’heure où on fait une campagne de lutte contre le racisme ?"
la LFPà Franceinfo: sport
Du côté de la LFP, on regrette la désolidarisation de ces deux associations : "Ce dispositif de communication grand public est vraiment inédit et n'a jamais été aussi important sur nos journées de championnat. Cette journée s'inscrit vraiment dans tout ce qu'on fait tout au long de la saison, avec les ateliers de lutte contre les discriminations qu'on mène dans les clubs. On a du mal à comprendre que la Ligue soit un punching-ball, alors qu’on est un allié. C’est l’instance du sport qui en fait le plus."
Yoann Lemaire est président de l’association Foot Ensemble. Après avoir milité pour le flocage arc-en-ciel il y a trois ans, il fait partie de ceux qui ont accepté de l’abandonner pour ce nouveau dispositif après avoir rencontré, sur le terrain, les oppositions "argumentées" dans un contexte où certains avancaient que ce maillot avait pour but de faire la promotion de l'homosexualité : "J'ai fait un courrier après beaucoup d'interventions auprès des centres de formation, aussi dans le milieu pro. J'avais sous-estimé le problème. Le maillot en posait beaucoup. Parfois, c'était très bien argumenté. Parfois, pas du tout. Parfois, c'était homophobe. Ca devenait pénible parce qu'on n'arrivait plus à parler d'homophobie : comment s'engager contre l'homophobie, c'est quoi l'homosexualité, c'est quoi l'homophobie, c'est quoi le comportement homophobe ? On n'arrivait plus à échanger de façon constructive", justifie-t-il.
Médiatisation du négatif
Yoann Lemaire pointe aussi un autre problème : la médiatisation de cette opération ne portait, à chaque fois, que sur les quelques joueurs qui refusaient de porter ce maillot, et pas sur les plusieurs centaines d’autres qui acceptaient le flocage : "Oui, il y en a cinq qui ne l'ont pas porté, mais il y en a 800 ou 900 qui l'ont fait. Quand je vais dans un collège ou un lycée, les enfants me disent 'Dans le foot, vous êtes tous homophobes.' Parce que les gamins ont vu à la télé que seulement quatre ou cinq joueurs n’ont pas voulu porter le maillot." Il assume préférer une solution qui "contourne le problème", afin "d'amener ces gens-là à la lutte contre l'homophobie plutôt que l'inverse" : "Je ne dis pas qu’ils ont gagné, c’est juste un pas de côté pour les emmener autrement."
Pour Bertrand Lambert, cette médiatisation, même négative, "c'était un formidable thermomètre" : "Je regrette que les médias ne retenaient à chaque fois que les cinq qui ne le portaient pas. Ce n'était pas mon souhait du tout. Malgré tout, ça permettait de mettre ce sujet à la une. Tout le monde était obligé de se positionner par rapport à ces problèmes d'homophobie. Tous les gens qui faisaient l'autruche depuis des années en disant que ça n'existait pas ne pouvaient plus tenir cette position-là. On voyait bien qu'il y avait de l'homophobie dans le foot."
Depuis la fin de l’année 2021, la LFP, en partenariat avec les différentes associations, a mené 89 ateliers de sensibilisation auprès de 32 clubs professionnels. C’est sur ce terrain-là que la lutte doit se concentrer pour Yoann Lemaire : "L'essentiel, c'est d'aller dans les clubs le reste de l'année. C'est le travail au long cours. Le travail de sensibilisation, de pédagogie, c'est ça le plus important."
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